Un drame ignoré par les médias : Nouvelle disparition à Gorée - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 13/09/2025 02:09:15

Un drame ignoré par les médias : Nouvelle disparition à Gorée

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Le 29 juin 2025, Mamadou Chérif Diallo, 8 ans, disparaissait sur l’île de Gorée, au Sénégal, alors qu’il posait pour une photo en famille. Plus de deux mois après, les recherches n’ont rien donné, et l’affaire semble déjà s’effacer des mémoires. Pourtant, derrière ce drame se cache une réalité plus large : celle d’une société où les disparitions d’enfants ne suscitent qu’une indignation éphémère, avant de sombrer dans l’oubli. Si les médias et les réseaux sociaux s’emparent brièvement de ces histoires, leur traitement inégal et l’absence de suites concrètes finissent par banaliser l’inacceptable.

Comment expliquer que certaines affaires captent l’attention nationale, tandis que d’autres, comme celle de Mamadou Chérif, disparaissent des radars sans laisser de trace ? Cette indifférence collective révèle un dysfonctionnement profond, où l’émotion l’emporte sur l’action, et où l’impunité devient la norme.

Les disparitions d’enfants ne sont malheureusement pas rares au Sénégal. Chaque année, des familles se retrouvent plongées dans l’angoisse, sans réponses ni soutien. Pourtant, toutes ces affaires ne bénéficient pas de la même exposition médiatique. Certaines, impliquant des personnalités ou des circonstances spectaculaires, font la une des journaux et des chaînes d’information en continu. D’autres, comme celle de Mamadou Chérif, restent confinées à quelques articles locaux et à des publications éphémères sur les réseaux sociaux. Pourquoi une telle disparité ?

Le traitement médiatique des disparitions dépend souvent de critères subjectifs : l’âge de l’enfant, le lieu de l’incident, ou encore le statut social de la famille. Les affaires qui touchent les classes aisées ou les zones urbaines sont systématiquement plus relayées que celles concernant des familles modestes ou des régions éloignées. Dans le cas de Mamadou Chérif, l’île de Gorée, bien que symbolique, n’a pas suffi à maintenir l’attention. Les médias, saturés d’informations, passent rapidement à autre chose, laissant les familles livrées à elles-mêmes. Cette sélectivité dans la couverture médiatique crée une hiérarchie implicite des victimes, où certaines souffrances comptent plus que d’autres.

Les réseaux sociaux jouent un rôle ambigu dans ces drames. D’un côté, ils permettent de diffuser rapidement des appels à l’aide et de mobiliser une communauté. De l’autre, ils transforment ces tragédies en contenus éphémères, noyés dans le flux incessant d’actualités. Les publications sur la disparition de Mamadou Chérif ont peut-être été partagées des centaines de fois, mais sans relais institutionnel ou médiatique fort, elles n’ont pas suffi à maintenir la pression. Les hashtags et les partages, aussi bien intentionnés soient-ils, ne remplacent pas une enquête approfondie ou une mobilisation durable.

Pire encore, cette sursollicitation de l’émotion collective finit par désensibiliser le public. À force de voir défiler des appels à l’aide, les citoyens finissent par tourner la page, comme si ces disparitions étaient une fatalité. Cette culture de l’oubli est d’autant plus préoccupante qu’elle alimenterait une forme d’impunité. Si personne ne se souvient, qui exigera des comptes ? Qui réclamera justice pour Mamadou Chérif et les autres enfants disparus ?

L’absence de résultats dans les enquêtes sur les disparitions d’enfants envoie un message dangereux : ces drames ne méritent pas qu’on s’y attarde. Les familles, déjà meurtries par la perte d’un proche, doivent en plus affronter l’indifférence des institutions et de l’opinion publique. Cette résignation collective est d’autant plus choquante qu’elle contraste avec l’indignation sélective réservée à d’autres affaires.

Dans d’autres pays, des mécanismes existent pour éviter que ces disparitions ne tombent dans l’oubli. Aux États-Unis, par exemple, le système Amber Alert permet de diffuser massivement des informations sur les enfants disparus, impliquant directement les médias et les citoyens. En Europe, des cellules spécialisées suivent ces dossiers sur le long terme, garantissant que chaque affaire reste une priorité. Au Sénégal, en revanche, les familles doivent souvent se débrouiller seules, sans soutien structurel ni pression médiatique suffisante.

Cette absence de suivi crée un cercle vicieux : moins on en parle, moins on agit ; moins on agit, plus ces disparitions deviennent banales. Résultat, les citoyens finissent par considérer ces drames comme inévitables, et les autorités n’ont aucune incitation à améliorer leur réponse.

Il est temps de rompre avec cette culture de l’oubli. Les disparitions d’enfants ne devraient jamais être reléguées au rang de simples faits divers. Chaque cas mérite une attention égale, une enquête rigoureuse et une mobilisation durable. Les médias ont un rôle clé à jouer en assurant un suivi régulier de ces affaires, au-delà de l’effet d’annonce initial. Les réseaux sociaux, quant à eux, doivent servir de levier pour maintenir la pression, et non de simple exutoire émotionnel.

Les autorités, de leur côté, doivent mettre en place des protocoles clairs pour les disparitions d’enfants, incluant des cellules d’enquête dédiées et des mécanismes de coordination entre les forces de l’ordre, les médias et les associations. Enfin, il revient à chaque citoyen de refuser cette indifférence. Exiger des comptes, partager les appels à l’aide de manière responsable, et soutenir les familles dans leur quête de vérité : voici des actions concrètes pour briser le cycle de l’impunité.

La disparition de Mamadou Chérif Diallo n’est pas qu’une tragédie familiale. C’est le symbole d’un système qui échoue à protéger ses enfants, et d’une société qui ferme les yeux trop vite. Tant que nous accepterons cette indifférence, d’autres familles vivront le même cauchemar. Il est encore temps d’agir, avant que l’oubli ne devienne la seule réponse à ces drames.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Sophie Diop.
Mis en ligne : 13/09/2025

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