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Le ministre sénégalais de la Justice, Ousmane Diagne, vient de saisir officiellement le parquet général afin d’ouvrir une enquête sur les morts survenues lors des manifestations politico-judiciaires de 2021 à 2024. Cette initiative, rapportée par L’Observateur, confie au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dakar, Ibrahima Ndoye, la mission de faire la lumière sur ces tragédies. Parmi les infractions visées, figure celle de crimes contre l’humanité. Malgré la solennité de cette démarche, il est permis de douter de son efficacité réelle, tant la justice sénégalaise nous a habitués à une lenteur paralysante et à une absence flagrante de résultats.
Entre 2021 et 2024, le Sénégal a traversé une période d’instabilité politique majeure, marquée par des manifestations récurrentes, réprimées avec une violence inouïe. Plusieurs dizaines de morts ont été recensées, essentiellement des jeunes, souvent sans armes, abattus lors de rassemblements. Ce climat d’impunité a renforcé le fossé entre citoyens et institutions, en particulier la justice, trop souvent perçue comme inféodée au pouvoir en place.
Cette soudaine volonté d’ « élucider » des morts vieilles de plusieurs années soulève des interrogations légitimes. Pourquoi maintenant ? Pourquoi si tard ? En réalité, ce n’est pas la première fois que la justice sénégalaise annonce l’ouverture de dossiers sensibles. L’histoire récente du pays est jalonnée d’affaires restées sans suite, ou enterrées dans les dédales administratifs. On se souvient notamment du dossier de l’étudiant Fallou Sène, tué en 2018 à l’université de Saint-Louis, dont l’enquête n’a jamais abouti à une quelconque condamnation. Autre exemple : les événements de mars 2021, avec plus d’une dizaine de morts, n’ont jamais fait l’objet d’un procès public ni de reconnaissance officielle des responsabilités.
L’annonce actuelle pourrait n’être qu’un écran de fumée, une manœuvre politique pour apaiser l’opinion publique, sans réelle volonté de justice. L’évocation de « crimes contre l’humanité » donne une coloration dramatique à l’affaire, mais dans un pays où même les délits mineurs mettent des années à être jugés, cette ambition paraît irréaliste. À l’international, des pays comme la Tunisie ou le Nigeria ont, eux aussi, annoncé des enquêtes après des violences d’État, sans que les familles des victimes ne trouvent jamais justice. Pourquoi en serait-il autrement au Sénégal ?
La lenteur chronique du système judiciaire sénégalais est bien connue. Entre les procédures interminables, l’encombrement des tribunaux, et les interventions politiques, il est à craindre que cette nouvelle enquête connaisse le même sort que les précédentes : l’oubli. Pendant ce temps, les familles des victimes attendent toujours des réponses. Et à défaut de justice, elles risquent d’obtenir une fois de plus le silence pour seule consolation.
Il faut abandonner les déclarations de bonne volonté qui n’engagent à rien. Si l’État souhaite réellement tourner la page de l’impunité, il doit s’engager publiquement sur un calendrier précis, des moyens concrets, et des garanties claires d’indépendance pour cette enquête. Sans cela, cette annonce ne sera qu’un épisode de plus dans la longue série des promesses non tenues qui discréditent la justice sénégalaise et nourrissent la défiance des citoyens envers ses institutions.
La justice ne doit pas seulement être rendue ; elle doit l’être à temps, de manière transparente et crédible. Sinon, elle n’est qu’une mascarade.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sarata l. Pouye.
Mis en ligne : 06/08/2025
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