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Le témoignage de Pape, ce commerçant de Colobane, est glaçant. À travers son récit, publié récemment, il avoue avoir recouru au maraboutage pour forcer l’amour de Rokhaya, une jeune femme qui l’avait rejeté. Son histoire, aussi sincère soit-elle, révèle une réalité troublante : celle d’une pratique qui, sous couvert de tradition ou de spiritualité, n’est rien d’autre qu’une violence psychologique et spirituelle, une forme d’asservissement déguisé.
Loin d’être un simple « coup de pouce du destin », le maraboutage est une manipulation brutale de la volonté d’autrui, une violation de l’intimité et de la dignité humaine. Il faut dénoncer cette pratique et de s’interroger : pourquoi la société sénégalaise ferme-t-elle les yeux sur un crime aussi insidieux ?
Au Sénégal, comme dans de nombreux pays africains, le maraboutage est souvent perçu comme une solution miracle pour résoudre les problèmes sentimentaux, professionnels ou familiaux. Les marabouts, figures respectées et craintes, promettent de « régler » les cœurs et les destins en échange de sacrifices et d’offrandes. Pourtant, derrière ces rituels se cache une réalité bien plus sombre : celle d’une coercition invisible, où le consentement est piétiné au nom de croyances ancestrales. Le témoignage de Pape illustre parfaitement cette dérive. Fou amoureux d’une femme qui ne partageait pas ses sentiments, il a choisi de lui voler son libre arbitre plutôt que d’accepter son refus. Rokhaya, aujourd’hui épouse et mère, vit dans l’ignorance de cette manipulation, mais son mal-être cauchemars, migraines, absences trahit une souffrance profonde.
Cette pratique n’est pas anodine. Elle s’inscrit dans un système où la pression sociale du mariage et la vulnérabilité masculine sont exploitées sans scrupule. Les hommes, confrontés à l’échec ou au rejet, se tournent vers des solutions magiques pour éviter d’affronter leurs insécurités. Pendant ce temps, les femmes, comme Rokhaya, deviennent des victimes silencieuses, privées de leur droit le plus fondamental : celui de choisir qui aimer.
Le maraboutage n’est pas une simple superstition. C’est une forme de violence qui s’apparente à d’autres types de coercition, comme les mariages forcés ou l’emprise sectaire. Dans les trois cas, il s’agit de soumettre un individu contre sa volonté, de le priver de sa liberté pour servir les désirs ou les intérêts d’un autre. La différence ? Le maraboutage agit dans l’ombre, sans laisser de traces visibles. Pourtant, ses conséquences sont tout aussi dévastatrices.
Pape le reconnaît lui-même : il se sent comme un « voleur d’âme ». Et pour cause. En utilisant des rituels pour modifier les sentiments de Rokhaya, il a commis une agression spirituelle, une intrusion dans son être le plus intime. Son remords tardif ne change rien à l’essentiel : Rokhaya n’a jamais consenti à cette relation. Elle a été manipulée, et son corps comme son esprit en portent les stigmates.
Ce qui rend cette pratique encore plus insupportable, c’est l’impunité dont bénéficient ses auteurs. Les marabouts, souvent intouchables, continuent d’exercer leur influence sans craindre de sanctions. Les victimes, quant à elles, ignorent généralement qu’elles ont été ensorcelées. Quand elles osent en parler, elles se heurtent à un mur de silence. La société préfère fermer les yeux, invoquant la tradition ou la spiritualité pour justifier l’injustifiable.
Comment qualifier autrement le maraboutage que comme un crime ? Il s’agit de priver une personne de sa liberté la plus précieuse : celle de décider de son propre cœur. Rokhaya n’a pas choisi Pape. Elle a été contrainte, sans même en avoir conscience, de vivre une vie qui ne lui appartient pas. Son histoire rappelle celle des femmes victimes de mariages forcés, ou des adeptes de sectes qui, sous emprise, renoncent à leur volonté. Dans tous les cas, c’est la dignité humaine qui est bafouée.
Pourtant, contrairement à d’autres formes de violence, le maraboutage bénéficie d’une forme de tolérance sociale. On le considère comme un mal nécessaire, un passage obligé pour ceux qui veulent « réussir » leur vie sentimentale. Mais à quel prix ? Celui de la souffrance d’autrui ? Celui de l’hypocrisie collective ?
La question est d’autant plus cruciale que cette pratique prospère sur un terreau de vulnérabilités. Les hommes comme Pape, en proie au doute et à la frustration, deviennent des proies faciles pour des marabouts sans scrupules. Ces derniers, loin d’être des guides spirituels, sont des prédateurs qui exploitent la détresse humaine. Leur commerce repose sur une promesse mensongère : celle de contrôler le destin, de forcer l’amour, de contourner les lois naturelles de la vie.
Dans d’autres contextes, des pratiques comparables sont sévèrement condamnées. En Europe, par exemple, l’emprise sectaire est punie par la loi. Les mariages forcés y sont considérés comme une violation des droits humains. Pourquoi en serait-il autrement pour le maraboutage ? Parce qu’il s’agit d’une tradition ? Parce qu’il est enveloppé dans un voile de mysticisme ? Ces arguments ne tiennent pas. Une violence reste une violence, qu’elle soit commise au nom de la religion, de la coutume ou de la magie.
Au Sénégal, des voix commencent à s’élever pour dénoncer ces dérives. Des associations de défense des droits des femmes, des intellectuels et des religieux progressistes appellent à une prise de conscience collective. Ils rappellent que l’islam, religion majoritaire dans le pays, prône le libre arbitre et condamne toute forme de manipulation. Pourtant, le maraboutage continue de prospérer, protégé par un mélange de crainte, de superstition et de complicité passive.
L’histoire de Pape doit servir de déclic. Elle nous oblige à regarder en face une réalité que trop de gens préfèrent ignorer : le maraboutage est une violence, et il est temps de le traiter comme tel. Cela passe par une prise de conscience individuelle et collective. Les victimes doivent être écoutées et soutenues. Les marabouts qui exploitent la détresse d’autrui doivent être tenus pour responsables. Et la société, dans son ensemble, doit cesser de fermer les yeux.
L’amour ne se s’envoûte pas. Il se construit dans le respect, la liberté et le consentement mutuel. Tant que nous accepterons que des hommes comme Pape puissent voler l’âme de femmes comme Rokhaya, nous serons tous complices de ce crime silencieux. Il faut agir, avant que d’autres vies ne soient brisées.
Combien de Rokhaya faudra-t-il encore pour que le Sénégal ouvre les yeux sur cette épidémie de violence déguisée en tradition ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 29/08/2025
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