Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Ce mercredi 10 septembre 2025, Abass Fall a officiellement pris les rênes de la mairie de Dakar, succédant à Ngoné Mbengue. Dans un discours empreint d’espoir, le nouveau maire a promis une capitale « plus moderne, plus inclusive et plus rayonnante », appelant à la concertation et à la performance. Pourtant, derrière ces mots rutilants, se dessine une réalité bien moins reluisante : celle d’une ville en proie à des problèmes récurrents, d’un budget municipal en baisse, et d’une succession de promesses non tenues par ses prédécesseurs. Si l’optimisme est de mise lors de chaque passation de pouvoir, l’histoire récente de Dakar invite à la prudence, voire au scepticisme.
Dakar, capitale économique et politique du Sénégal, cumule les défis : inondations à répétition, gestion défaillante des déchets, transports saturés, et une qualité de vie en déclin pour une grande partie de ses habitants. Chaque année, les pluies diluviennes transforment des quartiers entiers en zones inondables, paralysant la mobilité et aggravant les conditions sanitaires. En septembre 2024, des précipitations ont encore une fois submergé la ville, révélant l’incapacité des infrastructures à absorber ces chocs climatiques. Les camions de collecte des ordures peinent à circuler, et la décharge de Mbeubeuss, source majeure de pollution, continue d’empoisonner les nappes phréatiques et l’air que respirent les Dakarois. Malgré les annonces répétées de projets de dépollution et d’assainissement, les résultats tardent à venir, et les habitants, las, ne croient plus aux promesses.
Sur le plan politique, la mairie de Dakar a connu une décennie de turbulences. Khalifa Sall (2009-2018), puis Barthélémy Dias (2022-2024), ont tous deux été destitués pour des affaires de malversation ou de condamnation judiciaire, laissant derrière eux un héritage de divisions et de projets inaboutis. Leurs mandats ont été marqués par des discours ambitieux, mais aussi par des réalisations mitigées, des budgets opaques, et une gestion souvent critiquée pour son manque de transparence et d’efficacité.
Abass Fall reprend aujourd’hui les mêmes formules que ses prédécesseurs : modernité, inclusivité, performance. Pourtant, force est de constater que ces termes, répétés à chaque changement de maire, n’ont guère transformé le quotidien des Dakarois. Khalifa Sall avait promis une ville « propre, verte et solidaire » ; Barthélémy Dias, une « rupture » avec les pratiques du passé. Résultat ? Les inondations persistent, les déchets s’accumulent, et les transports restent un casse-tête quotidien. Le budget de la mairie, fixé à 69,85 milliards de francs CFA pour 2025, est même en légère baisse par rapport à 2024, sans que des plans concrets ne soient rendus publics pour résoudre les problèmes structurels.
Le nouveau maire évoque la nécessité de « résultats tangibles » et d’une « organisation large » pour y parvenir. Mais quels moyens concrets sont déjà mobilisés ? Quels indicateurs de performance seront utilisés pour mesurer ces résultats ? Aucune réponse claire n’a été apportée lors de la passation de service. Pire, le manque de transparence sur l’allocation des budgets et la planification des projets laisse planer le doute sur la capacité de la nouvelle équipe à rompre avec les habitudes du passé.
Khalifa Sall et Barthélémy Dias ont, tour à tour, promis des avancées majeures : assainissement, mobilité, modernisation des services. Pourtant, les Dakarois attendent toujours. Les projets phares (dépollution de la baie de Hann, gestion des inondations, modernisation des transports) ont soit été reportés, soit réalisés de manière partielle, soit abandonnés faute de financement ou de volonté politique. Abass Fall, issu du même système politique, peut-il vraiment faire mieux ?
Les inondations ne sont pas une fatalité : elles sont le résultat d’un manque d’investissement dans les infrastructures, d’une urbanisation anarchique, et d’une gestion défaillante des déchets. La décharge de Mbeubeuss, par exemple, est connue pour aggraver les inondations en polluant les nappes phréatiques, mais aucune solution durable n’a été mise en œuvre. De même, les transports en commun, malgré l’arrivée du TER et du BRT, restent insuffisants pour une agglomération de près de 4 millions d’habitants.
Le budget 2025 de la mairie est en légère diminution, sans que des arbitrages clairs ne soient annoncés pour financer les « innovations » promises. Où iront les économies ? Quels projets seront sacrifiés ? Sans réponse, ces annonces ressemblent davantage à des effets d’annonce qu’à un vrai plan d’action.
Abass Fall a salué le travail de Ngoné Mbengue, désormais première adjointe. Cette continuité dans l’équipe municipale laisse présager une continuité dans les méthodes et donc dans les échecs. La « concertation » et le « respect mutuel » invoqués ne suffiront pas à effacer les clivages politiques et les luttes d’influence qui paralysent souvent l’action municipale.
Aucun détail n’a été donné sur les « moyens humains, logistiques, financiers » évoqués. Sans transparence, comment croire que cette fois sera la bonne ? Les Dakarois ont le droit de savoir comment leur argent sera utilisé, et quels résultats concrets ils peuvent attendre.
Dakar n’est pas la seule ville africaine à affronter des défis urbains. Des capitales comme Lagos, Nairobi ou Abidjan ont aussi connu des problèmes d’inondations, de gestion des déchets et de transports. Pourtant, certaines ont su mettre en place des plans d’urgence, des partenariats internationaux, et des indicateurs de suivi pour améliorer la situation. À Dakar, les annonces restent vagues, et les réalisations peinent à suivre. Même en France, des villes comme Paris font face à des critiques similaires : promesses non tenues, budgets opaques, et projets reportés. Mais au moins, les Parisiens ont accès à des comptes rendus réguliers et à des débats publics sur l’utilisation des fonds. À Dakar, l’opacité reste la règle.
Abass Fall a raison sur un point : les Dakarois attendent des résultats. Mais pour gagner leur confiance, il devra rompre avec la tradition des discours creux et des promesses en l’air. Cela passe par :
Un plan d’action clair et chiffré, avec des échéances précises et des indicateurs de suivi. Une transparence totalesur l’utilisation du budget municipal et l’avancement des projets. Une priorité donnée aux problèmes concrets : inondations, déchets, transports, plutôt qu’à des projets vitrines. Une vraie rupture avec les pratiques du passé, en impliquant les citoyens et la société civile dans les décisions.
Les mots ne suffiront plus. Les Dakarois ont entendu trop de promesses pour se contenter de belles phrases. L’heure est aux actes et c’est maintenant que le nouveau maire doit prouver qu’il est à la hauteur de la tâche. Sinon, dans quelques années, ce sera au tour de son successeur de répéter les mêmes formules, devant les mêmes problèmes.
« Une ville plus moderne, plus inclusive, plus rayonnante » ? Très bien. Mais comment, et pour quand ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Alioune Dia.
Mis en ligne : 15/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





