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Le 1er septembre 2025, Moustapha Diakhaté, fondateur du mouvement « Le Sénégal indomptable » et ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar, a lancé un appel solennel à la « résistance républicaine » contre le régime actuel, qualifiant l’arrivée au pouvoir du Pastef de « jour sombre pour la République ». Derrière ce discours enflammé se cache moins un combat pour la démocratie qu’une stratégie de repositionnement politique.
Ancien pilier de l’establishment sous Macky Sall, Diakhaté incarne aujourd’hui l’opposition radicale, non par conviction, mais par calcul. Une posture qui mérite d’être décryptée, tant elle révèle les contradictions d’un homme prêt à tout pour rester dans le jeu.
Moustapha Diakhaté n’est pas un outsider. Longtemps membre influent de Benno Bokk Yakaar, il a activement participé à la gouvernance du Sénégal sous Macky Sall, sans jamais dénoncer avec autant de virulence les dérives qu’il attribue aujourd’hui au Pastef. Son engagement soudain pour la « démocratie en danger » coïncide étrangement avec la perte d’influence de son camp après les élections de 2024. Une coïncidence troublante, qui invite à s’interroger : sa lutte est-elle vraiment celle d’un démocrate convaincu, ou celle d’un stratège en quête de reconquête ?
Le Sénégal traverse effectivement une période de tensions, marquée par des débats houleux sur la gouvernance, la justice et la cohésion nationale. Mais ces défis ne datent pas d’hier. Sous Benno Bokk Yakaar, dont Diakhaté était une figure majeure, les critiques sur l’autoritarisme naissant, la gestion contestée des ressources ou les divisions sociales étaient déjà présentes. Où était alors sa fougue républicaine ? Son silence d’alors contraste avec ses diatribes actuelles, révélant un opportunisme qui dessert la crédibilité de son combat.
Diakhaté accuse le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko de « fragiliser les fondements de la République » et d’installer une « dictature morbide ». Des termes graves, qui mériteraient d’être étayés par des faits concrets plutôt que par des formules choc. Or, son bilan au sein de Benno Bokk Yakaar ne brille pas par son engagement pour la transparence ou la défense des contre-pouvoirs. Pendant des années, il a participé à un système où les opposants étaient souvent marginalisés, où la justice était parfois instrumentalisée, et où les inégalités sociales s’aggravaient. Son appel à l’unité nationale sonne faux quand il alimente lui-même la polarisation avec des attaques frontales, qualifiant ses adversaires de « fascistes » sans nuance.
Son mouvement, Le Sénégal indomptable, se présente comme le rempart contre l’oppression. Pourtant, son discours radical, promettant une lutte « sans concession et sans peur », risque d’attiser les divisions plutôt que de les apaiser. En appelant à une mobilisation « dans les rues, les urnes, les cœurs et les esprits », il semble privilégier l’affrontement à la construction de solutions. Une stratégie dangereuse, qui rappelle les erreurs du passé : dans d’autres pays africains, comme au Burkina Faso ou en Guinée, les surenchères verbales ont souvent conduit à des impasses politiques, voire à des violences.
Par ailleurs, son positionnement actuel soulève une question légitime : pourquoi un tel revirement ? La réponse est peut-être à chercher du côté de ses ambitions personnelles. Après avoir été exclu de l’APR en 2020 pour ses critiques internes, puis marginalisé après la défaite de son camp en 2024, Diakhaté cherche à se repositionner comme le chef de file d’une opposition intransigeante. Un rôle qui lui permet de capter l’attention des médias et de mobiliser une base militante en quête de boucs émissaires. Mais à quel prix pour le Sénégal ? La démocratie se construit par le dialogue et les réformes, pas par les anathèmes.
L’incohérence de son parcours discrédite ses accusations Comment peut-on dénoncer aujourd’hui ce qu’on a toléré, voire soutenu, hier ? Les Sénégalais ont le droit de se demander si Diakhaté est vraiment animé par l’intérêt général, ou par la volonté de retrouver une place centrale sur la scène politique. Son silence complice sous Macky Sall, suivi de ses attaques virulentes contre le Pastef, révèle une posture plus opportuniste que principielle.
En diabolisant le pouvoir en place, il ferme la porte à toute possibilité de compromis ou de réforme consensuelle. Pourtant, le Sénégal a besoin de ponts, pas de tranchées. Les défis du pays, chômage des jeunes, crise économique, pression migratoire, exigent des solutions pragmatiques, pas des slogans clivants.
En discréditant systématiquement le pouvoir en place, il sape la confiance dans les mécanismes démocratiques, comme les élections ou la justice. Une démarche périlleuse, qui pourrait encourager les extrêmes et fragiliser encore davantage un pays déjà sous tension.
L’histoire politique africaine regorge d’exemples où l’opposition radicale a fini par aggraver les crises qu’elle prétendait combattre. En Côte d’Ivoire, les années 2000 ont montré comment la polarisation extrême peut mener à la guerre civile. Au Zimbabwe, l’opposition a longtemps crié à la dictature, mais sans proposer d’alternative crédible, laissant le champ libre à Robert Mugabe pour se maintenir au pouvoir pendant des décennies. Le Sénégal, souvent cité en exemple pour sa stabilité démocratique, mérite mieux que ces jeux dangereux.
À l’inverse, des pays comme le Ghana ou la Tunisie ont su surmonter leurs divisions en privilégiant le dialogue et les réformes progressives. Ces modèles montrent qu’une opposition responsable peut jouer un rôle constructif, à condition de renoncer aux postures radicales.
Moustapha Diakhaté incarne aujourd’hui le pire de la politique : l’opportunisme, le double discours et la surenchère. Son appel à la résistance n’est pas celui d’un démocrate soucieux de l’avenir du pays, mais celui d’un homme politique en quête de relevance. Les Sénégalais, las des divisions et des promesses non tenues, aspirent à autre chose. Ils méritent des leaders qui proposent des solutions, pas des leaders qui attisent les braises pour servir leurs ambitions.
Il est temps de tourner la page des postures stériles. Le pays n’a que faire des donneurs de leçons qui changent de camp au gré du vent. La vraie résistance républicaine ne se trouve ni dans les slogans ni dans les rues, mais dans l’engagement quotidien pour des institutions plus fortes, une justice indépendante et une économie au service de tous. Plutôt que de suivre Diakhaté dans sa croisade, les citoyens feraient mieux de soutenir ceux qui travaillent concrètement à ces objectifs.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Saliou Mbaye.
Mis en ligne : 06/09/2025
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