Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Le Premier ministre Ousmane Sonko a récemment réaffirmé, lors d’un déplacement à Kaolack, la volonté de son gouvernement de redresser le Sénégal en trois ans, soit exactement le temps restant avant la prochaine présidentielle. Cette coïncidence calendaire interroge : s’agit-il d’un engagement sincère ou d’une stratégie de communication destinée à séduire l’électorat à court terme ?
Si l’ambition est louable, l’histoire politique sénégalaise et africaine regorge d’exemples où de telles promesses, formulées à l’approche des échéances électorales, se sont révélées illusoires. Une analyse critique s’impose.
Au Sénégal, les gouvernements successifs ont souvent utilisé des annonces tonitruantes pour mobiliser l’opinion, sans toujours les concrétiser. Macky Sall, par exemple, avait promis de réduire la durée du mandat présidentiel à cinq ans, une réforme finalement reportée et appliquée seulement après son propre mandat de sept ans. Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, avant lui, avaient également repoussé des élections pour éviter des défaites embarrassantes, illustrant une tendance à adapter les règles du jeu politique selon les intérêts du moment. Plus récemment, les législatives anticipées de novembre 2024 ont été justifiées par le besoin d’une majorité stable pour gouverner, alors que les promesses de changement peinent à se matérialiser.
Cette pratique n’est pas propre au Sénégal. En Afrique, les promesses de redressement économique en un temps record sont légion, mais les résultats tardent souvent à venir. Le Ghana, autrefois présenté comme un modèle de réussite, traverse aujourd’hui une crise financière sans précédent, malgré des annonces répétées de réformes structurelles. Au Nigeria, les plans de relance économique se heurtent à des réalités bien plus complexes que les discours politiques ne le laissent entendre, avec des retards constants et des réformes inabouties.
L’annonce d’un redressement en trois ans, calqué sur le cycle électoral, soulève plusieurs questions. D’abord, les réformes structurelles qu’elles concernent la dette, l’énergie ou la souveraineté économique nécessitent généralement des décennies, pas des mandats. Ensuite, la tentation est grande de privilégier des mesures cosmétiques, visibles à court terme, plutôt que des changements profonds et parfois impopulaires. Enfin, l’absence de détails concrets sur le plan gouvernemental, malgré sa diffusion auprès des confréries religieuses, renforce le doute : un vrai plan de développement se construit dans la transparence et le débat public, pas dans l’opacité et la communication ciblée.
Le risque est double : d’une part, créer une attente irréaliste chez les citoyens ; d’autre part, hypothéquer l’avenir en reportant les vraies réformes après les élections. Comme le note la Fondation Jean-Jaurès, « la violence que traverse le pays possède des précédents, et il en va de même pour les pratiques anti-démocratiques reprochées au président Macky Sall ». La répétition de ces schémas mine la confiance dans les institutions et alimente la défiance citoyenne.
Les gouvernements précédents ont souvent échoué à tenir leurs promesses en raison de contraintes budgétaires, de blocages politiques ou de priorités électorales. La suppression puis la réintroduction du poste de Premier ministre sous Macky Sall en est un exemple frappant.
Le Ghana et le Nigeria montrent que les annonces de redressement rapide peuvent se retourner contre leurs auteurs. Au Ghana, la crise actuelle a forcé le gel des salaires des fonctionnaires et la réduction des subventions, des mesures douloureuses qui contrastent avec les discours optimistes des campagnes. Au Nigeria, les promesses de croissance et d’emplois se heurtent à une dette insoutenable et à une instabilité politique chronique.
Les mécanismes politiques poussent naturellement les dirigeants à annoncer des résultats rapides pour séduire l’électorat. Pourtant, comme le souligne une étude de Cairn.info, « certaines promesses une forte minorité ne sont pas tenues, alors que d’autres le sont, mais souvent de manière partielle ou édulcorée ». La pression électorale incite à privilégier l’immédiateté sur la durabilité.
Si le Premier ministre Ousmane Sonko affirme que « aucun pays ne s’est développé sans effort collectif », il oublie d’ajouter que aucun pays ne s’est développé non plus sans réalisme, sans transparence, et sans un horizon temporel crédible. Trois ans pour redresser le Sénégal ? L’histoire récente, au Sénégal comme ailleurs en Afrique, suggère que cette promesse relève davantage de la stratégie électorale que d’un plan réaliste.
Les citoyens ont le droit d’exiger plus qu’un calendrier politique : des indicateurs clairs, un débat ouvert, et une évaluation indépendante des progrès accomplis. Sans cela, le risque est grand de voir cette promesse s’ajouter à la longue liste de celles qui, une fois les urnes refermées, tombent dans l’oubli. La vraie question n’est pas de savoir si le Sénégal peut être redressé en trois ans, mais si ses dirigeants sont prêts à engager les réformes profondes et impopulaires qui, elles, prennent du temps.
Et vous, chers lecteurs, croyez-vous encore aux promesses électorales ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Baye Zale.
Mis en ligne : 04/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





