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Le ministère de la Famille et des Solidarités a récemment annoncé le débloquement de 1 125 850 000 FCFA pour soutenir les ex-détenus et les victimes des violences pré-électorales au Sénégal. Si cette initiative peut sembler louable, une analyse plus poussée révèle une approche superficielle, voire cosmétique, face à des traumatismes profonds et des causes structurelles non résolues.
L’aide financière, aussi nécessaire soit-elle, ne saurait se substituer à une véritable justice, à la transparence, et à des réformes profondes. Sans ces éléments, le risque est grand de voir ces mesures n’être qu’un cache-misère, reportant les problèmes plutôt que de les résoudre.
Les violences politiques au Sénégal, notamment entre 2021 et 2024, ont laissé des traces indélébiles : des dizaines de morts, des centaines de blessés, des arrestations arbitraires et une répression documentée. Ces événements s’inscrivent dans un cycle de tensions électorales où l’usage excessif de la force par les autorités, les arrestations politiques et les discours haineux ont exacerbé les divisions sociales. Malgré les promesses de dialogue et de réconciliation, les enquêtes sur ces violences traînent, les responsables restent impunis, et les victimes attendent toujours une justice équitable.
L’indemnisation annoncée intervient dans un climat de méfiance généralisée. Les montants alloués, comme les 10 millions de FCFA par famille endeuillée, sont perçus par beaucoup comme une aumône politique, d’autant que les critères de sélection des bénéficiaires restent flous et contestés. L’opposition et la société civile dénoncent une manœuvre visant à apaiser les tensions sans s’attaquer aux racines du mal : la corruption, l’instrumentalisation de la justice, et l’absence de mécanismes de réconciliation nationale.
L’aide financière, bien que symbolique, ne répond pas aux attentes fondamentales des victimes : la vérité, la justice, et la garantie de non-répétition. Les indemnisations sans justice transitionnelle ne font que masquer les dysfonctionnements systémiques.
Dans d’autres contextes, comme en Afrique du Sud, la Commission Vérité et Réconciliation a montré que la réparation passe aussi par la reconnaissance publique des crimes, l’écoute des victimes et la réinsertion des auteurs dans un cadre légal et moral. Au Sénégal, rien de tel n’est envisagé. Les fonds sont distribués sans transparence, sans consultation des concernés, et sans garantie que les mêmes violences ne se reproduiront pas lors des prochaines élections.
Les critiques pointent du doigt l’opacité dans la répartition des aides. Certaines familles sont privilégiées en fonction de leurs affiliations politiques, créant de nouvelles inégalités et alimentant les rancunes. À titre de comparaison, en République démocratique du Congo, le Fonds de réparation des victimes a été ébranlé par des soupçons de détournement et de mauvaise gestion, montrant les dangers d’une indemnisation sans contrôle indépendant. Au Sénégal, l’absence de critères clairs et de suivi rigoureux laisse planer le doute sur l’équité du processus.
Sans justice et sans réconciliation, les indemnisations ne font que reporter les crises. Les violences électorales récentes, marquées par des incendies de sièges de partis, des affrontements entre militants et des discours haineux, prouvent que les tensions persistent. Tant que les auteurs des violences ne sont pas identifiés, jugés, et que les institutions ne sont pas réformées, chaque élection risque de raviver les mêmes drames. Les commissions vérité et réconciliation ont démontré que la paix durable passe par la vérité, la responsabilité et la réparation collective, pas seulement par des compensations financières.
L’indemnisation des victimes est un premier pas, mais elle ne doit pas servir d’alibi pour éviter les réformes profondes. Pour briser le cycle de la violence, le Sénégal doit s’inspirer des modèles qui ont fonctionné ailleurs : créer une commission indépendante pour établir la vérité, garantir des enquêtes impartiales et engager un dialogue national inclusif.
L’argent ne répare pas les traumatismes, ne restaure pas la confiance et ne prévient pas les futures crises. Seule une approche globale, combinant justice, transparence et réconciliation, peut espérer guérir les blessures du passé et construire un avenir apaisé.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Souleymane Faye.
Mis en ligne : 04/09/2025
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