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Il y a quelques jours, la journaliste Salma Ibrahima Fall a livré dans une tribune sa profonde déception après un an de gouvernance de Bassirou Diomaye Faye. Elle explique avoir voté pour lui en pensant voter pour Ousmane Sonko, convaincue que « Diomaye moy Sonko ». Or, selon elle, la priorité du président devrait être la justice pour les victimes du régime précédent, et non la réconciliation. Elle conclut en affirmant que sans justice, tout ce qui sera fait relèvera de la trahison.
Cette lecture est à la fois injuste et réductrice. Elle nie l’autonomie du président et enferme le débat politique dans une logique d’idolâtrie personnelle plutôt que dans une réflexion de fond sur les réalités de la gouvernance.
Le Sénégal a connu une transition politique tendue. Après l’invalidation de la candidature d’Ousmane Sonko, c’est son compagnon de route, Bassirou Diomaye Faye, qui a été élu sur la promesse de rupture avec les pratiques du passé. Mais gouverner ne signifie pas exécuter à la lettre les slogans de campagne. C’est aussi gérer des équilibres institutionnels, préserver la stabilité et répondre à l’ensemble des besoins du pays.
La tribune de Salma Fall révèle une illusion largement partagée au moment de l’élection : celle de croire que Diomaye ne serait que le prolongement mécanique de Sonko. Or, il n’a jamais été question que le nouveau président gouverne uniquement comme un substitut. Sa légitimité est pleine et entière. Exiger qu’il devienne le clone de Sonko revient à nier son rôle propre, ses choix stratégiques et la responsabilité qui lui incombe en tant que chef de l’État.
Par ailleurs, réduire le bilan d’un mandat présidentiel à la seule question de la justice pour les victimes du régime précédent est une vision étriquée. Bien sûr, la justice est essentielle. Mais elle doit se faire dans le respect des institutions et des procédures, pas sous la pression d’un sentiment de revanche. L’État de droit exige du temps, de la rigueur et des preuves, au risque de transformer une promesse légitime en chasse aux sorcières.
D’abord, gouverner, c’est arbitrer. Le président doit gérer la justice, mais aussi l’économie, la santé, l’éducation, la diplomatie. S’il concentrait toute son énergie sur les procès politiques, il laisserait en friche les autres chantiers urgents.
Ensuite, l’exemple d’autres dirigeants africains montre les limites d’une gouvernance axée exclusivement sur la revanche. Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire ou Yahya Jammeh en Gambie ont instrumentalisé la justice pour régler des comptes. Le résultat fut l’instabilité et la division nationale. À l’inverse, Nelson Mandela a choisi la réconciliation comme fondement d’un avenir commun, sans pour autant effacer la mémoire des victimes.
Enfin, Sonko lui-même, s’il avait accédé à la présidence, aurait dû composer avec les mêmes contraintes. Le pouvoir oblige à nuancer les postures radicales. Le croire capable d’imposer une justice immédiate et expéditive est sans doute une illusion.
La tribune de Salma Fall exprime une douleur réelle, celle des familles des victimes, que nul ne doit minimiser. Mais faire de la justice immédiate et exclusive la seule condition de réussite d’un mandat présidentiel est une erreur politique et démocratique. Bassirou Diomaye Faye n’est pas Ousmane Sonko, et il n’a pas à l’être. Gouverner, ce n’est pas répéter un slogan, mais assumer la lourde responsabilité d’équilibrer justice, réconciliation et développement.
Si nous voulons que la démocratie sénégalaise progresse, cessons de confondre un homme avec une fonction. Laissons le président gouverner avec sa propre vision, tout en exigeant de lui transparence et respect des engagements. C’est ainsi, et seulement ainsi, que nous honorerons réellement la mémoire des martyrs.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Christophe T. Sambou.
Mis en ligne : 24/08/2025
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