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Le projet de loi n°15/2025 sur la déclaration de patrimoine, récemment présenté comme un jalon crucial dans la moralisation de la vie publique, ne manque pas d’ambition sur le papier. Il élargit le champ des personnes assujetties, durcit les sanctions, s’aligne sur les standards du Code de transparence de l’UEMOA et promet un contrôle rigoureux des déclarations.
Mais faut-il s’en réjouir trop vite ? Rien n’est moins sûr. Derrière le vernis juridique, cette réforme semble davantage répondre à une injonction internationale qu’à une volonté politique sincère de rompre avec l’impunité.
Au Sénégal, la lutte contre la corruption est un serpent de mer. Depuis la loi initiale de 2014, révisée en 2024, les engagements se succèdent, sans résultats probants. Les rapports accablants de la Cour des comptes dorment dans les tiroirs. Les responsables pointés du doigt ne sont ni inquiétés ni sanctionnés. Le citoyen, lassé, assiste à une répétition cynique : l’État annonce, promet, puis oublie. Dans ce contexte, l’apparition soudaine d’une réforme “plus musclée” interroge. Pourquoi maintenant ? Pour qui ?
Loin d’être une initiative souveraine, cette loi semble dictée par des considérations exogènes. Le Fonds monétaire international (FMI), l’Union européenne et les bailleurs de fonds n’ont eu de cesse de demander plus de transparence dans la gestion publique. Cette réforme tombe à pic, au moment où le pays cherche à rassurer ses partenaires après plusieurs années de turbulences politiques et financières. L’alignement avec le Code UEMOA n’est pas une mauvaise chose en soi, mais il souligne la dimension cosmétique d’une réforme faite pour cocher des cases plutôt que pour transformer les pratiques.
Certes, le texte impressionne par sa rigueur : extension des profils assujettis, sanctions lourdes, contrôle renforcé. Mais à quoi bon, si les mécanismes de contrôle restent sous-financés, mal dotés ou instrumentalisés ? L’organe chargé de vérifier les déclarations dispose-t-il des moyens réels pour mener ses enquêtes ? Les précédents ne plaident pas en faveur d’un changement systémique. Dans les faits, rares sont les personnalités poursuivies pour fausse déclaration. Plus encore, la confidentialité totale du processus empêche tout contrôle citoyen. L’opacité reste reine, malgré les apparences de transparence.
Au Rwanda, les déclarations de patrimoine sont publiées en ligne, accessibles à tous. En Afrique du Sud, la justice a poursuivi de hauts responsables pour corruption. Même au Ghana voisin, certaines commissions parlementaires enquêtent publiquement. Pendant ce temps, au Sénégal, les citoyens n’ont accès à aucun registre public. Aucune obligation de transparence active n’est imposée aux personnes déclarantes. Pourquoi tant de protection pour ceux censés rendre des comptes ?
En définitive, le projet de loi n°15/2025 apparaît comme une réponse calibrée aux attentes extérieures, bien plus qu’un outil de rupture avec la culture de l’impunité. Tant que les pratiques resteront inchangées, tant que les rapports de la Cour des comptes ne seront pas suivis d’effets, tant que les déclarations resteront enfouies dans des classeurs scellés, la lutte contre la corruption relèvera du théâtre institutionnel.
Il faut arrêter de maquiller l’inaction avec des textes impressionnants, mais sans lendemain. La transparence véritable ne se décrète pas, elle se prouve dans les actes.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 15/08/2025
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