Les récentes sorties verbales de figures politiques sénégalaises, notamment l’utilisation du mot « gougnafier » par Moustapha Diakhaté et surtout du terme « fumier » par le Premier ministre Ousmane Sonko, soulèvent une inquiétude croissante quant à la dégradation du discours public au Sénégal. L’usage d’un langage insultant par les élites politiques est un signe inquiétant de la dérive populiste et du recul du débat démocratique.
Le Sénégal a longtemps été cité en exemple pour la qualité de ses débats politiques, la vigueur de sa société civile et le respect des règles démocratiques, malgré les tensions inhérentes à toute démocratie. Cependant, depuis quelques années, une radicalisation du langage politique se dessine. Ousmane Sonko, lors d’un conseil national de son parti Pastef, a franchi une ligne rouge en traitant certains membres de la société civile de « fumiers ». Ce terme, d’une violence extrême, ne relève plus du simple écart de langage : il devient le symptôme d’une culture politique qui se nourrit de la confrontation permanente.
Contrairement au mot « gougnafier » certes péjoratif mais souvent utilisé sur un ton moqueur le terme « fumier » est une attaque frontale, brutale, sans filtre. Il vise à humilier et à discréditer. En qualifiant ses contradicteurs de « fumiers », Sonko ne débat pas ; il insulte, il salit. Or, quand le Premier ministre de la République se permet ce niveau d’outrance verbale, c’est tout le pacte démocratique qui vacille. Car les mots ont un poids, une portée, surtout quand ils sont proférés depuis les plus hautes sphères de l’État.
Une normalisation de l’insulte : Ce type de langage contribue à banaliser l’invective dans l’espace public. À force d’entendre « fumier », les citoyens finissent par considérer l’insulte comme un mode d’expression politique légitime.
La société civile comme bouc émissaire : Traiter la société civile, acteur essentiel du contrôle démocratique de « fumier » revient à tenter de la disqualifier pour mieux s’affranchir de ses critiques.
Une stratégie populiste dangereuse : L’insulte est un outil classique des leaders populistes. Elle permet de galvaniser une base militante, mais au prix de la cohésion nationale et du respect des règles du jeu démocratique.
La rupture du dialogue : Le recours à la vulgarité ferme la porte à tout débat constructif. Si l’on ne peut plus dialoguer sans s’insulter, alors c’est la démocratie elle-même qui est menacée.
L’analyse de situations similaires à l’étranger comme les outrances verbales de figures politiques telles que Donald Trump aux États-Unis ou Jair Bolsonaro au Brésil montre que la montée en puissance d’un langage grossier coïncide souvent avec un affaiblissement des institutions démocratiques et une polarisation extrême de la société. Le Sénégal doit tirer les leçons de ces expériences : la violence verbale est rarement gratuite ; elle est le prélude à une radicalisation plus profonde.
En Afrique, certains pays comme le Bénin ou le Ghana continuent de valoriser un débat politique sobre, même dans les périodes de tension. Pourquoi le Sénégal devrait-il faire exception ? Pourquoi accepter qu’un Premier ministre insulte publiquement ceux qui ne partagent pas sa vision ?
Quand l’élite insulte, le peuple se déchire. Le recours à des termes comme « fumier » dans l’arène politique sénégalaise n’est pas un détail : c’est un signal d’alarme. Il faut que les responsables politiques prennent conscience de leur rôle dans la préservation d’un débat digne et respectueux. Car sans respect dans les mots, il ne saurait y avoir de respect dans les actes.
Il faut rejeter fermement cette dérive langagière, refuser que notre démocratie soit souillée par l’insulte, et exiger un discours public fondé sur le respect, la hauteur et l’intelligence. Car ce que nous tolérons aujourd’hui, nous le subirons immanquablement demain.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdoulaye Mbaye.
Mis en ligne : 20/07/2025
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