Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Vendredi dernier, la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Tambacounda a condamné Mamadou Lamine Barry, 30 ans, à 10 ans de réclusion criminelle et 100 000 FCFA d’amende pour le viol et le détournement d’une fillette de 12 ans. L’homme avait enlevé la mineure après le refus de ses parents de lui accorder sa main, puis l’avait violée à six reprises en 11 jours, avant de tenter de fuir vers l’Espagne. Si la condamnation peut sembler sévère, elle est en réalité bien en deçà de ce que requérait le procureur (15 ans), et surtout, bien loin des standards internationaux en matière de protection des mineurs.
À l’heure où des pays comme la France ou Madagascar infligent des peines allant jusqu’à 20 ans ou la perpétuité pour des crimes similaires, la question se pose : la justice sénégalaise est-elle à la hauteur face à l’horreur des violences sexuelles sur enfants ?
En 2020, le Sénégal adoptait une loi criminalisant le viol et la pédophilie, promettant des peines allant jusqu’à la réclusion à perpétuité. L’espoir était grand : enfin, un outil juridique pour dissuader les prédateurs et protéger les plus vulnérables. Pourtant, force est de constater que cette loi, saluée à l’époque, peine à produire les effets escomptés. Selon un rapport de l’ANSD et d’ONU-Femmes publié en novembre 2024, 17,3 % des femmes sénégalaises de 15 ans et plus ont subi des violences sexuelles hors union au moins une fois dans leur vie. Les affaires se multiplient, les victimes restent souvent sans voix, et les peines prononcées, comme celle de Mamadou Barry, semblent parfois déconnectées de la gravité des faits.
Dans cette affaire, le procureur avait requis 15 ans de prison, soulignant la « gravité et la constance des faits ». Pourtant, la Chambre a préféré une peine de 10 ans, soit la moitié de ce que prévoient certains tribunaux étrangers pour des crimes comparables. À Sédhiou, en janvier 2025, un homme a été condamné à 20 ans de réclusion pour viols répétés sur sa propre fille. En France, les peines pour viol sur mineur de moins de 15 ans dépassent souvent 15 ans, et peuvent aller jusqu’à 20 ans ou la perpétuité dans les cas les plus graves. À Madagascar, un violeur de mineure a même été condamné à la castration chirurgicale et à la perpétuité en juillet 2025. Alors pourquoi, au Sénégal, un homme qui a violé une enfant à six reprises en 11 jours, tenté de fuir à l’étranger, et s’est échappé après son arrestation, n’écope-t-il que de 10 ans ?
Mamadou Barry n’a pas seulement violé une mineure. Il l’a enlevée, séquestrée, et projeté de l’emmener hors du pays, privant ainsi la justice sénégalaise de toute possibilité de protection future. Pire : il s’est échappé après son défèrement, prouvant par là même son mépris total pour l’autorité judiciaire. Pourtant, la peine prononcée ne reflète ni la gravité de ses actes, ni le danger qu’il représente pour la société.
Les statistiques montrent que les auteurs de viols sur mineurs sont parmi les plus récidivistes. En France, près de 34 % des sortants de prison pour infractions sexuelles sont recondamnés dans l’année qui suit leur libération. Au Sénégal, où les structures de suivi post-carcéral sont souvent défaillantes, le risque est encore plus élevé. Une peine de 10 ans, assortie d’une amende dérisoire (100 000 FCFA, soit environ 150 euros), envoie un message ambigu : celui d’une justice qui, malgré ses bonnes intentions, minimise encore la souffrance des victimes et sous-estime la dangerosité des agresseurs.
De plus, la loi sénégalaise prévoit des peines bien plus lourdes pour les crimes de cette nature. Pourquoi, dès lors, les tribunaux ne les appliquent-ils pas systématiquement ? Est-ce par crainte des recours ? Par manque de moyens ? Ou simplement par habitude d’une clémence qui, dans ce type d’affaires, frise la complaisance ?
En France, les peines pour viol sur mineur sont en moyenne de 9,6 ans, mais peuvent atteindre 20 ans ou plus dans les cas aggravés. Aux États-Unis, la perpétuité est courante. À Madagascar, la castration chirurgicale a été prononcée pour un crime similaire. Le Sénégal, en condamnant Mamadou Barry à 10 ans, se place en dessous de ces standards, alors même que la loi locale le permet.
Les études montrent que les auteurs de viols sur mineurs récidivent fréquemment, surtout en l’absence de suivi psychologique et social. Une peine de 10 ans, avec possibilité de libération conditionnelle, expose la société à un danger évitable.
Une peine légère peut être perçue comme une forme d’impunité. Si la justice ne frappe pas fort, comment dissuader les autres ?
Une fillette de 12 ans violée à six reprises mérite une justice qui reconnaisse pleinement l’ampleur de son traumatisme. 10 ans, c’est moins que ce que requérait le procureur, et bien moins que ce que la loi autorise.
La condamnation de Mamadou Lamine Barry est une étape, mais elle est insuffisante. La justice sénégalaise a les moyens légaux de frapper plus fort. Elle doit le faire, non par vengeance, mais par devoir de protection envers les enfants et par respect pour les victimes. 10 ans pour 11 jours de calvaire, c’est trop peu. Il faut que les peines prononcées reflètent enfin la gravité des crimes commis, et que le Sénégal montre l’exemple en Afrique de l’Ouest.
Sinon, à quoi bon avoir des lois sévères, si ce n’est pour les appliquer à moitié ? La crédibilité de la justice, et la sécurité des enfants, en dépendent.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Aziz Top.
Mis en ligne : 02/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





