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Le Gamou 2025 vient de s’achever, laissant derrière lui un bilan lourd : sept morts, plus de 200 victimes d’accidents, et une question lancinante : pourquoi les routes sénégalaises se transforment-elles, chaque année, en couloirs de la mort pour les pèlerins ? La Brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP) a rendu public, ce vendredi 5 septembre, un constat accablant : sur les 195 interventions enregistrées, 68 concernaient des accidents de la route, responsables à eux seuls de 205 victimes et de trois décès.
Ces chiffres, en hausse par rapport aux jours précédents, révèlent une réalité cruelle et récurrente : le Gamou, moment de ferveur religieuse et de recueillement, est aussi devenu synonyme de danger, d’impréparation et d’impunité pour les transporteurs indélicats.
Chaque année, des millions de fidèles convergent vers Tivaouane et Thiénaba pour célébrer la naissance du Prophète. Mais derrière la dimension spirituelle se cache une organisation chaotique, où la sécurité des pèlerins est trop souvent sacrifiée sur l’autel de l’improvisation. Les accidents de la route, première cause de victimes, ne sont pas une fatalité : ils sont le résultat d’un laxisme coupable dans la régulation des transports, d’un parc automobile vétuste, et d’un manque criant de contrôles efficaces. Les « Ndiaga Ndiaye » (minibus de transport interurbain), souvent surchargés, mal entretenus et conduits par des chauffeurs épuisés, sillonnent les axes sans que les forces de l’ordre ne parviennent à endiguer le phénomène. Pire, la corruption et la complaisance des services de contrôle permettent à des véhicules indignes de circuler, mettant en danger la vie de milliers de personnes.
Le bilan 2025 confirme une tendance alarmante : malgré les annonces gouvernementales et les dispositifs mis en place (vidéo-verbalisation, renforcement des sanctions), les drames se répètent. Le ministre des Transports se dit « satisfait » des mesures prises, mais les faits lui donnent tort. Les accidents mortels, comme celui survenu le 3 septembre sur la route de Ranérou, où un minicar est entré en collision frontale avec un camion, illustrent l’urgence d’agir. Les causes sont connues : excès de vitesse, surcharge, non-respect du code de la route, et vétusté des véhicules. Pourtant, les sanctions restent rares, les contrôles aléatoires, et les transporteurs clandestins continuent de circuler en toute impunité.
À l’étranger, les grands pèlerinages comme le Hajj en Arabie saoudite ou la Kumbh Mela en Inde montrent qu’il est possible d’accueillir des millions de fidèles en limitant les risques. En Arabie saoudite, les autorités déploient des moyens colossaux pour sécuriser les déplacements, modernisent les infrastructures et sanctionnent sévèrement les contrevenants. En Inde, malgré l’ampleur de la Kumbh Mela (plus de 400 millions de participants en 2025), des plans de transport spécifiques, des trains supplémentaires et une coordination stricte entre les services de sécurité permettent de réduire les accidents. Au Sénégal, en revanche, les promesses de réforme du code de la route et de durcissement des contrôles peinent à se concrétiser. Les « clandos » (véhicules clandestins) et les « cars rapides » surchargés restent monnaie courante, tandis que les forces de l’ordre, souvent sous-équipées, se contentent de mesures ponctuelles et insuffisantes.
La question est cruelle, mais nécessaire : combien de drames faudra-t-il encore déplorer pour que l’État interdise enfin les transports clandestins pendant le Gamou ? Pourquoi les sanctions exemplaires annoncées ne sont-elles pas appliquées ? Pourquoi les contrôles techniques, souvent obtenus frauduleusement, ne sont-ils pas renforcés ?. Les familles des victimes, les sapeurs-pompiers et les populations locales paient le prix de cette négligence collective. Les initiatives locales, comme les réparations gratuites offertes par des mécaniciens bénévoles à Thiès, ne suffiront pas à endiguer le fléau. Il est temps que les autorités assument leurs responsabilités : interdire les véhicules non homologués, multiplier les contrôles, et sanctionner sans faiblesse les transporteurs indélicats.
Le Gamou doit rester un moment de paix et de spiritualité, pas un rendez-vous avec la mort. Les solutions existent : elles passent par une volonté politique forte, une coordination efficace entre les ministères, et une tolérance zéro envers les infractions. Les pèlerins méritent mieux que des hommages post-drame et des promesses non tenues. La sécurité routière pendant le Gamou n’est pas une option, c’est une obligation. Combien de vies supplémentaires devront être brisées pour que le Sénégal passe enfin des mots aux actes ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Edouard Ndiaye.
Mis en ligne : 10/09/2025
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