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La Division nationale de lutte contre le trafic de migrants et pratiques assimilées (DNLT) a récemment annoncé l’interpellation de sept trafiquants présumés et l’interception d’une pirogue transportant 147 migrants, dont 20 femmes et 12 mineurs, au large de Sangomar. Ces personnes, originaires de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, avaient payé entre 300 000 et 600 000 francs CFA pour tenter une traversée périlleuse vers l’Europe. Si cette opération est saluée comme une victoire contre les réseaux criminels, elle pose une question fondamentale : pourquoi des centaines de jeunes Africains continuent-ils de risquer leur vie en mer, malgré les dangers et les arrestations ?
La réponse réside peut-être dans l’absence de solutions légales et accessibles pour migrer. Face à cette tragédie récurrente, il faut repenser radicalement les politiques migratoires. Plutôt que de se contenter de réprimer les trafics, l’Europe et les pays africains devraient s’inspirer de modèles comme celui du Canada, qui a su créer des voies de migration temporaire bénéfiques pour tous. L’hypocrisie des visas et la fermeture des frontières ne font qu’alimenter l’immigration irrégulière et les drames humains.
L’émigration irrégulière depuis l’Afrique de l’Ouest n’est pas un phénomène nouveau. Chaque année, des milliers de personnes tentent la traversée vers l’Europe, fuyant la pauvreté, le chômage et l’absence de perspectives. Pourtant, l’Union européenne (UE) et ses États membres persistent à externaliser la gestion des frontières, délégant le contrôle migratoire à des pays tiers comme le Sénégal, le Maroc ou la Libye, souvent au mépris des droits humains et sans offrir d’alternatives viables. Pendant ce temps, l’Europe fait face à des pénuries criantes de main-d’œuvre dans des secteurs clés : santé, BTP, restauration, agriculture, numérique. En France, par exemple, plus de 2,5 millions de recrutements sont anticipés en 2025, avec des métiers en tension chroniques.
Pourtant, les voies légales d’immigration restent extrêmement limitées, complexes et souvent réservées aux travailleurs hautement qualifiés. Les jeunes Africains, même diplômés, se heurtent à des procédures administratives kafkaïennes et à des quotas restrictifs. Résultat : ils se tournent vers des passeurs, alimentant un marché noir lucratif et dangereux.
L’approche actuelle, axée sur la répression et l’externalisation, a démontré ses limites. Les accords entre l’UE et des pays africains pour « lutter contre l’immigration irrégulière » se traduisent souvent par un renforcement des contrôles et des refoulements, sans proposer de solutions durables. Pire, ces politiques poussent les migrants vers des routes toujours plus dangereuses, tout en enrichissant les réseaux mafieux.
Le Canada, en revanche, a choisi une voie différente. Depuis plusieurs années, le pays a mis en place des programmes pilotes de migration temporaire ciblant les besoins spécifiques des régions et des secteurs en tension. Le Rural and Northern Immigration Pilot (RNIP), par exemple, a permis de combler des pénuries de main-d’œuvre dans des zones rurales et francophones, avec un taux de rétention des immigrants de 87 %. Ces programmes offrent des permis de travail temporaires, suivis d’une possibilité de résidence permanente, et sont conçus en collaboration avec les employeurs locaux. En 2025, près de la moitié des immigrants économiques canadiens proviennent d’abord de programmes de travailleurs temporaires, ce qui facilite leur intégration et répond aux besoins réels du marché du travail.
En Europe, malgré des discours sur la « migration légale », les progrès sont lents. Les négociations pour simplifier les visas de travail ou créer des quotas avec des pays africains peinent à aboutir, et les quelques initiatives existantes restent marginales. Pourtant, l’UE a tout à gagner à une approche plus ouverte : une main-d’œuvre jeune et motivée, une réponse aux pénuries de compétences, et une réduction des drames en Méditerranée.
Le Canada a prouvé qu’une immigration temporaire bien gérée peut être un levier de croissance. Les programmes comme le RNIP ou le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) permettent aux employeurs de recruter rapidement des travailleurs pour des postes non pourvus localement, tout en offrant aux migrants des droits et une sécurité juridique. Pourquoi l’Europe ne s’en inspire-t-elle pas davantage ?
L’UE a besoin de main-d’œuvre : en 2025, des centaines de milliers de postes restent vacants dans des secteurs essentiels. Pourtant, les visas de travail sont rares, lents à obtenir, et souvent réservés aux profils les plus qualifiés. Cette contradiction alimente l’immigration irrégulière. En ouvrant des voies légales, adaptées aux besoins des employeurs et aux compétences des migrants, on réduirait mécaniquement le recours aux passeurs.
Plutôt que de subventionner des patrouilles et des camps de rétention, l’UE pourrait négocier avec des pays comme le Sénégal, le Nigeria ou l’Afrique du Sud des accords de migration circulaire. Ces accords permettraient à des travailleurs africains de venir temporairement en Europe, dans des secteurs en tension, avant de retourner dans leur pays avec des compétences et des économies. En échange, l’Europe investirait dans la formation et le développement local, créant un cercle vertueux.
Les voies légales offriraient aux migrants une alternative sûre à la traversée de la Méditerranée. Elles réduiraient aussi les abus et l’exploitation, trop fréquents dans l’immigration irrégulière.
L’interception de la pirogue au large de Sangomar est un rappel tragique de l’urgence à agir. Tant que l’Europe et l’Afrique continueront à privilégier la répression plutôt que la régulation, des centaines de jeunes continueront de mourir en mer. Le modèle canadien montre qu’une autre voie est possible : une migration légale, contrôlée et bénéfique pour tous.
Il faut passer des discours aux actes. L’UE et les pays africains doivent négocier des accords ambitieux, inspirés des succès canadiens, pour créer des voies d’immigration temporaire adaptées aux besoins des deux continents. Ce n’est pas seulement une question de réalisme économique, c’est une question de dignité humaine. La solution existe. Il ne manque que la volonté politique pour la mettre en œuvre.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Doudou Diop.
Mis en ligne : 27/08/2025
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