La méthode Sonko en marche : Fin de l’indépendance judiciaire ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Eva | Publié le 11/09/2025 08:09:00

La méthode Sonko en marche : Fin de l’indépendance judiciaire ?

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L’éviction récente d’Ousmane Diagne et du Général Jean-Baptiste Tine, respectivement ministres de la Justice et de l’Intérieur, a été présentée comme une victoire pour Pastef et son leader, Ousmane Sonko. Pourtant, derrière cette décision se cache une réalité bien plus inquiétante : celle d’un parti qui, une fois au pouvoir, cherche à instrumentaliser la justice pour servir ses intérêts politiques. Loin d’être une surprise, ce limogeage révèle une stratégie délibérée de contrôle des institutions, au mépris des principes fondamentaux de l’indépendance judiciaire.

Depuis son arrivée au pouvoir, Pastef a multiplié les déclarations et les actes visant à remettre en cause l’autonomie des magistrats. Ousmane Sonko, Premier ministre, n’a jamais caché son mécontentement face à ce qu’il qualifie de « lenteurs » judiciaires, notamment dans le traitement des dossiers liés aux violences politiques de 2021 à 2024. Pourtant, ces « lenteurs » ne sont souvent que le respect scrupuleux des procédures et de l’État de droit. Le vrai problème, pour Pastef, n’est pas l’inefficacité de la justice, mais son refus de se soumettre aux injonctions politiques. Comme le souligne l’Union des magistrats sénégalais, l’indépendance de la justice est un rempart contre l’arbitraire, et non un obstacle à contourner pour régler des comptes politiques.

Ousmane Diagne, ancien ministre de la Justice, avait clairement affirmé : « Qu’on ne compte pas sur moi pour exercer la moindre pression sur les magistrats du siège. » Une position intenable pour un parti qui, une fois au pouvoir, exige des résultats immédiats et ciblés, surtout contre ses adversaires. Le remplacement de Diagne par Yacine Fall, une militante de la première heure de Pastef, envoie un signal clair : la justice doit désormais s’aligner sur la ligne du parti.

Le discours de Pastef est révélateur : la justice doit être « rapide », « reconquérir la confiance des Sénégalais », mais surtout, elle doit servir les intérêts du pouvoir en place. Le Premier ministre a même évoqué la possibilité de poursuites disciplinaires contre les magistrats jugés trop lents, une menace à peine voilée contre ceux qui osent résister.

Cette approche n’est pas nouvelle. Au Sénégal, comme dans d’autres pays africains, l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir exécutif est une pratique bien documentée. Les exemples du Bénin, du Burkina Faso ou de la Mauritanie montrent comment les régimes en place utilisent les nominations, les mutations et les pressions pour neutraliser les juges récalcitrants. Pastef, en nommant une militante à la tête du ministère de la Justice, s’inscrit dans cette tradition regrettable. La justice n’est plus un pouvoir indépendant, mais un simple rouage de l’appareil d’État, chargé de légitimer les décisions politiques.

Les récentes déclarations de Sonko, qui accuse la justice d’être « l’un de nos plus gros problèmes », confirment cette volonté de soumission. Après avoir essuyé plusieurs revers judiciaires, dont le rejet de son rabat d’arrêt dans l’affaire Mame Mbaye Niang, le leader de Pastef a ouvertement attaqué les magistrats, les accusant de complaisance envers ses adversaires. Une attitude qui rappelle les pires heures des régimes autoritaires, où la justice était un simple instrument de répression.

Une justice instrumentalisée perd toute crédibilité. Si les magistrats sont soumis à des pressions politiques, comment peuvent-ils garantir un procès équitable ? La confiance des citoyens dans les institutions s’en trouve profondément ébranlée.

L’histoire récente du Sénégal montre que chaque régime a tenté, à sa manière, de contrôler la justice. De Senghor à Macky Sall, en passant par Wade, aucun pouvoir n’a véritablement respecté l’indépendance des magistrats. Pastef, en reproduisant ces schémas, trahit ses promesses de rupture et de réforme.

En Afrique, l’instrumentalisation de la justice a souvent servi à museler l’opposition et à verrouiller le pouvoir. La Cour pénale internationale (CPI) a elle-même été accusée d’être un outil de pression contre les dirigeants africains, mais aussi de fermer les yeux sur les abus commis par ses alliés. Pastef, en agissant de la sorte, risque de plonger le Sénégal dans une crise institutionnelle durable, où la loi du plus fort remplacera celle de la justice.

Les magistrats sénégalais, par la voix de leur syndicat, ont déjà exprimé leur inquiétude face à ces dérives. L’échec d’une tentative de dialogue entre Sonko et l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) est un signe supplémentaire de la fracture entre le pouvoir et la justice.

Le limogeage d’Ousmane Diagne et la nomination de Yacine Fall ne sont pas de simples changements techniques. Ils marquent l’avènement d’une justice aux ordres, où les décisions seront dictées par des considérations politiques plutôt que par le droit. Pastef, en agissant ainsi, prend le risque de discréditer durablement les institutions judiciaires et de saper les fondements mêmes de la démocratie sénégalaise.

La justice n’est pas un service public comme les autres. Elle est le garant des libertés individuelles et le rempart contre l’arbitraire. En la soumettant à ses caprices, Pastef ne fait pas œuvre de réforme, mais de régression. Les Sénégalais, qui ont tant lutté pour une justice indépendante, méritent mieux qu’un pouvoir qui confond justice et vengeance.

Comme le disait un internaute : « Non ! Dis plutôt que la justice se réconcilie avec… Pastef (en se soumettant totalement à lui). » À moins d’un sursaut, c’est bien cette soumission que le parti au pouvoir semble vouloir imposer. Le temps nous dira si les magistrats sauront résister à cette pression, ou si le Sénégal sombrera dans l’ère des justices partisanes.

Jusqu’où ira Pastef dans sa volonté de contrôler la justice ? Et quel sera le coût démocratique de cette stratégie ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Vieux Diallo.
Mis en ligne : 11/09/2025

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