Une amende, et tout s’efface : À quoi sert encore la loi ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Maimouna | Publié le 04/08/2025 03:08:30

Une amende, et tout s’efface : À quoi sert encore la loi ?

Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »

Récemment, l’affaire Oma Logistics Sénégal a fait grand bruit dans les milieux économiques et judiciaires. Accusés de fraude fiscale, d’exportation sans déclaration et de non-respect d’engagements contractuels, plusieurs dirigeants du groupe ont vu les projecteurs braqués sur eux. Pourtant, au terme de plusieurs semaines de procédures, une transaction a mis fin aux poursuites pénales : un chèque d’un milliard de FCFA a été versé à la Douane, et les dirigeants ont immédiatement recouvré leur liberté. Derrière cette issue, c’est bien le signe d’un système judiciaire à deux vitesses qui se dessine, où les puissants semblent pouvoir acheter leur impunité.

L’enquête diligentée par le juge financier révélait des faits graves impliquant non seulement des manquements à la loi fiscale, mais aussi des pratiques douteuses dans les procédures d’exportation. Les dirigeants incriminés, à savoir les DG de plusieurs filiales du groupe Oma et leur conseiller juridique, avaient sollicité l’un des plus prestigieux cabinets internationaux, Baker McKenzie, dans une tentative de défense qui a, semble-t-il, buté sur l’enlisement du dossier.

Or, plutôt que de voir ces individus répondre devant la justice, c’est la voie du compromis financier qui a prévalu. Le milliard versé a éteint toute poursuite, l’affaire est classée, et l’on pourrait croire que justice est faite. Mais est-ce vraiment le cas ?

Cette transaction met en lumière une réalité préoccupante : le droit semble se négocier quand on dispose d’une telle capacité financière. À quel moment une simple amende équivalente à plusieurs centaines de milliers d’euros suffit-elle à effacer des faits qui auraient pu entraîner une lourde sanction pénale ? Ce choix, s’il est légal, pose un grave problème d’égalité devant la loi.

En effet, qu’en est-il pour le citoyen lambda qui, faute de moyens, ne peut négocier ou s’acquitter d’une amende faramineuse pour échapper à la justice ? Cette affaire souligne un déséquilibre flagrant où les grandes entreprises, et leurs dirigeants, bénéficient d’un traitement de faveur, par opposition aux particuliers souvent soumis à la rigueur judiciaire la plus stricte. On assiste ici à une justice taillée sur mesure, où l’argent devient une clé pour tourner la page, quelle que soit la gravité des infractions.

L’impunité liée à la richesse fragilise la confiance du public dans les institutions judiciaires. Quand les justiciables perçoivent que la justice peut être contournée par un simple versement, leur respect des lois s’effrite.

Ce précédent encourage les comportements frauduleux. Pourquoi respecter scrupuleusement la loi, quand il suffit de payer pour éviter les poursuites ?

Ce mécanisme creuse les inégalités sociales. Il favorise la concentration du pouvoir et des richesses, en évinçant les règles censées garantir un terrain de jeu équitable.

Ce phénomène n’est malheureusement pas isolé. Dans plusieurs pays, la justice économique est souvent perçue comme laxiste envers les grandes entreprises. En France, par exemple, les transactions pénales (ou « plaider coupable ») permettent parfois à des multinationales d’éviter un procès public, moyennant des amendes souvent moins dissuasives que des sanctions judiciaires. Aux États-Unis, les scandales financiers révèlent fréquemment que les amendes versées ne sont que des « coûts d’exploitation » pour les grandes firmes, sans que les responsables soient véritablement sanctionnés.

L’affaire Oma illustre tristement une justice à deux vitesses, où l’argent achète la liberté et efface les responsabilités pénales. Ce système est non seulement injuste mais dangereux pour la cohésion sociale. Il faut que les institutions judiciaires garantissent une application équitable de la loi, sans distinction de fortune ni de pouvoir. La justice ne doit pas être un privilège, mais un droit pour tous.

Les autorités judiciaires et politiques doivent impérativement réformer ces pratiques. Il est indispensable de renforcer les mécanismes pour que les infractions graves soient punies non par des versements négociés, mais par des sanctions effectives, visibles et exemplaires. Le pays mérite une justice qui protège tous ses citoyens de manière égale, et non un système qui continue à nourrir l’injustice sous couvert de transactions financières.

Il en va de la crédibilité même de l’État de droit et de la confiance des citoyens envers leurs institutions. Ignorer ce problème, c’est consentir à un double langage où l’argent dicte la loi, ce que nul ne devrait accepter.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mariama S. Kane.
Mis en ligne : 08/08/2025

La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.


Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Copyright © 2023 www.notrecontinent.com

To Top