Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Le Conseil municipal de Dakar a élu, ce lundi 25 août 2025, Abass Fall comme nouveau maire de la capitale, avec 49 voix contre 30 pour Ngoné Mbengue. Cette élection, présentée comme un tournant politique, marque en réalité l’aboutissement d’une stratégie de mainmise du PASTEF sur les institutions locales. Après avoir évincé Barthélémy Dias, figure historique de l’opposition, le parti au pouvoir consolide son emprise sur la capitale, au risque de transformer la démocratie municipale en un système à parti quasi unique.
Une telle concentration du pouvoir, loin de servir les intérêts des Dakarois, menace l’équilibre politique local et ouvre la voie à une gouvernance clientéliste et exclusive.
L’élection d’Abass Fall s’inscrit dans un contexte juridique et politique particulièrement tendu. Barthélémy Dias, maire élu par les Dakarois, a été déclaré démissionnaire par le préfet de Dakar, une décision qu’il conteste devant la Cour suprême. Malgré un recours toujours pendante, les autorités ont maintenu le scrutin, ignorant les appels à la prudence et les critiques sur la légalité du processus. Seuls 82 conseillers municipaux sur 100 ont participé au vote, et l’opposition dénonce une procédure « hâtive et contraire aux principes de droit ». Pire, la Cour suprême avait initialement suspendu le processus électoral, avant de revenir sur sa décision, alimentant les doutes sur la transparence et la légitimité de cette élection.
Avec 49 voix, Abass Fall l’emporte face à une opposition divisée et affaiblie. Ngoné Mbengue, issue de Taxawu Senegaal, n’obtient que 30 suffrages, tandis que les autres candidats (Daouda Guèye et Mouhamed Massamba Seye) sont réduits à des rôles de figurants. Cette répartition des voix reflète moins la volonté des Dakarois que la mainmise du PASTEF sur les institutions locales. Le parti, fort de sa majorité à l’Assemblée nationale (130 députés sur 165), étend désormais son influence aux mairies, notamment dans les grandes villes. À Dakar, cette victoire s’apparente à une exclusion systématique de l’opposition, qui se voit privée de tout poids décisionnel.
Le PASTEF contrôle désormais la capitale, après avoir évincé une figure emblématique de l’opposition. Cette situation rappelle les régimes à parti dominant, où un seul parti concentre l’essentiel du pouvoir, marginalisant toute dissidence. En Afrique, des exemples comme le Parti révolutionnaire institutionnel au Mexique ou le True Whig Party au Libéria montrent comment un parti peut verrouiller les institutions et limiter le pluralisme, même sans interdire formellement l’opposition.
L’élection d’Abass Fall, organisée dans la précipitation et malgré un recours judiciaire, pose question. La Cour suprême avait elle-même reconnu la recevabilité de la requête de Barthélémy Dias, avant de permettre le scrutin.
Avec un tel contrôle sur les institutions, le PASTEF pourrait utiliser la mairie de Dakar pour renforcer son réseau et distribuer des faveurs, plutôt que pour gérer la ville de manière transparente. Les promesses de « rassemblement » et de « service de tous les Dakarois » sonnent creux lorsque les mécanismes de contrôle démocratique sont affaiblis. Les autres candidats, réduits à des scores symboliques, n’ont aucune capacité à peser sur les décisions.
Les divisions internes à Taxawu Senegaal et l’affaiblissement des autres candidats illustrent la stratégie du PASTEF : diviser pour mieux régner. Les conseillers municipaux de l’opposition, déjà minoritaires, risquent d’être encore plus marginalisés, transformant le conseil municipal en chambre d’enregistrement.
L’histoire politique africaine regorge d’exemples où un parti dominant a verrouillé les institutions locales au détriment de la démocratie. En Afrique du Sud, le Congrès national africain (ANC) a longtemps contrôlé la plupart des municipalités, limitant l’espace pour l’opposition. Au Cameroun, le RDPC a maintenu un quasi-monopole politique pendant des décennies, malgré l’introduction formelle du pluralisme. Ces cas montrent que même sans interdire l’opposition, un parti peut asphyxier la démocratie en concentrant tous les leviers de pouvoir.
L’élection d’Abass Fall comme maire de Dakar n’est pas un simple changement de personnel politique, mais le symptôme d’une dérive autoritaire. En évincant Barthélémy Dias et en contrôlant les institutions, le PASTEF instaure un monopole politique dangereux pour la démocratie locale. Les Dakarois, déjà confrontés à des défis majeurs (transports, urbanisme, inclusion sociale), ont besoin d’une gouvernance ouverte et pluraliste, pas d’un système où un seul parti décide de tout.
La vraie question n’est pas de savoir si Abass Fall parviendra à gérer la ville, mais si Dakar peut encore prétendre à une démocratie locale vivante. Sans contre-pouvoirs forts et sans respect des procédures juridiques, la capitale risque de devenir une vitrine du clientélisme et de l’exclusion politique. Il est urgent de rétablir l’équilibre et de garantir que les élections municipales reflètent vraiment la volonté des citoyens, et non les calculs d’un parti. Sinon, Dakar pourrait bien devenir la première grande ville sénégalaise à basculer dans un système à parti quasi unique avec tous les risques que cela comporte pour l’avenir de la démocratie.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Sène.
Mis en ligne : 01/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.




