Chasse à la famille Sall : L'obsession qui divise le Sénégal - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 18/09/2025 12:09:00

Chasse à la famille Sall : L'obsession qui divise le Sénégal

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Le journal Libération révèle qu’une information judiciaire a été ouverte contre Aliou Sall, frère de l’ancien président Macky Sall, à la suite d’une enquête de la Centif (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières) demandée par le parquet financier en août 2025. Cette procédure, liée à des dossiers impliquant le vendeur de véhicules Mahmadane Sarr, s’inscrit dans une série de poursuites ciblant systématiquement les proches de l’ex-chef de l’État. Si la lutte contre la corruption est légitime, la manière dont elle est menée aujourd’hui interroge : cette traque acharnée contre une famille, souvent présentée comme une vengeance politique, risque de diviser davantage un pays déjà fragilisé par des années de tensions.

Plutôt que de se concentrer sur la reconstruction et le développement, le nouveau régime semble préférer cultiver la rancœur et la division. À lire les commentaires et les réactions, on mesure l’ampleur de la haine qui gangrène désormais le débat public. Une telle dérive est non seulement abjecte, mais surtout contre-productive pour le Sénégal.

Depuis la fin du mandat de Macky Sall, plusieurs membres de sa famille font l’objet d’enquêtes ou de poursuites judiciaires. Son fils Amadou Sall est visé pour des affaires de détournement présumé de fonds publics, tout comme d’anciens ministres et proches collaborateurs. Mahmadane Sarr, lui, a été incarcéré pour avoir perçu plus de 14 milliards de FCFA entre 2020 et 2023 dans le cadre de contrats de location de véhicules de luxe avec l’État, sous le régime de Macky Sall. Ces affaires, réelles ou supposées, sont instrumentalisées pour alimenter une chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom.

La Centif, dont la mission est de lutter contre le blanchiment et les transactions suspectes, voit son indépendance régulièrement remise en cause. Certains y voient un outil au service du pouvoir actuel, utilisé pour régler des comptes politiques plutôt que pour rendre une justice impartiale. Le timing des enquêtes, leur médiatisation spectaculaire, et l’absence de poursuites similaires contre d’autres personnalités issues d’autres régimes, renforcent cette impression d’une justice à deux vitesses.

Plutôt que de s’attaquer aux vrais défis du pays chômage, pauvreté, éducation, santé, les autorités actuelles semblent obsédées par la traque des « anciens ». Cette obsession a un coût : elle polarise la société, attise les tensions communautaires et détourne l’attention des priorités nationales. Les Sénégalais, las des promesses non tenues, voient leurs espoirs de changement se transformer en spectacle judiciaire permanent.

Les réseaux sociaux et les médias regorgent de commentaires haineux, de règlements de comptes, de théories du complot. Le pays, autrefois cité en exemple pour sa stabilité démocratique, glisse vers une culture de la dénonciation et de la suspicion généralisée. À force de focaliser sur le passé, on oublie l’essentiel : le travail, la création de richesses, l’unité nationale.

Les affaires visant la famille Sall interviennent dans un contexte de transition politique tendue. L’abrogation de la loi d’amnistie votée en 2024, les déclarations de responsables politiques promettant des « comptes à rendre », tout cela sent la vengeance plus que la quête de vérité. Quand la justice devient un instrument de pouvoir, elle perd sa crédibilité et sa légitimité.

Les Sénégalais, déjà éprouvés par des années de crise économique et sociale, n’ont pas besoin de cette surenchère de haine. Les commentaires en ligne, les insultes, les appels à la violence montrent à quel point cette stratégie divise et affaiblit le tissu social. Un pays qui se déchire ne construit rien.

Pendant que l’on traque Aliou Sall ou Mahmadane Sarr, les problèmes structurels du Sénégal, chômage des jeunes, déficit d’infrastructures, corruption endémique restent entiers. Le temps et les ressources consacrés à ces affaires pourraient être mieux utilisés pour améliorer le quotidien des citoyens.

En ciblant systématiquement une famille, on ouvre la voie à une justice arbitraire, où chacun pourrait un jour devenir la cible de représailles politiques. Où est la garantie que demain, ce ne sera pas le tour d’une autre famille, d’un autre clan ?

Dans plusieurs pays africains, les transitions politiques ont été marquées par des règlements de comptes judiciaires (Gabon, Burkina Faso, Tunisie). Résultat : des sociétés fracturées, des économies en berne, et une défiance généralisée envers les institutions. Le Sénégal, souvent présenté comme une exception démocratique, risque de tomber dans le même piège.

En Côte d’Ivoire, après la crise post-électorale de 2010, la justice a été utilisée comme arme politique, avec des conséquences désastreuses pour la cohésion nationale. Au Gabon, la famille Bongo a été traquée après la chute du régime, sans que cela n’améliore pour autant la vie des Gabonais. Le Sénégal mérite mieux que ce scénario.

La lutte contre la corruption est nécessaire, mais elle doit être juste, transparente et équitable. Cibler une famille, alimenter la haine, et transformer la justice en tribunal politique, c’est trahir l’esprit de la démocratie et les attentes des Sénégalais.

Plutôt que de cultiver la division, le nouveau pouvoir ferait mieux de se concentrer sur l’essentiel : créer des emplois, améliorer les services publics, restaurer la confiance. Le Sénégal a besoin de réconciliation, pas de vengeance. Le vrai progrès ne viendra pas de la traque des « anciens », mais du travail, de l’unité, et d’une vision commune pour l’avenir.

La bassesse de cette chasse aux sorcières ne grandit personne. Elle ne fait que révéler la petitesses de ceux qui la mènent et le danger qu’ils font courir à tout un pays. Travail, dignité, respect : voici les valeurs qui doivent guider l’action publique, pas la haine. Le Sénégal mérite mieux.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Diop.
Mis en ligne : 18/09/2025

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