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Le 17 août 2025, le collectif d’avocats de Farba Ngom a publié un communiqué pour démentir catégoriquement les rumeurs selon lesquelles leur client aurait tenté de soudoyer Me Ciré Clédor Ly avec 100 millions F CFA pour qu’il rejoigne sa défense. Qualifiées de « grotesques » et de « totalement fausses », ces accusations sont présentées comme une nouvelle tentative de nuire à l’image de l’ancien député, actuellement incarcéré pour escroquerie et blanchiment de capitaux estimés à 31 milliards F CFA.
Si le droit à la défense est légitime, la stratégie de communication adoptée par Farba Ngom et ses avocats interroge : plutôt que de se concentrer sur les faits de l’enquête, l’attention médiatique est détournée vers une polémique annexe, transformant une affaire judiciaire en un feuilleton qui occulte les vrais enjeux. Cette médiatisation spectaculaire, loin d’éclairer l’opinion, participe d’une tendance lourde au Sénégal, où les polémiques secondaires évincent souvent les questions de fond.
Farba Ngom, ancien député et maire des Agnam, est au cœur d’une enquête pour escroquerie et blanchiment de capitaux, dans laquelle il est accusé d’avoir perçu illégalement 31 milliards F CFA. Placé sous mandat de dépôt depuis le 27 février 2025, il fait l’objet de deux procédures distinctes, dont une pour détournement de deniers publics. Les montants en jeu sont vertigineux : 125 milliards F CFA de transactions suspectes ont été révélés par un rapport de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF), et ses tentatives répétées d’obtenir une liberté provisoire sous caution (jusqu’à 44,8 milliards F CFA proposés) ont été rejetées par la justice, qui a également écarté ses immeubles comme garantie, jugés déjà sous saisie conservatoire.
Pourtant, malgré la gravité des accusations, la couverture médiatique récente s’est focalisée sur le démenti concernant Me Ly, reléguant au second plan l’avancée des procédures judiciaires et les conséquences humaines de ces détournements présumés.
L’histoire judiciaire sénégalaise regorge d’exemples où des affaires à fort enjeu politique ont été noyées sous des polémiques annexes. L’affaire Karim Wade (condamné pour enrichissement illicite en 2015, puis gracié) ou celle d’Ousmane Sonko (accusé de viol, puis libéré sous contrôle judiciaire) illustrent comment les débats publics peuvent être détournés vers des querelles personnelles ou des accusations de complot, au détriment d’une analyse rigoureuse des faits. Dans le cas de Farba Ngom, le communiqué de ses avocats, qualifiant les rumeurs de « grotesques » sans apporter de preuve tangible, rappelle ces stratégies de diversion. Plutôt que de répondre aux questions sur l’origine des 31 milliards ou sur les transactions suspectes, la défense préfère attaquer une rumeur, mobilisant ainsi l’énergie médiatique et publique sur un sujet secondaire.
Les médias sénégalais, souvent pris entre pression politique et recherche d’audience, jouent un rôle ambigu. Comme le souligne Amnesty International, la justice sénégalaise est perçue comme instrumentalisée, et les affaires judiciaires à forte charge politique sont régulièrement médiatisées de manière spectaculaire, au risque de banaliser la gravité des actes reprochés. Dans l’affaire Farba Ngom, la couverture accordée au démenti sur les 100 millions F CFA, alors que l’enquête sur les 31 milliards patine, en est une illustration frappante.
En concentrant l’attention sur une prétendue tentative de corruption d’avocat, la défense de Farba Ngom détourne le débat des questions essentielles : d’où viennent les 31 milliards ? Qui sont les victimes de ces détournements ? Pourquoi les biens proposés en caution ont-ils été rejetés par la justice ?
Comme dans les affaires Karim Wade ou Ousmane Sonko, les polémiques annexes (complots, rumeurs, attaques contre la justice) servent souvent à discréditer les procédures et à mobiliser l’opinion en faveur de l’accusé, sans jamais aborder le fond.
La presse sénégalaise, sous pression économique et politique, a tendance à privilégier les déclarations spectaculaires aux analyses approfondies. Pourtant, une couverture responsable exigerait de recentrer le débat sur les procédures judiciaires, les preuves et les responsabilités.
Le Sénégal a une longue histoire d’affaires judiciaires où les puissants, grâce à des stratégies médiatiques et juridiques, parviennent à éviter des condamnations proportionnelles à la gravité des faits. En transformant l’affaire Farba Ngom en feuilleton, on risque de reproduire ce schéma, au mépris de la confiance des citoyens dans la justice.
La médiatisation de l’affaire Farba Ngom, centrée sur un démenti plutôt que sur l’enquête, est révélatrice d’un dysfonctionnement plus large : au Sénégal, les affaires judiciaires à forte charge politique sont souvent réduites à des polémiques, au détriment de la transparence et de la reddition des comptes. Pour restaurer la confiance dans la justice, il est urgent que les médias et les acteurs judiciaires recentrent le débat sur les faits, les procédures et les victimes. Sinon, le risque est grand de voir se perpétuer un système où l’argent et l’influence l’emportent sur la vérité et l’équité.
La véritable question n’est pas de savoir si Farba Ngom a proposé 100 millions à un avocat, mais bien de comprendre comment 31 milliards de francs CFA ont pu être détournés, et qui en paie aujourd’hui le prix. L’opinion publique exige des réponses sur le fond, et non des diversions.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Danfa Papis.
Mis en ligne : 26/08/2025
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