Dans un article récemment publié, il est rapporté que des centaines de réfugiés maliens et burkinabè ont trouvé refuge dans le département de Bakel, à l’est du Sénégal. Fuyant les exactions des forces armées et milices locales dans leurs pays respectifs, ces hommes, femmes et enfants ont trouvé un semblant de répit à Wouro Thierno, un village sénégalais qui tente tant bien que mal de leur offrir un abri.
Si l’élan de solidarité des habitants est à saluer, l’arrivée massive de réfugiés dans cette région déjà marginalisée du Sénégal constitue une grave menace pour la stabilité sociale et économique locale.
Bakel est l’un des départements les plus enclavés et les moins dotés en infrastructures du Sénégal. Déficits chroniques en eau potable, insécurité alimentaire, faible couverture sanitaire, accès limité à l’éducation : le quotidien y est déjà éprouvant pour les populations locales. C’est dans ce contexte de vulnérabilité extrême qu’arrivent, chaque semaine, des dizaines de familles fuyant la terreur. Le problème n’est pas tant l’accueil des réfugiés geste noble et profondément humain mais l’absence totale d’anticipation et de soutien étatique face à cette situation explosive.
Les communautés locales de Wouro Thierno ont pris sur elles d’héberger ces familles traumatisées, construisant des cases de fortune en banco avec des toits en paille. Mais à quel prix ? L’afflux de réfugiés entraîne une pression directe sur des ressources déjà insuffisantes. L’eau, déjà rare dans la zone, devient un enjeu crucial de survie. L’accès à la nourriture, partagé entre familles locales et réfugiées, s’amenuise. Quant aux soins médicaux, ils sont presque inexistants, et le risque d’épidémies s’accroît.
Lorsque deux groupes précaires sont contraints de partager des ressources limitées, la tension est inévitable. L’histoire nous a enseigné que les crises humanitaires mal gérées deviennent rapidement des crises sécuritaires. Le ressentiment grandit chez certains habitants qui craignent une compétition pour les aides alimentaires ou un déséquilibre dans l’accès aux services sociaux. À cela s’ajoute l’absence de cadre légal clair pour la gestion de ces déplacés : aucun statut officiel, aucune coordination nationale, aucune allocation budgétaire d’urgence.
Le Sénégal devrait tirer des leçons du Tchad, pays voisin qui a vu affluer des centaines de milliers de réfugiés soudanais dans des zones rurales tout aussi fragiles. Le manque de planification et de soutien a provoqué des conflits intercommunautaires violents, déstabilisant durablement les zones d’accueil. Bakel n’est pas à l’abri d’un tel scénario si les autorités persistent dans leur silence.
Cette situation est révélatrice de l’inaction coupable de l’État sénégalais. Aucun plan d’urgence, aucune coordination avec les ONG, aucun soutien logistique. On laisse les populations locales porter seules le poids d’une crise régionale. Ce désengagement est d’autant plus inadmissible que les autorités sénégalaises sont bien conscientes des risques d’extension du conflit au Sahel.
Accueillir des réfugiés est un devoir moral et humanitaire. Mais le faire sans planification, sans soutien, dans une région structurellement délaissée, c’est jouer avec le feu. Les autorités doivent urgemment intervenir pour éviter une double catastrophe : humanitaire et sociale. Faute de quoi, ce qui n’est aujourd’hui qu’une crise silencieuse à Bakel pourrait bien devenir demain une bombe sociale à retardement.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 30/07/2025
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