Le Sénégal échange un maître contre un autre : Transfert de domination - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 16/08/2025 12:08:00

Le Sénégal échange un maître contre un autre : Transfert de domination

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La récente visite officielle du Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko en Turquie, présentée comme une étape majeure pour renforcer un « partenariat stratégique et fraternel », soulève un débat essentiel sur la souveraineté réelle du Sénégal. Ce déplacement, largement relayé dans la presse officielle, met en lumière une volonté affichée d’abandonner l’emprise néocoloniale française pour diversifier les alliances, notamment avec la Turquie, un pays en pleine expansion géopolitique.

Toutefois, ce changement d’alliance ne doit pas être perçu comme une émancipation automatique. Le Sénégal risque de substituer une forme de dépendance à une autre, sans garantir une souveraineté véritable.

Depuis l’indépendance, le Sénégal, comme nombre de pays africains, a longtemps souffert de relations déséquilibrées avec son ancien colonisateur, la France. La présence économique, culturelle et politique française a souvent limité la capacité du pays à tracer un chemin autonome. Face à cela, la décision du gouvernement actuel de renforcer les liens avec la Turquie s’inscrit dans une logique de diversification des partenaires. La Turquie, avec son modèle de développement perçu comme dynamique et « décomplexé », exerce une influence croissante en Afrique, notamment à travers des investissements massifs et des projets d’infrastructures ambitieux.

L’enthousiasme affiché pour ce partenariat ne doit pas masquer une réalité complexe : la Turquie, tout comme la France auparavant, poursuit ses propres intérêts géopolitiques. En investissant dans des secteurs stratégiques tels que la défense, l’énergie, et les infrastructures, Ankara gagne un levier économique et politique important. Le Sénégal, malgré ses ambitions souveraines, pourrait ainsi se retrouver pris dans une nouvelle forme de tutelle économique et diplomatique. Le modèle « gagnant-gagnant » vanté par les responsables turcs et sénégalais peut masquer des déséquilibres structurels, où le partenaire africain reste en position de demandeur.

Sur le plan sécuritaire, la coopération avec la Turquie autour d’une industrie militaire moderne semble prometteuse, mais elle implique aussi une dépendance accrue vis-à-vis d’un fournisseur unique. Ce choix stratégique mérite un examen prudent, car la souveraineté implique la maîtrise complète de ses outils de défense et non une dépendance externalisée.

Substitution de dépendances, le rejet de la tutelle française est légitime, mais remplacer une puissance extérieure par une autre ne constitue pas une véritable souveraineté. C’est un simple transfert de domination, déguisé en partenariat équilibré.

Asymétrie dans les relations économiques, la Turquie, pays émergent à l’agenda géopolitique ambitieux, utilise ses investissements pour étendre son influence, souvent au détriment des intérêts locaux.

Risque d’endettement et de perte de contrôle, les projets d’infrastructures massifs sont souvent financés par des prêts à rembourser, ce qui peut grever durablement les finances publiques sénégalaises.

Manque de diversification réelle, le Sénégal doit veiller à ne pas concentrer son avenir économique et sécuritaire dans un seul partenariat, pour préserver sa marge de manœuvre.

Le cas sénégalais n’est pas isolé. Des pays comme le Kenya, le Nigéria ou l’Éthiopie ont aussi vu leur dépendance se déplacer de l’Occident vers la Chine ou la Turquie. Dans beaucoup de ces cas, les relations économiques, bien qu’intenses, créent une nouvelle forme de dépendance stratégique, souvent plus difficile à renverser à moyen terme. La souveraineté exige donc un équilibre délicat et une vigilance constante.

La souveraineté n’est pas simplement une question d’alliance ou de partenaire, mais bien une question de maîtrise effective de son destin. Le Sénégal doit prendre garde à ne pas confondre diversification avec émancipation. La Turquie, malgré ses promesses, ne doit pas devenir un nouveau « maître » sous un vernis de coopération respectueuse. Pour bâtir une souveraineté authentique, il faudra veiller à des relations équilibrées, basées sur la réciprocité et la défense claire des intérêts nationaux, sans tomber dans un nouvel engrenage de dépendance déguisée. Le défi est immense, mais c’est seulement en gardant cette lucidité que le Sénégal pourra vraiment avancer vers un avenir libre et souverain.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 16/08/2025

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