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L’affaire récente impliquant Alioune Badara Diaw, Yaya Ba et Amadou Ly, trois figures du football sénégalais accusées d’avoir monté un réseau d’escroquerie autour de faux visas et de documents falsifiés, a de quoi glacer le sang. Selon les révélations de Libération, ces hommes, autrefois respectés, ont méthodiquement exploité l’espoir de jeunes et de leurs familles, leur soutirant des millions de francs CFA pour des promesses jamais tenues.
Si les faits sont accablants, c’est surtout la chute de ces « anciens » du ballon rond qui interroge : comment des idoles deviennent-elles des criminels ? Comment l’absence de filet social pour les sportifs en fin de carrière peut-elle les pousser vers la délinquance ? Et comment leur notoriété, au lieu de les protéger, a-t-elle nourri leur sentiment d’impunité ?
Le football africain est depuis longtemps une terre de prédation pour les trafiquants de rêves. Chaque année, des milliers de jeunes, inspirés par les parcours de Sadio Mané ou Mohamed Salah, tentent leur chance en Europe, souvent au prix de leur sécurité et de leur dignité. Les réseaux de traite et de falsification de documents prospèrent, exploitant la vulnérabilité des familles prêtes à tout pour offrir un avenir à leurs enfants. Dans ce contexte, les anciens joueurs, entraîneurs ou agents, forts de leur statut, occupent une place centrale : ils connaissent les rouages du système, jouissent d’une crédibilité auprès des communautés, et savent jouer sur la confiance aveugle que leur accordent les victimes. Pourtant, leur reconversion est rarement préparée, et leur chute, brutale, les expose à toutes les tentations.
Yaya Ba, ex-footballeur, et Amadou Ly, entraîneur surnommé « Coach Am », incarnent cette déchéance. Leur arrestation a révélé un système bien huilé : faux certificats médicaux, invitations d’académies européennes bidon, virements fictifs, et même des documents estampillés de la Fédération sénégalaise de football. Leur méthode ? Profiter de leur aura pour escroquer des familles déjà précaires, en leur vendant l’illusion d’un avenir radieux en Europe. Pourtant, derrière les millions dépensés « entre les filles et 1xbet » par Yaya Ba, se cache une réalité plus sombre : celle d’une carrière brisée par une blessure, d’un manque cruel de soutien à la reconversion, et d’une tentation facile de compenser, par tous les moyens, la perte de statut et de revenus.
Leur cas n’est pas isolé. En Afrique, de nombreux anciens sportifs, faute de structures d’accompagnement, se retrouvent livrés à eux-mêmes après leur retraite sportive. Selon une étude de The Conversation, la plupart des footballeurs africains en Europe sont exclus des programmes de reconversion, faute de qualifications ou de compétences linguistiques. Sans filet social, certains basculent dans l’illégalité, transformant leur notoriété en arme pour abuser de ceux qui les admiraient hier.
Premièrement, leur statut leur a donné un sentiment d’impunité. Qui oserait douter d’un ancien Lion de la Teranga ou d’un entraîneur respecté ? Leur parole faisait loi, et leur réseau, un rempart contre les soupçons. Deuxièmement, l’absence de mécanismes de reconversion les a laissés sans repères. Comme le souligne Abdoulaye Sidibé, concepteur du programme Incubasport, la fin de carrière est une période critique pour les sportifs africains, souvent abandonnés par les fédérations et les clubs. Enfin, leur connaissance intime du milieu leur a permis de détourner des documents officiels, avec la complicité passive ou active d’institutions défaillantes.
Cette affaire rappelle d’autres scandales, comme ceux révélés au Mali, en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, où des anciens joueurs ou agents ont été impliqués dans des trafics similaires. Jean-Claude Mbvoumin, fondateur de Foot solidaire, dénonce depuis des années l’exploitation des jeunes footballeurs par des « agents peu scrupuleux », souvent d’anciens sportifs reconvertis dans l’escroquerie. La FIFA elle-même a pointé du doigt la prolifération de faux agents et de faux contrats, mais les sanctions restent rares et les victimes, sans recours.
L’affaire Yaya Ba et consorts est bien plus qu’un simple fait divers : c’est le symbole d’un système qui broie ses héros avant de les transformer en prédateurs. Elle révèle l’urgence de mettre en place des programmes de reconversion, de renforcer les contrôles sur les agents et les académies, et de briser l’omerta qui protège les trafiquants. Tant que les anciens du football seront laissés pour compte, tant que leur notoriété leur servira de bouclier, les escroqueries continueront. Il faut que les fédérations, les clubs et les États assument leurs responsabilités. Sinon, d’autres légendes se briseront, et d’autres familles seront ruinées.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Issa Dione.
Mis en ligne : 28/08/2025
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