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Quand un député sonne l’alerte sur des irrégularités graves dans un projet public de 91 milliards de FCFA et se heurte à un mur de silence, que reste-t-il de la démocratie et de la transparence ? L’affaire soulevée par Thierno Alassane Sall concernant le marché d’électrification rurale attribué à l’entreprise espagnole AEE Power EPC est édifiante.
Malgré des preuves accablantes, garanties non couvertes, retards de paiement, dérogations inventées, les autorités sénégalaises restent sourdes à ses interpellations. Ce n’est pas seulement l’histoire d’un contrat mal géré, mais celle d’un système qui étouffe les voix critiques et protège les intérêts obscurs. Face à l’inertie des institutions, le combat de Thierno Alassane Sall pose une question cruciale : jusqu’où peut-on ignorer la vérité quand elle dérange ?
Le projet d’électrification rurale, financé à hauteur de 91 milliards de FCFA, devait marquer une avancée pour les populations rurales. Pourtant, dès la première tranche de 37 milliards décaissée par la banque Santander, les dysfonctionnements sont apparus.
Les garanties légales exigées, soumission, bonne exécution, avance de démarrage, n’ont pas été respectées, en violation de l’article 13 du code CIMA. Plus grave, les primes censées sécuriser le projet n’ont été réglées qu’après 92 jours, grâce à une avance prélevée sur les caisses publiques. Autrement dit, l’État a assumé ce que l’entreprise étrangère devait couvrir.
Malgré les alertes répétées de l’ARCOP et les réserves de la banque Santander, aucune enquête n’a été ouverte. Le ministère des Finances, la Direction des Assurances et la SONAC, tous destinataires des correspondances, ont choisi le silence. Dans un pays où l’on vante le caractère sacré des deniers publics, une telle complaisance choque.
Ce silence révèle une habitude : fermer les yeux lorsque les irrégularités concernent des acteurs puissants. AEE Power EPC semble bénéficier d’une protection inexplicable, comme si la loi ne s’appliquait qu’aux faibles. Pourtant, les faits sont clairs : les garanties n’ont pas été couvertes à temps, ce qui devrait entraîner la nullité du marché. Mais quand les institutions censées protéger l’intérêt public deviennent complices, leur crédibilité s’effondre.
Thierno Alassane Sall n’est pas un novice. Ancien ministre, il connaît les risques d’un tel combat. Son courage est d’autant plus remarquable qu’il se bat presque seul, face à un système soudé dans le silence. Ses investigations, menées auprès des institutions financières, confirment ce que beaucoup soupçonnaient : ce marché est irrégulier.
Pourquoi ses alertes restent-elles ignorées ? Trois hypothèses s’imposent. D’abord, la peur : crainte de froisser un partenaire économique ou de déclencher un scandale politique. Ensuite, l’intérêt : derrière les retards et dérogations se cachent sans doute des bénéficiaires occultes. Enfin, l’habitude : au Sénégal, les scandales financiers se succèdent sans conséquences réelles, tandis que les lanceurs d’alerte en paient le prix.
Ce cas n’est pas isolé. En 2022, Transparency International pointait déjà les failles de gestion des projets publics en Afrique de l’Ouest. Au Nigeria, au Ghana ou en Côte d’Ivoire, des affaires similaires ont éclaté, souvent avec le même scénario : alertes ignorées, institutions complaisantes, populations lésées. La différence est que certains pays ont fini par sanctionner. Au Sénégal, l’immobilisme domine encore.
Le combat de Thierno Alassane Sall révèle un mal structurel : les institutions censées contrôler les abus se transforment en complices par leur silence. Quand l’ARCOP alerte en vain, quand le ministère des Finances garde le mutisme, quand la Direction des Assurances détourne le regard, c’est tout l’édifice de la gouvernance qui chancelle.
Même la banque Santander, garante du financement, a exprimé ses « vives préoccupations ». Si un partenaire étranger ose dénoncer des irrégularités, comment expliquer l’inaction des autorités sénégalaises ? Le député réclame le retrait de l’agrément de la SONAC, le blacklistage d’AEE Power EPC et la saisine de la justice. Des mesures fortes, mais nécessaires. Pourtant, rien ne bouge.
Ce qui est en jeu, c’est la crédibilité de l’État. Comment demander aux citoyens de respecter les lois si ceux qui les édictent les bafouent ? Comment parler de développement quand les fonds destinés aux villages sont dilapidés ? En protégeant l’impunité, le Sénégal affaiblit la confiance qui fonde sa stabilité démocratique.
Thierno Alassane Sall a choisi de ne pas se taire. Son combat est celui de tous les Sénégalais qui refusent de voir leur argent gaspillé et leur avenir hypothéqué. Mais un homme seul ne peut changer un système enraciné. La société civile, les médias et les acteurs politiques doivent prendre le relais.
L’affaire de l’électrification rurale doit devenir un électrochoc. Si les institutions refusent d’agir, les citoyens doivent exiger des comptes, par des audits indépendants, des mobilisations et une pression médiatique. Car lorsque la justice se tait, c’est au peuple de la forcer à agir.
Le Sénégal mérite mieux que des contrats truqués et des responsables intouchables. Il mérite une gestion transparente, où les règles s’appliquent à tous sans exception. Le combat de Thierno Alassane Sall n’est pas seulement le sien : c’est celui de toute une nation qui refuse de s’habituer au silence et à l’impunité.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Daba Faye.
Mis en ligne : 26/08/2025
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