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L’affaire opposant la Cbao (devenue Attijariwafa Bank) à l’homme d’affaires Bocar Samba Dièye a récemment rebondi, la banque réclamant le paiement de 2 milliards 6 millions de francs CFA, suite à une lettre de crédit jugée « fausse ». Face à la presse, Dièye a dénoncé une injustice flagrante : la saisie de l’ensemble de ses biens, sans réponse claire, et une justice qu’il estime partiellement acquise à la cause bancaire. Il en appelle désormais au chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, pour éviter « l’irréparable ». Si les faits sont connus, leur portée dépasse largement le cas individuel.
Bocar Samba Dièye n’est pas un entrepreneur comme les autres. Parti d’un modeste étal au marché de Sandaga à Dakar en 1958, il a bâti un empire dans l’importation de riz et l’immobilier, contribuant activement à l’économie sénégalaise pendant plus de 65 ans. Son histoire est celle d’un self-made-man, répondant même à l’appel de l’État en 1985 pour sécuriser l’approvisionnement en riz du pays.
Pourtant, depuis 2008, il est engagé dans un bras de fer judiciaire avec la Cbao, accusé d’avoir présenté une lettre de crédit fictive de 6,65 milliards FCFA. Pire : malgré 12 victoires en justice, dont une expertise homologuée confirmant que c’est la banque qui lui doit 879 millions FCFA, ses biens restent saisis et les décisions judiciaires inexécutées. À 91 ans, il incarne aujourd’hui le combat de nombreux Sénégalais face à un système où la justice tarde, où les banques agissent en toute impunité, et où l’État semble absent.
Le cas Dièye révèle une justice à deux vitesses. Malgré des preuves et des décisions favorables, la Cbao multiplie les recours pour bloquer toute réparation, tandis que ses biens sont saisis sans ménagement. Ce scénario n’est pas isolé : au Sénégal, les litiges bancaires se soldent souvent par l’asphyxie des entrepreneurs, surtout lorsqu’ils n’ont pas les moyens de résister à des procédures interminables.
Si un entrepreneur de l’envergure de Dièye peut être « écrasé » par une banque, quel espoir reste-t-il aux petites et moyennes entreprises ? La saisie brutale de ses biens, sans dialogue ni médiation, envoie un message clair : au Sénégal, les institutions financières peuvent agir sans contrôle, au mépris des droits des opérateurs économiques. Cette insécurité juridique décourage l’investissement local et étranger, alors que le pays a désespérément besoin de croissance et d’emplois.
Dans un contexte de gestion opaque des finances publiques et de dette croissante, l’affaire Bocar Samba Dièye aggrave la défiance envers les institutions. Comment croire en un système où les banques, censées accompagner l’économie, deviennent des prédateurs ? Comment faire confiance à une justice qui peine à faire respecter ses propres décisions ?
Le Sénégal n’est pas le seul concerné. En Côte d’Ivoire, au Nigeria ou au Ghana, des cas similaires ont ébranlé la confiance dans le secteur bancaire, poussant les États à renforcer les mécanismes de médiation et de protection des entrepreneurs. Pourtant, au Sénégal, malgré les promesses de transparence du nouveau gouvernement, les réformes peinent à se concrétiser. Les audits en cours sur la gestion des fonds publics montrent une volonté de redressement, mais les résultats tardent à rassurer.
Face à cette crise de confiance, plusieurs mesures s’imposent :
Réformer le droit des lettres de crédit pour éviter les abus et garantir des recours équitables. Créer un fonds de garantie pour protéger les entrepreneurs contre les saisies abusives. Renforcer l’indépendance de la justice face aux lobbies bancaires et accélérer l’exécution des décisions judiciaires. Impliquer l’État comme médiateur dans les grands litiges économiques, pour rétablir l’équilibre entre banques et entrepreneurs.
Bocar Samba Dièye ne demande pas l’aumône : il réclame justice et équité. Son combat est celui de tous les Sénégalais qui croient encore en un système financier au service du développement, et non de la prédation. Le président Bassirou Diomaye Faye a l’opportunité historique de rompre avec ces pratiques. L’enjeu n’est pas seulement économique, mais aussi moral : un pays qui abandonne ses entrepreneurs abandonne son avenir.
L’affaire Bocar Samba Dièye est bien plus qu’un différend commercial. Elle est le miroir d’un système financier sénégalais en crise, où l’arbitraire l’emporte sur le droit, où les banques dictent leur loi, et où l’État reste spectateur. Sans réaction forte, c’est toute la crédibilité du Sénégal qui est en jeu. Il est temps de choisir : continuer à laisser les entrepreneurs se débattre seuls, ou bâtir un système juste, transparent et protecteur. La balle est dans le camp du pouvoir.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Souleymane Ba.
Mis en ligne : 16/09/2025
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