Ce 13 juillet, les autorités haïtiennes ont annoncé une saisie record : plus d’une tonne de cocaïne interceptée sur l’île de La Tortue. Une opération saluée comme un « grand coup » par la Police Nationale d’Haïti (PNH), qui y voit une preuve de son engagement contre le trafic de drogue. Pourtant, au-delà de cette vitrine sécuritaire, la réalité est autrement plus sombre.
Ce coup d’éclat, bien que symboliquement fort, ne représente qu’un micro-événement dans un pays gangrené par la corruption, la violence et l’impuissance institutionnelle. Il serait dangereux de s’en contenter.
Depuis plusieurs années, Haïti est devenu une plaque tournante du trafic de drogue entre l’Amérique du Sud et les États-Unis. La faiblesse chronique de l’État, les frontières poreuses, la corruption endémique et la mainmise des gangs sur la capitale ont permis aux cartels de prospérer. Selon l’ONUDC, 90 % de Port-au-Prince est désormais contrôlé par des groupes armés, qui ne se contentent plus de la violence : ils mettent en place des formes de gouvernance parallèle, défiant l’autorité de l’État.
La saisie de 1 045 kilogrammes de cocaïne pourrait, à première vue, être perçue comme un signe d’efficacité. Mais il ne faut pas se leurrer : cette opération, aussi spectaculaire soit-elle, est une exception dans un océan d’échecs. Elle ne remet aucunement en cause les réseaux profondément enracinés qui orchestrent, protègent et tirent profit de ce commerce illicite.
La question n’est pas de savoir si la drogue circule en Haïti elle circule. Elle transite, se stocke, se vend, et finance l’arsenal des gangs. La vraie question est : qui laisse faire, et pourquoi ? Et surtout, que font les autorités en dehors de ces coups médiatiques isolés ?
Forces de sécurité débordées et sous-équipées, la Police Nationale d’Haïti manque cruellement de moyens matériels et humains. Elle opère souvent sans salaires réguliers, sans soutien logistique, et dans un climat d’insécurité permanent. Une telle structure ne peut mener une guerre durable contre les cartels.
Corruption endémique, les narcotrafiquants haïtiens bénéficient d’un système corrompu jusqu’au sommet. Douaniers, policiers, juges, voire responsables politiques ferment les yeux ou participent activement en échange de pots-de-vin.
Absence de stratégie globale, cette saisie ne s’inscrit dans aucun plan cohérent de lutte contre la drogue. Il n’y a pas de coordination nationale, ni de politique de prévention, de réinsertion ou de coopération régionale solide.
Les gangs, véritables maîtres du pays, alors que l’État s’effondre, les gangs armés contrôlent le territoire, rackettent la population et coopèrent avec les narcotrafiquants. Tant que ces groupes ne seront pas démantelés, toute lutte contre la drogue restera vaine.
Le rapport 2024 de l’ONUDC sur la région caribéenne confirme une hausse significative du transit de cocaïne par Haïti, qui reste un point faible du dispositif régional. Contrairement à la République dominicaine voisine, Haïti ne dispose pas d’un système de surveillance maritime fiable ni de coopération judiciaire efficace avec ses voisins.
Comparons la situation haïtienne avec celle du Honduras ou du Guatemala, également gangrenés par les cartels. Ces pays ont au moins tenté des réformes structurelles (création d’unités d’élite, coopération internationale, protection des juges). En Haïti, aucun pas sérieux n’a été franchi dans ce sens.
Féliciter la PNH pour une saisie spectaculaire, c’est comme applaudir un seau d’eau lancé sur une maison en feu. Tant que les racines profondes du trafic de drogue ne seront pas arrachées corruption, impunité, contrôle des gangs ces opérations ne serviront qu’à masquer l’échec global d’un État en ruines. Le peuple haïtien mérite mieux qu’un théâtre sécuritaire : il mérite un véritable sursaut politique et moral.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 22/07/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.
