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Les anciens travailleurs temporaires de la Régie des chemins de fer du Sénégal (SNCS) ont encore manifesté à Thiès pour réclamer leurs pensions, après des années de promesses non tenues. Leur colère est légitime : l’État a liquidé la SNCS en 2009, mais a oublié de régler leurs droits. Pendant ce temps, d’autres catégories de cheminots ont été indemnisées.
Ce scandale n’est pas un accident, mais le résultat d’une politique délibérée de désengagement de l’État, héritée de l’ère Macky Sall et perpétuée par le gouvernement actuel. Ce n’est pas une crise, c’est un choix. Un choix cynique, qui sacrifie les plus précaires sur l’autel de l’austérité et de la mauvaise gestion.
La Société nationale des chemins de fer du Sénégal (SNCS) a été dissoute en 2009, après des décennies de difficultés financières et de privatisations partielles. Dès 2003, la ligne Dakar-Bamako avait été concédée à un opérateur privé, marquant le début du démantèlement du service public ferroviaire. La liquidation a été chaotique : certains travailleurs ont été payés, d’autres les ex-temporaires ont été laissés pour compte, malgré leurs cotisations versées. Le ministère des Finances bloque toujours leurs dossiers, tandis que les promesses des plus hautes autorités (y compris celles du Premier ministre Ousmane Sonko) restent lettres mortes. Pire : l’État a trouvé les fonds pour relancer les Grands Trains du Sénégal (GTS), mais pas pour honorer ses dettes sociales envers ceux qui ont bâti le rail sénégalais.
Aly Diallo Sow, président de l’Entente des ex-temporaires, résume l’injustice : « L’État a payé certaines catégories, mais nous, les ex-temporaires, restons oubliés. » Cette discrimination n’est pas un hasard. Elle révèle une logique implacable : en période de restriction budgétaire, les plus fragiles paient pour les erreurs des gouvernements successifs.
La liquidation de la SNCS est un cas d’école de la manière dont l’État sénégalais gère (ou ne gère pas) ses entreprises publiques. Sous Macky Sall, la dette publique a explosé, atteignant près de 100 % du PIB en 2024, selon la Cour des comptes. Plutôt que de réformer en profondeur, on a préféré liquider, licencier, et abandonner les travailleurs à leur sort. Le nouveau gouvernement de Bassirou Diomaye Faye, élu sur un programme de « rupture », n’a toujours pas résolu le problème, malgré ses promesses de transparence et de justice sociale.
En Tunisie, la SNCFT a été réorganisée sans laisser des milliers de retraités sur le carreau. En France, les « chibanis » de la SNCF ont dû se battre des années pour obtenir réparation, mais leurs droits ont fini par être reconnus. Au Sénégal, rien. Pire : alors que des milliers de salariés du secteur public sont licenciés « abusivement » pour des raisons politiques, les ex-temporaires de la SNCS attendent toujours.
Pourquoi cette différence de traitement ? Parce que les ex-temporaires n’ont ni poids syndical, ni relais politique. Ils sont les variables d’ajustement d’un système qui privilégie les grands projets (comme le Train express régional) au détriment des droits sociaux. La liquidation de la SNCS n’a pas été une faillite, mais un abandon organisé.
Un héritage empoisonné, Macky Sall a laissé un État endetté et des services publics exsangues. La SNCS n’est qu’un exemple parmi d’autres (Air Afrique, SOTRAC) où les travailleurs ont été les grands perdants des privatisations et des liquidations.
Des promesses en l’air, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont promis la rupture. Un an après, les ex-temporaires attendent toujours. Le silence du ministre des Transports est assourdissant.
Une gestion à deux vitesses, l’État trouve des milliards pour relancer le rail (GTS), mais pas pour payer des pensions déjà cotisées. Où est passé l’argent des travailleurs ? Qui a bénéficié de la vente des actifs de la SNCS ?
Un mépris institutionnel, les blocages administratifs ne sont pas techniques, mais politiques. Si l’État voulait régler ce dossier, il l’aurait fait. La lenteur est une stratégie pour épuiser les réclamants.
La situation des ex-temporaires de la SNCS est un symbole de la crise sociale sénégalaise. Elle montre un État incapable de protéger ses propres agents, préférant les abandonner plutôt que de réformer en profondeur. Ce n’est pas une question de moyens, mais de volonté.
Aux dirigeants sénégalais, une question simple : jusqu’à quand allez-vous ignorer ceux qui ont servi ce pays ? Aux citoyens, un appel : ne laissez pas faire. La dignité des cheminots de Thiès est celle de tout un peuple. Si on les abandonne aujourd’hui, qui sera le prochain ?
La liquidation de la SNCS n’est pas une fatalité. C’est un scandale. Et il faut que la honte change de camp.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Amadou Diop.
Mis en ligne : 27/08/2025
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