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Le Groupement des Entreprises du Cameroun (GECAM) vient de lancer un « appel au sursaut économique » à quelques semaines de la présidentielle du 12 octobre 2025. Son président, Célestin Tawamba, exhorte les candidats à « marquer une rupture avec un modèle à bout de souffle », dénonçant au passage la lourdeur administrative, les délestages à répétition, la pression fiscale et la « persistance de pratiques corruptives ». Mais derrière ces mots pudiques se cache une réalité bien plus cruelle : cet appel est l’aveu d’un échec collectif, celui d’un pays asphyxié par des décennies de mauvaise gouvernance, où les promesses de changement ne sont que des leurres.
Le Cameroun, dirigé depuis 1982 par Paul Biya, 92 ans, est aujourd’hui un État captif, où la corruption est un système, l’économie un champ de ruines, et la présidentielle une mascarade démocratique. Le « sursaut » réclamé par le patronat ne sera qu’un slogan de plus, tant que les mêmes acteurs politiques resteront aux commandes.
Le Cameroun est classé 140e sur 180 pays dans l’indice de perception de la corruption 2024 de Transparency International, avec un score de 26/100, en recul constant. La corruption n’y est pas un dysfonctionnement, mais le ciment d’un régime où les marchés publics, l’accès aux terres et les exonérations fiscales se monnayent. Les entreprises étrangères fuient, les locales étouffent, et les investisseurs internationaux se détournent d’un pays où la sécurité juridique est une chimère. Pendant ce temps, les Camerounais subissent des délestages électriques quotidiens, symptômes d’un secteur énergétique en crise : les barrages hydroélectriques manquent d’eau, les centrales thermiques sont à l’arrêt, et le réseau est au bord de l’effondrement. Comment croire en un « sursaut » quand le président sortant, en place depuis 43 ans, brigue un huitième mandat, et que l’opposition est divisée, muselée, voire emprisonnée ?
Le patronat, pourtant habituellement prudent, ose enfin parler de « modèle à bout de souffle ». Mais son appel à la « confiance des agents économiques » sonne comme une moquerie : comment faire confiance à un État qui change les règles du jeu au gré des intérêts politiques, qui asphyxie les entrepreneurs avec des taxes arbitraires, et qui organise des élections dont l’issue est jouée d’avance ? La présidentielle d’octobre 2025, avec ses 12 candidats (dont plusieurs figures du régime recyclées dans l’opposition), ne promet aucun changement réel. Le « sursaut » ne sera qu’une illusion de plus.
Célestin Tawamba évite soigneusement le mot « corruption », préférant évoquer des « pratiques corruptives ». Pourtant, la réalité est là : le Cameroun est un pays où l’enrichissement personnel prime sur l’intérêt général, où les fonds publics disparaissent dans des projets inachevés, et où les entrepreneurs doivent payer pour obtenir le moindre permis. Les délestages, qui plongent villes et industries dans le noir, sont le symbole d’une gabegie généralisée. Depuis septembre 2024, le déficit énergétique dépasse 400 MW, et les solutions temporaires ne suffiront pas à masquer l’absence de vision à long terme.
Le patronat demande aux entrepreneurs de « ne pas se décourager », mais comment résister quand l’État lui-même est le premier obstacle ? La lourdeur administrative, les règles changeantes, la pression fiscale : tout est conçu pour étouffer l’initiative privée. Pire, le GECAM, en appelant à un scrutin « transparent », sait pertinemment que les élections camerounaises sont truquées depuis des décennies. En 2018, Maurice Kamto, principal opposant, avait été arrêté pour avoir contesté les résultats. En 2025, il est déjà exclu de la course, sous prétexte de « duplicata de candidature ». Le système se referme sur lui-même, et le patronat, par peur des représailles, se contente de demi-mots.
Avec un score de 26/100, le Cameroun fait partie des pays les plus corrompus au monde. La corruption n’y est pas un accident, mais une méthode de gouvernement, où les élites s’enrichissent tandis que les services publics se délitent.
Les délestages ne sont pas une fatalité, mais le résultat d’une gestion désastreuse. Les barrages manquent d’eau, les centrales thermiques sont à l’arrêt, et les solutions promises (comme le barrage de Nachtigal) arrivent trop tard, si elles arrivent.
Paul Biya, 92 ans, se représente sans programme, sans débat, sans alternative crédible. L’opposition est divisée, les candidats sérieux sont exclus, et les autres ne sont que des figurants. Le scrutin ne sera qu’une formalité de plus pour légitimer un pouvoir sclérosé.
Le Cameroun affiche une croissance de 4,2 % en 2025, la meilleure de la CEMAC. Mais cette croissance ne profite qu’à une minorité, tandis que 23 % de la population vit avec moins de 2,15 dollars par jour, que le chômage des jeunes explose, et que les infrastructures s’effondrent. Comparé à la Côte d’Ivoire ou au Rwanda, où des réformes audacieuses ont boosté l’attractivité, le Cameroun reste un géant aux pieds d’argile.
Alors que le Cameroun s’enlise, des pays comme la Côte d’Ivoire ou le Rwanda ont su engager des réformes structurelles, attirer les investisseurs, et réduire la corruption. Au Sénégal, la transition démocratique a permis une alternance pacifique. En Afrique du Sud, malgré les délestages, la société civile et les médias jouent leur rôle de contre-pouvoir. Au Cameroun, rien de tout cela : le pouvoir verrouille les institutions, muselle la presse, et organise des élections sans surprise.
L’appel du GECAM est un cri d’alarme, mais aussi un aveu d’impuissance. Tant que Paul Biya et son système resteront en place, aucun « sursaut » n’est possible. La présidentielle de 2025 ne sera qu’une étape de plus dans la longue agonie d’un régime qui a fait du Cameroun un pays riche en ressources, mais pauvre en perspectives. Le vrai changement ne viendra pas des urnes, mais d’une mobilisation citoyenne, d’une pression internationale, et d’une refonte totale des institutions. En attendant, le patronat peut bien appeler à la confiance : sans justice, sans transparence, sans alternance réelle, ses mots resteront lettres mortes.
Le Cameroun mérite mieux qu’un huitième mandat. Il mérite un vrai débat, de vraies réformes, et une classe dirigeante qui place l’intérêt général au-dessus de ses privilèges. Mais pour cela, il faudra d’abord briser le mur de la peur et de la résignation. Le sursaut, ce n’est pas aux entrepreneurs de le porter c’est au peuple camerounais de l’exiger.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Djiby Ka.
Mis en ligne : 29/08/2025
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