New Delhi copie la Chine : Un remède pire que le mal - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - International | Par Eva | Publié le 31/08/2025 01:08:00

New Delhi copie la Chine : Un remède pire que le mal

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Le 21 août 2025, le Parlement indien a adopté une interdiction totale des jeux d’argent en ligne, présentée comme une mesure nécessaire pour lutter contre l’addiction, le blanchiment d’argent et les arnaques. Si les objectifs affichés sont louables, cette décision risque surtout de déplacer les problèmes sans les résoudre. En supprimant les plateformes légales, l’État indien pousse les joueurs vers des circuits clandestins, bien plus dangereux et incontrôlables.

L’Inde a toujours entretenu une relation complexe avec les jeux d’argent. Les casinos physiques y sont interdits dans presque tous les États, à l’exception de Goa et Sikkim. Pourtant, les paris en ligne, notamment sur le cricket ou le poker, étaient jusqu’ici tolérés, voire populaires. Le marché des jeux en ligne en Inde pèse environ trois milliards d’euros et emploie directement ou indirectement des centaines de milliers de personnes. Malgré cette réalité économique, le gouvernement a choisi la voie de l’interdiction totale, justifiée par la nécessité de protéger la jeunesse et de moraliser la société. Une décision brutale, qui menace 100 000 emplois et risque de faire fuir les investisseurs étrangers, sans garantir la disparition des pratiques qu’elle condamne.

L’interdiction des jeux d’argent en ligne en Inde repose sur une logique simple : supprimer l’offre pour réduire la demande. Pourtant, l’histoire montre que cette approche est vouée à l’échec. En Chine, où les jeux d’argent en ligne sont strictement prohibés, le marché clandestin prospère. Malgré l’interdiction officielle, les casinos en ligne offshore continuent d’attirer des millions de joueurs, échappant à tout contrôle et favorisant ainsi le blanchiment et la fraude. Selon des études récentes, les jeux de hasard illégaux y représentent un marché colossal, estimé à des dizaines de milliards de dollars, alimenté par une demande persistante et des opérateurs basés à l’étranger.

En Inde, l’interdiction des plateformes légales ne fera que reproduire ce scénario. Les joueurs ne renonceront pas à leurs habitudes : ils se tourneront vers des sites illégaux, plus difficiles à tracer et donc plus propices aux arnaques et au blanchiment. Le gouvernement semble ignorer que la prohibition ne supprime pas l’offre, elle la rend simplement invisible et plus risquée. Pire, elle prive l’État de ressources fiscales potentielles et pousse les activités vers des secteurs encore moins régulés, comme l’immobilier ou les cryptomonnaies, où le blanchiment est encore plus difficile à contrôler.

Comme en Chine, l’interdiction des jeux en ligne en Inde ne fera que déplacer le problème vers des plateformes offshore, hors de tout contrôle étatique. Les joueurs continueront à parier, mais dans des conditions bien plus dangereuses, sans aucune protection ni recours en cas d’arnaque. Le secteur des jeux en ligne est un acteur majeur de l’économie numérique indienne. En le supprimant brutalement, l’État menace des milliers d’emplois et décourage les investisseurs étrangers, alors que le pays cherche justement à se positionner comme un hub technologique. La nouvelle loi autorise toujours les loteries papier, souvent plus addictives et moins transparentes que les plateformes en ligne. Cette incohérence révèle une approche moralisatrice et inefficace, où les considérations politiques l’emportent sur la logique économique et sociale.

Contrairement à l’Inde, des pays comme le Royaume-Uni, Malte ou la Suède ont choisi la voie de la régulation plutôt que celle de l’interdiction. Ces modèles permettent de protéger les joueurs tout en préservant les emplois et les recettes fiscales. Au Royaume-Uni, par exemple, la Commission des jeux de hasard supervise activement le secteur, avec des mécanismes de signalement des activités suspectes et des programmes de jeu responsable. Résultat : un marché transparent, des recettes fiscales significatives et une meilleure protection des consommateurs.

Plusieurs pays ont démontré que la régulation des jeux en ligne est bien plus efficace que leur interdiction. Le Royaume-Uni, Malte et la Suède ont mis en place des cadres légaux stricts, combinant licences, contrôles et outils de prévention de l’addiction. Ces modèles permettent de concilier protection des joueurs et développement économique, sans tomber dans les écueils de la prohibition. En Suède, par exemple, la réforme de la législation a permis d’offrir plus de sécurité aux joueurs tout en encourageant une concurrence saine.

En Inde, une approche similaire aurait pu être adoptée : encadrer les activités, taxer les profits et financer des campagnes de prévention. Plutôt que de détruire un secteur en pleine croissance, le gouvernement aurait pu en faire un levier de développement économique et social.

L’interdiction des jeux d’argent en ligne en Inde est une fausse bonne idée. Elle ne fera pas disparaître la demande, mais la rendra simplement plus dangereuse. Plutôt que de céder à la tentation du moralisme, il est urgent de mettre en place un cadre légal clair, protecteur et adapté à l’ère numérique. La prohibition n’a jamais fonctionné ; la régulation, si. L’Inde aurait tout à gagner à s’inspirer des modèles qui marchent, pour concilier protection des joueurs et développement économique. Il est encore temps de revenir sur cette décision et d’adopter une approche plus pragmatique et réaliste.

Comment l’Inde pourrait-elle concilier protection des joueurs et développement économique, sans tomber dans les écueils de la prohibition ? La réponse passe sans doute par un dialogue avec les acteurs du secteur et une réglementation intelligente, plutôt que par des mesures punitives et contre-productives.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ismaila Badiane.
Mis en ligne : 31/08/2025

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