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L’actualité guinéenne est marquée par une nouvelle escalade autoritaire : la junte au pouvoir vient de suspendre pour 90 jours trois des principaux partis du pays, dont ceux de l’ex-président Alpha Condé et de l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, à quelques semaines d’un référendum constitutionnel controversé.
Officiellement, ces partis n’auraient pas respecté des obligations administratives. En réalité, cette décision s’inscrit dans une stratégie claire : utiliser les institutions pour verrouiller le pouvoir, étouffer l’opposition et organiser un référendum taillé sur mesure pour le général Mamadi Doumbouya. Derrière les discours sur la « refondation » et le « retour à l’ordre constitutionnel », se cache une dérive inquiétante, similaire à celle observée au Mali, au Burkina Faso et au Niger. La Guinée bascule-t-elle vers une nouvelle dictature militaire ?
Arrivé au pouvoir par un coup d’État en septembre 2021, Mamadi Doumbouya s’était engagé à rendre le pouvoir aux civils avant fin 2024. Trois ans plus tard, la promesse est loin d’être tenue. Le référendum constitutionnel, initialement présenté comme une étape vers la démocratie, est désormais perçu comme un leurre. Le projet de Constitution, dont le contenu reste flou pour le grand public, pourrait lever l’interdiction faite aux membres de la junte de se présenter aux élections, ouvrant la voie à une candidature de Doumbouya en 2025.
Pendant ce temps, la répression s’intensifie : manifestations interdites depuis 2022, dirigeants de l’opposition arrêtés, exilés ou réduits au silence, et plus de cinquante partis suspendus ou dissous. La junte a méthodiquement affaibli les contre-pouvoirs : la société civile est muselée, les médias censurés, et toute velléité de contestation est écrasée dans l’œuf. En 2024, près de 50 manifestants avaient été tués par les forces de sécurité depuis 2022. Les engagements pris auprès de la CEDEAO et de l’Union africaine sont bafoués, et la transition, initialement limitée à 24 mois, s’éternise sans perspective crédible de retour à la démocratie.
La suspension des partis de Condé et Diallo n’est pas une mesure technique, mais une manœuvre politique. Les motifs invoqués (manquement à des obligations administratives) sont prétextes : le RPG de Condé avait déjà été suspendu en 2023 avant d’être réhabilité, preuve que les critères sont arbitraires. L’objectif est clair : priver l’opposition de ses principaux relais et empêcher toute mobilisation contre le référendum.
En interdisant toute manifestation, la junte s’assure que le débat démocratique sera inexistant. Le projet de Constitution, présenté en juin 2025, prévoit notamment un Parlement bicaméral et des conditions d’éligibilité qui pourraient permettre à Doumbouya de se présenter à la présidentielle. Pourtant, la charte de transition de 2021 interdisait explicitement aux membres de la junte de briguer un mandat électif.
Le référendum du 21 septembre 2025 risque donc de légitimer un coup de force institutionnel, comme l’a fait Alpha Condé en 2020 pour obtenir un troisième mandat. La Guinée n’est pas un cas isolé. Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les juntes militaires ont toutes prolongé leur transition, suspendu le
Cette dérive doit alerter pour plusieurs raisons. D’abord, elle marque un recul démocratique inquiétant : la Guinée, qui avait connu sa première alternance pacifique en 2010, retourne à des pratiques dignes des régimes autoritaires des années 1980. La suspension des partis et l’interdiction des manifestations sont des marques de régimes qui craignent le débat et la contestation. Ensuite, elle représente un danger pour la stabilité régionale : l’Afrique de l’Ouest, déjà fragilisée par les coups d’État à répétition, voit ses fragiles acquis démocratiques remis en cause.
La CEDEAO, pourtant chargée de garantir la stabilité, peine à faire respecter ses décisions, affaiblissant encore la crédibilité des institutions régionales. Enfin, elle crée un précédent pour d’autres pays : si Doumbouya parvient à se maintenir au pouvoir via une Constitution sur mesure, d’autres juntes pourraient s’en inspirer. Le message envoyé est clair : en Afrique de l’Ouest, les putschistes peuvent impunément transformer leur coup d’État en régime « légal ».
La communauté internationale ne peut plus se contenter de déclarations de principe. La CEDEAO, l’Union africaine et les partenaires de la Guinée doivent exiger la levée immédiate des suspensions de partis et la restauration des libertés fondamentales, un calendrier électoral crédible et inclusif avec la participation de tous les acteurs politiques, ainsi que des sanctions ciblées contre les responsables de la répression et du blocage démocratique.
La Guinée mérite mieux qu’une transition sans fin et qu’un référendum organisé sous la contrainte. Sans pression forte, le général Doumbouya transformera sa promesse de démocratie en une dictature déguisée, au mépris des aspirations de la population.
Le temps est venu de dire stop à l’impunité des juntes et de défendre les principes démocratiques en Afrique. La légitimité ne se décrète pas, elle se gagne par le suffrage universel, libre et transparent. La balle est dans le camp de la communauté internationale : saura-t-elle agir avant qu’il ne soit trop tard ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Jean Paul.
Mis en ligne : 01/09/2025
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