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Le 3 septembre 2025, lors du Conseil des ministres, le Premier ministre Ousmane Sonko a appelé à renforcer la sécurisation des documents judiciaires, dénonçant la publication systématique de procès-verbaux d’enquêtes. Il a insisté sur la nécessité de préserver le secret de l’instruction, garant selon lui de l’intégrité des dossiers et de la crédibilité de la justice. Pourtant, cette prise de position sonne comme une ironie tragique : comment celui qui a lui-même instrumentalisé les fuites judiciaires peut-il aujourd’hui se poser en défenseur du secret ? Son discours au Grand Théâtre, où il avait publiquement revendiqué avoir donné instruction d’arrêter une personne sur la base d’un message, rappelle que le Premier ministre est le premier à avoir bafoué les règles qu’il prétend vouloir protéger.
Depuis des mois, le Sénégal est secoué par la diffusion récurrente de documents judiciaires sensibles, souvent relayés par les réseaux sociaux et certains médias. Ces fuites, qui touchent des dossiers en cours d’instruction, ont effectivement sapé la confiance dans les institutions. Mais elles ne sont pas toujours le fait de lanceurs d’alerte ou de journalistes en quête de transparence. Bien souvent, elles servent des intérêts politiques ou personnels. Or, Ousmane Sonko, en tant que figure centrale du pouvoir, n’est pas en reste. En janvier 2025, il a été accusé d’avoir lui-même violé le secret de l’instruction en publiant une ordonnance de non-lieu le concernant, un acte grave qui a suscité l’indignation de juristes et d’observateurs.
L’appel solennel de Sonko à respecter le secret judiciaire contraste avec ses propres pratiques. Lors d’un meeting au Grand Théâtre, il avait publiquement admis avoir transmis des instructions pour l’arrestation d’un individu, sur la base d’un message personnel. Une telle déclaration, loin de renforcer la crédibilité de la justice, la fragilise en montrant que les procédures peuvent être influencées par des considérations politiques ou des règlements de comptes. Comment croire en la sincérité de sa démarche quand il a, à plusieurs reprises, utilisé l’appareil judiciaire comme un outil de communication ou de pression ?
De plus, son parti, le PASTEF, a souvent bénéficié de fuites ciblées pour discréditer des adversaires ou mobiliser l’opinion. En 2024, des documents relatifs à des enquêtes sur l’ancien régime ont ainsi été rendus publics de manière sélective, alimentant une polarisation déjà forte. Ces méthodes, loin de servir l’intérêt général, ont contribué à une justice à deux vitesses : opaque quand elle arrange le pouvoir, transparente quand elle peut nuire à l’opposition.
Premièrement, le Premier ministre ne peut crédiblement exiger le respect du secret judiciaire s’il ne le respecte pas lui-même. Sa crédibilité est entachée par ses propres actes, et son discours sonne comme une tentative de diversion. Deuxièmement, en instrumentalisant les fuites, il a participé à la dégradation de la confiance dans les institutions, qu’il prétend aujourd’hui vouloir restaurer. Enfin, son attitude révèle une vision partiale de la justice : le secret doit être préservé quand il protège le pouvoir, mais peut être violé quand il sert ses intérêts.
Dans d’autres démocraties, comme en France ou aux États-Unis, les fuites judiciaires sont également un sujet de débat. Mais elles sont généralement condamnées par l’ensemble de la classe politique, quel que soit le bord. Au Sénégal, en revanche, le pouvoir semble adopter une position à géométrie variable, selon que les fuites lui sont favorables ou non. Cette incohérence affaiblit la légitimité des institutions et nourrit le sentiment d’une justice instrumentalisée.
Le Sénégal mérite une justice impartiale, protégée des ingérences politiques et des manipulations. Pour cela, il ne suffit pas de dénoncer les fuites : il faut aussi garantir l’indépendance des magistrats, encadrer strictement les exceptions au secret de l’instruction, et sanctionner sans distinction ceux qui le violent, qu’ils soient journalistes, opposants ou membres du gouvernement. Ousmane Sonko, s’il veut vraiment préserver la crédibilité de la justice, devrait commencer par donner l’exemple. Sinon, son appel ne sera perçu que comme une manœuvre de plus dans un jeu politique où les règles sont sans cesse réécrites au gré des intérêts du moment.
La vraie question n’est pas de savoir comment mieux cacher les dossiers, mais comment rendre la justice plus juste, plus transparente et plus digne de confiance. Et cela commence par la cohérence entre les discours et les actes.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Amadou Ba.
Mis en ligne : 08/09/2025
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