Accusations explosives : Quand les médias menacent la cohésion sociale - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 10/09/2025 03:09:30

Accusations explosives : Quand les médias menacent la cohésion sociale

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Un débat houleux agite actuellement l’espace public sénégalais : l’utilisation présumée de drones pour réprimer des manifestants entre mars 2021 et février 2024. Dans un contexte déjà tendu, les déclarations du journaliste Cheikh Yérim Seck, affirmant que des drones auraient été utilisés pour tirer sur des manifestants, ont suscité une réaction vigoureuse de Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal. Ce dernier a dénoncé des allégations qu’il qualifie de « méprisantes pour les victimes » et d’« insultantes pour les forces de défense et de sécurité ». Dans une société où la vérité et la justice doivent primer, on ne peut se permettre de lancer des accusations aussi graves sans preuves tangibles. Les victimes, leurs familles et la société tout entière méritent mieux que des spéculations médiatiques.

Le Sénégal, souvent cité en exemple pour sa stabilité démocratique en Afrique de l’Ouest, traverse depuis plusieurs années une période de tensions politiques et sociales. Les manifestations, parfois réprimées dans la violence, ont laissé des traces profondes. Dans ce contexte, chaque mot, chaque accusation, pèse lourd. Les propos de Cheikh Yérim Seck, tenus lors d’une émission sur 7TV, selon lesquels « certains ont été tués par des drones », interviennent dans un climat déjà chargé d’émotions et de suspicions. Or, de telles affirmations, si elles s’avéraient infondées, risquent non seulement de discréditer les efforts des forces de sécurité, mais aussi de semer la confusion et d’alimenter la défiance envers les institutions.

Seydi Gassama rappelle à juste titre que la responsabilité des journalistes et des acteurs publics est immense : elle exige rigueur, prudence et respect des faits. Accuser sans preuve, c’est prendre le risque de banaliser la souffrance des victimes et de fragiliser davantage la cohésion sociale.

L’argument central de Seydi Gassama repose sur un principe fondamental : la gravité d’une accusation doit être proportionnelle à la solidité des preuves qui l’étayent. Affirmer que des drones ont été utilisés pour tuer des manifestants n’est pas anodin. Cela suppose une organisation, des moyens techniques et une chaîne de commandement qui, si elle existait, laisserait nécessairement des traces. Or, à ce stade, aucune enquête indépendante n’a confirmé ces allégations. Pire, Cheikh Yérim Seck semble se contredire en affirmant par ailleurs que « aucune personne n’est morte d’une balle des forces de sécurité ». Une telle ambiguïté ne peut que nourrir le scepticisme.

Amnesty International Sénégal, dont la crédibilité n’est plus à démontrer, insiste sur la nécessité d’enquêtes approfondies. Mais ces enquêtes doivent être menées avec méthode, en s’appuyant sur des éléments concrets, et non sur des hypothèses lancées à la légère. Dans un pays où la confiance dans les institutions est déjà mise à rude épreuve, de telles déclarations, si elles ne sont pas étayées, risquent de discréditer ceux qui les portent et, in fine, de desservir la cause même des victimes.

Les familles des manifestants tués ou blessés méritent des réponses claires et vérifiables. Des accusations non fondées ne font que prolonger leur souffrance et brouillent les pistes vers la vérité.

Dans un environnement médiatique parfois enclin au sensationnalisme, la parole des journalistes et des figures publiques engage leur responsabilité. Une accusation infondée peut avoir des conséquences irréversibles, tant sur la réputation des institutions que sur la perception de la justice.

L’histoire nous a montré, dans d’autres contextes, comment des rumeurs ou des théories non étayées peuvent envenimer les crises. Pensons aux accusations de manipulations électorales ou aux théories du complot qui ont déstabilisé des démocraties ailleurs en Afrique et dans le monde. Le Sénégal, avec son héritage de dialogue et de modération, ne peut se permettre de glisser sur cette pente.

Dans un État de droit, la charge de la preuve incombe à celui qui accuse. En l’absence de preuves, ces allégations relèvent de la spéculation, et non du journalisme d’investigation.

Cette situation n’est pas sans rappeler d’autres cas où des accusations non vérifiées ont eu des effets dévastateurs. En 2014, en Ukraine, des allégations sur l’utilisation d’armes chimiques par les forces gouvernementales avaient été largement relayées avant d’être démenties par des enquêtes internationales. Plus près de nous, en Afrique, des accusations similaires ont parfois servi à attiser les divisions ethniques ou politiques. À l’inverse, des pays comme l’Afrique du Sud, après l’apartheid, ont montré l’importance de commissions de vérité pour établir les faits de manière impartiale et apaiser les tensions.

Seydi Gassama a raison de rappeler que la quête de justice ne peut se faire au mépris des faits. Les victimes des violences méritent que toute la lumière soit faite, mais cette lumière ne peut émaner que d’enquêtes rigoureuses et transparentes. En attendant, la prudence et le respect des procédures doivent prévaloir. Le Sénégal a toujours su faire preuve de résilience face aux crises. Pour préserver cette tradition, il est essentiel que chacun journalistes, militants, responsables politiques assume ses responsabilités et contribue à rétablir la confiance, plutôt qu’à l’éroder.

Dans une démocratie, la parole est libre, mais elle doit aussi être responsable. C’est le prix à payer pour que la vérité triomphe, et que justice soit enfin rendue aux victimes.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Issa Dione.
Mis en ligne : 10/09/2025

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