Sonko copie les anciens qu’il critiquait : Le dilemme du changement - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 23/08/2025 12:08:00

Sonko copie les anciens qu’il critiquait : Le dilemme du changement

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L’annonce officielle de la participation d’Ousmane Sonko, Premier ministre, à un séminaire intergouvernemental avec son homologue français a de quoi surprendre. Selon l’Ambassade de France au Sénégal, une mission sénégalaise conduite par le ministre Boubacar Camara s’est rendue à Paris pour préparer les réformes institutionnelles à venir, dans le cadre du référentiel Sénégal 2050.

L’objectif : co-construire et co-développer des réformes, avec un échange de bonnes pratiques sur la gouvernance, le pilotage stratégique et l’innovation publique. Officiellement, il s’agit d’une étape clé vers le prochain séminaire intergouvernemental entre les deux pays, où les deux Premiers ministres redéfiniront les contours de leur relation bilatérale.

Si sur le papier ce dialogue peut sembler positif, il est difficile de ne pas y voir une profonde contradiction avec les promesses de rupture et de souveraineté affichées par Sonko lors de sa campagne. Pendant des années, l’actuel Premier ministre n’a cessé de dénoncer l’influence française au Sénégal, promettant de réaffirmer l’indépendance du pays et de remettre le peuple au centre des décisions. Et pourtant, aujourd’hui, il se retrouve à co-écrire des réformes institutionnelles… avec les mêmes structures et technocrates français qu’il fustigeait hier.

Depuis son accession au pouvoir, Sonko a été perçu comme le symbole d’une jeunesse exigeante et d’un courant panafricain refusant la tutelle étrangère. Ses discours anti-France ont été un moteur puissant de mobilisation, créant des attentes fortes chez ses soutiens. Or, cette collaboration institutionnelle, même présentée sous le terme consensuel de « co-développement », soulève une question fondamentale : qui représente réellement le Sénégal dans ces discussions ? Les technocrates, les cabinets ministériels et les structures administratives cooptées par Paris, ou bien le peuple qui avait placé sa confiance dans un discours de rupture ?

D’un côté, Sonko continue d’être célébré pour son engagement à rompre avec le néocolonialisme ; de l’autre, il reproduit les mêmes canaux de coopération que les régimes précédents. Les jeunes, principaux artisans de sa légitimité, risquent de percevoir cette démarche comme une trahison de l’esprit de la promesse de changement. Les mouvements panafricains et citoyens qui espéraient une autonomie politique réelle pourraient y voir un renoncement à la souveraineté revendiquée.

À l’échelle internationale, des exemples similaires existent. Plusieurs dirigeants africains, arrivés au pouvoir sur un programme de rupture avec les anciennes puissances coloniales, se sont retrouvés confrontés à la réalité administrative et financière, les poussant à collaborer étroitement avec leurs anciens colonisateurs. L’histoire montre que cette approche, même si elle peut être justifiée par des besoins de modernisation, affaiblit la crédibilité politique et entretient la méfiance des citoyens.

Si le dialogue et la coopération internationale sont essentiels pour le développement, il est difficile de ne pas percevoir dans cette initiative une ironie amère. Ousmane Sonko, figure de la rupture et du changement, se retrouve à co-construire les réformes avec ceux qu’il avait critiqués. Le risque est clair : ses promesses de souveraineté et de renouvellement institutionnel risquent de se heurter à la perception, justifiée ou non, d’un alignement sur les mêmes mécanismes qu’il dénonçait. Le « changement » promis semble ici passer par des canaux familiers, loin des ambitions initiales.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdoul Ba.
Mis en ligne : 23/08/2025

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