La Casamance asphyxiée par ses fruits : Echec de la campagne 2025 - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Economie | Par Eva | Publié le 11/09/2025 02:09:15

La Casamance asphyxiée par ses fruits : Echec de la campagne 2025

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Réunis à Goudomp, les producteurs de mangues de Ziguinchor et Sédhiou ont tiré la sonnette d’alarme après l’échec cuisant de la campagne 2025. Leur désarroi est légitime : des tonnes de mangues pourries, des dettes accumulées, et un hangar de stockage fermé en pleine saison. Pourtant, cette crise n’est pas une fatalité. Elle est le résultat d’un enchaînement de négligences, de manque de coordination et d’intérêts mal régulés.

Si chacun des acteurs, autorités, intermédiaires, producteurs, avait joué son rôle, cette catastrophe aurait pu être évitée.

La mangue est l’un des piliers de l’agriculture sénégalaise, avec une production annuelle de 150 000 à 200 000 tonnes, et un potentiel d’exportation majeur vers l’Europe et l’Afrique de l’Ouest. Pourtant, chaque année, des milliers de tonnes sont perdues à cause de problèmes logistiques, de manque d’infrastructures et d’une organisation défaillante. La saison 2025 n’a fait qu’aggraver ces faiblesses structurelles, révélant une filière à bout de souffle.

Le hangar de Goudomp, en travaux depuis des mois, était connu de tous. Pourquoi aucune solution alternative n’a-t-elle été mise en place ? Les producteurs alertent depuis des années sur les besoins en infrastructures, mais les promesses de réhabilitation restent lettres mortes. Pire, les mesures d’urgence annoncées (subventions, appuis logistiques) peinent à se concrétiser sur le terrain. Quand les pouvoirs publics attendent que la crise éclate pour réagir, c’est toute la filière qui paie le prix.

Avec la fermeture du hangar, les revendeurs et transporteurs ont imposé leurs tarifs, faisant doubler le coût du transport d’un panier de mangues (de 2 500 à 5 000 FCFA). Qui régule ces pratiques ? Personne. Les intermédiaires, souvent non producteurs, contrôlent les flux et les prix, sans aucun mécanisme de transparence ou de concurrence. Résultat : les producteurs, déjà fragiles, sont étranglés par des coûts exorbitants.

Si les producteurs sont les premières victimes, leur manque d’organisation collective aggrave leur vulnérabilité. Peu structurés en coopératives solides, ils dépendent presque exclusivement des intermédiaires et des aides publiques. Pourtant, des exemples en Côte d’Ivoire ou au Burkina Faso montrent que des unités de transformation locales ou des plateformes logistiques mutualisées peuvent réduire les pertes et renforcer leur pouvoir de négociation.

La filière mangue souffre d’un cloisonnement entre producteurs, exportateurs et transformateurs. Chacun agit dans son coin, sans vision commune. Les crises comme celle de Goudomp sont le symptôme d’un système où personne ne prend ses responsabilités.

En Côte d’Ivoire, des unités de séchage et de transformation ont été créées pour absorber les surplus et stabiliser les prix. Au Bénin, des efforts sont faits pour améliorer la conservation et l’emballage, réduisant les pertes post-récolte. Au Sénégal, malgré des fonds publics et des programmes de modernisation, les solutions restent trop lentes et trop éparpillées.

La crise de Goudomp est un échec collectif. Les autorités doivent enfin passer des discours aux actes : réhabiliter les infrastructures, réguler les intermédiaires, et soutenir la transformation locale. Les producteurs, de leur côté, doivent s’organiser pour peser face aux revendeurs et diversifier leurs débouchés. Sans cette prise de conscience, les mêmes causes produiront les mêmes effets, et ce sont les plus fragiles qui en paieront le prix.

La mangue sénégalaise a tout pour réussir. Il est temps que ses acteurs en fassent une priorité.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Marème Sall.
Mis en ligne : 11/09/2025

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