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Dans un entretien récent accordé à Seneweb, Ahmed Khalifa Niasse, guide religieux et homme politique sénégalais, a de nouveau fait parler de lui en évoquant sa relation avec Ousmane Sonko, actuel Premier ministre et leader du Pastef. Se présentant comme un soutien de la première heure, il rappelle avoir accueilli Sonko « quand il était un pestiféré », tout en prédisant, avec une assurance troublante, que ce dernier recourra bientôt à la force, au « Gueum door » (frapper dans le tas, sans distinction), pour gérer les crises à venir.
Derrière ces déclarations se cache une stratégie bien plus calculée qu’il n’y paraît : celle d’un homme rompu à l’exercice du positionnement politique, prêt à tout pour rester au cœur du jeu, même au prix de l’ambiguïté et de la division.
Ahmed Khalifa Niasse n’est pas un novice en politique. Issu d’une grande famille maraboutique, il a su tirer parti de son double statut de chef religieux et d’homme d’affaires pour s’imposer comme une figure incontournable de la scène sénégalaise. Son parcours est jalonné de revirements et d’alliances changeantes, au gré des régimes et des opportunités. Proche de Macky Sall hier, il se rapproche aujourd’hui de Sonko, après l’avoir critiqué avec virulence il y a encore quelques mois.
Cette capacité à naviguer entre pouvoir et opposition, à changer de camp selon les circonstances, interroge sur ses véritables motivations. Son soutien affiché à Sonko, alors que ce dernier était isolé, relève moins de la loyauté que d’un calcul : se positionner comme un acteur clé, capable de peser dans la balance, quel que soit le camp au pouvoir.
Quand Niasse annonce que Sonko et Diomaye Faye devront recourir au « Gueum door » pour protéger le pays, il ne se contente pas de faire une prédiction. Il se place en prophète, en homme qui sait, qui voit plus loin que les autres. Pourtant, cette expression, déjà utilisée lors du dialogue national sous Macky Sall, avait suscité de vives critiques. La répéter aujourd’hui, c’est semer la peur et la division, tout en se rendant indispensable. Pourquoi ces avertissements maintenant ? Est-ce une façon de justifier un futur alignement avec le pouvoir, ou de se préparer à jouer les médiateurs en cas de crise ? Son discours, loin d’être désintéressé, semble surtout destiné à renforcer son influence, en jouant sur les peurs et les tensions.
Niasse rappelle son soutien passé à Sonko pour mieux masquer ses critiques récentes. En 2022, il le qualifiait encore de « manipulateur », avant de faire volte-face et de se réconcilier publiquement avec lui. Cette versatilité révèle une stratégie claire : rester du côté du gagnant, quitte à réécrire l’histoire.
En brandissant la menace de la violence et du terrorisme, Niasse légitime l’idée que la force est une solution inévitable. Pourtant, cette rhétorique a déjà montré ses limites, tant au Sénégal qu’ailleurs en Afrique. Elle risque d’alimenter un cercle vicieux de répression et de radicalisation, plutôt que de favoriser le dialogue et les réformes structurelles.
Que ce soit en soutenant Sonko ou en critiquant Macky Sall, Niasse agit toujours en fonction de ses intérêts. Son objectif n’est pas la stabilité du pays, mais la préservation de son propre rôle central. En se présentant comme un recourt ultime, il cherche à s’assurer une place dans tout scénario politique futur.
L’histoire politique africaine regorge d’exemples où des figures religieuses ou traditionnelles ont instrumentalisé leur influence pour servir des agendas personnels. Au Nigeria, en Guinée, ou encore en Côte d’Ivoire, des leaders spirituels ont souvent été accusés de jouer un double jeu, soutenant tour à tour le pouvoir et l’opposition selon leurs intérêts. Ces pratiques, loin de renforcer la démocratie, affaiblissent les institutions et alimentent la défiance des citoyens.
Ahmed Khalifa Niasse incarne à lui seul les dangers de la confusion entre religion et politique. Ses déclarations, entre soutien affiché et prédictions alarmistes, ne visent qu’à servir sa propre position. Face à de telles manœuvres, il est urgent de rappeler que la stabilité du Sénégal ne dépend pas des prophéties d’un homme, mais de la transparence, du dialogue et de la responsabilité de ses dirigeants. Les Sénégalais méritent mieux que des jeux d’influence et des stratégies de division. Ils méritent des leaders qui agissent pour l’intérêt général, et non pour leur propre survie politique.
Il est temps de démasquer ces calculs et d’exiger des comptes. La politique ne doit pas être un terrain de manœuvre pour les opportunistes, mais un espace de construction collective. À ceux qui, comme Niasse, jouent sur deux tableaux, il faut rappeler que la crédibilité se gagne par la cohérence, et que le Sénégal a besoin de dirigeants intègres, pas de stratèges sans scrupules. La vigilance citoyenne est plus que jamais nécessaire pour préserver l’avenir du pays.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Amsatou B.
Mis en ligne : 07/09/2025
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