Les intérêts cachés derrière les communiqués : Guerre silencieuse au Congo - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 30/08/2025 11:08:45

Les intérêts cachés derrière les communiqués : Guerre silencieuse au Congo

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Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les alertes se multiplient. Le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme, Human Rights Watch et Amnesty International dénoncent des exactions graves : viols, meurtres, attaques contre les civils. Face à ces crimes, les États-Unis, artisans de l’accord de paix signé en juin entre Kinshasa et Kigali, réclament une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU et condamnent fermement le groupe AFC/M23.

Pourtant, derrière cette indignation affichée, se cache une réalité bien plus ambiguë : celle d’un engagement sélectif, motivé par des intérêts géostratégiques et économiques, et d’une complicité historique avec les acteurs régionaux qui déstabilisent la RDC. Si Washington se pose en garant de la paix, son rôle passé et ses silences actuels interrogent. Pourquoi s’indigner aujourd’hui, alors que la crise dure depuis des décennies ? Et pourquoi cibler le M23 sans nommer clairement le Rwanda, pourtant régulièrement accusé de soutenir ce groupe armé ?

L’est de la RDC est depuis des années le théâtre d’une violence endémique, alimentée par des groupes armés, des trafics de minerais et des ingérences étrangères. Le M23, réactivé en 2022, est aujourd’hui pointé du doigt pour des crimes graves : viols, meurtres, attaques contre les civils. Les rapports de l’ONU, d’Amnesty International et de Human Rights Watch sont unanimes : ces exactions sont commises avec le soutien actif de l’armée rwandaise, qui déploie des milliers de soldats sur le sol congolais et contrôle les opérations du M23. Pourtant, malgré ces preuves accablantes, les sanctions internationales contre le Rwanda restent limitées et tardives.

Les États-Unis, qui se présentent comme les défenseurs de la paix, ont une responsabilité historique dans la déstabilisation de la région. Dans les années 1990, ils ont soutenu le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, dont les cadres ont été formés dans des académies militaires américaines. Pendant le génocide des Tutsi en 1994, Washington a délibérément évité d’utiliser le mot « génocide » pour ne pas avoir à intervenir, tout en laissant le FPR prendre le pouvoir à Kigali. Depuis, le Rwanda de Kagame est resté un allié stratégique des États-Unis en Afrique centrale, bénéficiant d’un soutien militaire et financier, malgré ses interventions répétées en RDC.

Le communiqué américain du 15 août 2025, comme celui de la semaine précédente, condamne les violences et appelle au respect du cessez-le-feu. Pourtant, ces déclarations sonnent creux au regard de l’inaction concrète. Les États-Unis ont bien sanctionné cinq entités impliquées dans la contrebande de minerais à Rubaya, mais ces mesures restent dérisoires face à l’ampleur du pillage des ressources congolaises. Le coltan, l’or, le cobalt et d’autres minerais stratégiques, essentiels aux technologies modernes, sont au cœur des convoitises. La RDC détient jusqu’à 60 % des réserves mondiales de cobalt et 20 à 30 % de celles de coltan, des ressources que le M23 et ses soutiens rwandais exploitent illégalement, générant des revenus colossaux pour financer la guerre.

Washington, qui négocie actuellement un partenariat minier avec Kinshasa, cherche avant tout à sécuriser son approvisionnement en minerais critiques, face à la domination chinoise dans le secteur. Les intérêts économiques priment sur les considérations humanitaires : les États-Unis ont besoin de ces ressources pour leur transition énergétique et leur industrie technologique. Dans ce contexte, la condamnation du M23 semble surtout servir à légitimer une présence américaine accrue en RDC, plutôt qu’à protéger les populations.

Les États-Unis ont longtemps fermé les yeux sur les interventions rwandaises en RDC, allant jusqu’à suspendre leur aide à Kigali en 2023 pour recrutement d’enfants-soldats, avant de la rétablir rapidement. Aujourd’hui encore, malgré les preuves de l’implication rwandaise, Washington évite de sanctionner durablement le régime de Kagame, se contentant de communiqués et de réunions au Conseil de sécurité.

Les mesures américaines contre le M23 et quelques entités minières sont insuffisantes. L’Union européenne, elle, a osé sanctionner des officiers rwandais et des entreprises impliquées dans le trafic de minerais, mais les États-Unis restent en retrait. Pourquoi une telle retenue ? Parce que le Rwanda reste un partenaire clé dans la région, notamment pour contrer l’influence chinoise.

L’accord de Doha, parrainé par les États-Unis et le Qatar, n’a pas empêché la reprise des combats. Comme les accords précédents (Sun City, Lusaka), il sert surtout à donner une illusion de progrès, tandis que les belligérants continuent de violer le cessez-le-feu.

Les réunions d’urgence de l’ONU ne débouchent sur aucune action forte, faute de volonté politique. Les États-Unis, comme d’autres membres permanents, préfèrent les demi-mesures à une intervention robuste, de peur de froisser leurs alliés ou de s’engager militairement.

La communauté internationale a su réagir avec fermeté dans d’autres crises, comme en Libye en 2011. Pourquoi un tel deux poids deux mesures en RDC ? Parce que les enjeux économiques et géopolitiques y sont différents. En Libye, il s’agissait de protéger des intérêts pétroliers et de renverser un régime indésirable. En RDC, il s’agit de contrôler des minerais stratégiques, sans prendre le risque d’une intervention coûteuse.

La condamnation des exactions du M23 par Washington relève davantage d’une stratégie de communication que d’un véritable engagement pour la paix. Tant que les États-Unis et leurs alliés continueront à privilégier leurs intérêts économiques et à ménager le Rwanda, la crise persistera. Les civils congolais, eux, paient le prix de cette hypocrisie : viols, déplacements forcés, pillages.

Pour que la paix revienne dans l’est de la RDC, il faudrait une volonté politique réelle : des sanctions fortes contre le Rwanda, un embargo sur les minerais du sang, et un soutien sans ambiguïté à la souveraineté congolaise. Mais tant que les minerais stratégiques seront plus importants que les vies humaines, les communiqués indignés de Washington ne seront que des mots dans le vent.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Sidi Ka.
Mis en ligne : 30/08/2025

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