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Au cours de la première moitié de l’année 2025, le Sénégal a généré près d’un milliard de dollars grâce à l’exportation de pétrole brut du champ pétrolier de Sangomar. Un chiffre impressionnant, salué par les autorités et les partenaires du projet comme une réussite économique majeure. Pourtant, derrière ce succès apparent, il est important d’adopter un regard critique sur les risques qu’implique une telle dépendance aux revenus pétroliers.
Le Sénégal a franchi une étape historique en 2024 en démarrant la production commerciale de pétrole brut à Sangomar, opérée par Woodside. Depuis, les exportations de pétrole ont fortement contribué aux recettes du pays, permettant d’exporter pour plusieurs centaines de milliards de francs CFA. Cette manne financière est une bouffée d’oxygène pour une économie encore fragilisée par de nombreux défis sociaux et économiques. Mais cette ressource précieuse peut rapidement devenir un piège.
Il est tentant d’encenser le pétrole comme une aubaine, mais le Sénégal court un risque bien réel : celui de la dépendance excessive aux revenus pétroliers. Une telle dépendance expose l’économie nationale à la volatilité des cours du pétrole sur les marchés internationaux, souvent instables et imprévisibles. Une chute brutale des prix peut immédiatement réduire les recettes publiques, plonger le pays dans une crise financière, et compromettre les investissements dans d’autres secteurs essentiels.
Cette vulnérabilité économique est un classique des pays producteurs de ressources naturelles, phénomène que les économistes appellent la « malédiction des ressources ». Alors que ces pays pourraient théoriquement prospérer, beaucoup d’entre eux souffrent au contraire d’une croissance économique ralentie, d’une gouvernance faible et d’inégalités croissantes. La manne pétrolière peut nourrir la corruption, alimenter les conflits internes et détourner l’attention des réformes structurelles nécessaires.
L’histoire mondiale montre que la richesse soudaine en ressources naturelles ne garantit pas un développement durable. Des pays comme le Nigéria, le Venezuela ou encore l’Angola ont payé un lourd tribut à cette dépendance, avec des épisodes de crise économique, de mauvaise gestion et de déstabilisation politique.
Miser sur le pétrole peut freiner la diversification économique. Le Sénégal a un potentiel agricole, touristique et industriel important, mais le boom pétrolier peut décourager les investissements dans ces secteurs. Ce déséquilibre rend l’économie sénégalaise plus fragile et moins résiliente face aux chocs externes.
Les revenus pétroliers sont souvent mal redistribués, exacerbant les inégalités sociales. Sans mécanismes transparents et rigoureux de gestion des fonds, les populations ne bénéficieront pas pleinement de cette richesse, ce qui pourrait générer frustration et tensions sociales.
Le cas de la Norvège, souvent cité comme un exemple de bonne gestion des ressources pétrolières, est exceptionnel. Ce pays a mis en place un fonds souverain transparent, un contrôle strict de la gouvernance, et a continué à investir massivement dans la diversification économique et le capital humain. Le Sénégal, en comparaison, n’a pas encore cette maturité institutionnelle et doit éviter de reproduire les erreurs classiques des pays en développement riches en pétrole.
Le Sénégal doit aborder sa nouvelle richesse pétrolière avec lucidité et prudence. Il faut que le pays évite la tentation de s’en remettre exclusivement au pétrole pour sa prospérité. Une diversification économique robuste, la transparence dans la gestion des revenus pétroliers, et un cadre réglementaire strict sont des urgences nationales. Le risque d’une « malédiction pétrolière » est réel, et il pourrait compromettre l’avenir économique et social du pays.
Le Sénégal a l’opportunité d’apprendre des expériences passées et d’agir en conséquence : ne pas laisser le pétrole devenir un mirage qui éloigne le pays de ses véritables fondations de développement. Les autorités et la société civile doivent donc unir leurs forces pour bâtir une économie résiliente, durable et juste, loin des sirènes éphémères du pétrole.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mansour Ndoye.
Mis en ligne : 06/08/2025
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