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Ce samedi 13 septembre 2025, une fourgonnette transportant des bouteilles de gaz a pris feu à HLM Grand-Yoff, provoquant une série d’explosions qui ont semé la panique dans ce quartier dense de Dakar. Si l’incident n’a heureusement fait qu’un blessé léger, il révèle une réalité alarmante : le transport de gaz en milieu urbain reste un danger public, toléré par l’absence de réglementation stricte et de contrôles efficaces.
Malgré les risques connus, les autorités ferment les yeux sur des pratiques qui mettent en péril la vie des citoyens. Combien de drames faudra-t-il pour que des mesures concrètes soient enfin prises ?
Le transport de bouteilles de gaz dans des véhicules non adaptés est une pratique courante au Sénégal, notamment dans les zones urbaines où la demande est forte. Pourtant, les règles de sécurité élémentaires, comme l’arrimage des bouteilles, leur transport en position verticale ou l’utilisation de véhicules spécialisés sont rarement respectées. Les accidents liés à ce type de transport ne sont pas rares : en 2024, une pénurie de bouteilles de gaz butane avait déjà été enregistrée à Dakar, en partie à cause du retrait systématique de bonbonnes défectueuses après des incidents similaires.
En Afrique de l’Ouest, les exemples tragiques se multiplient : en 2024, un camion transportant du gaz a explosé au Nigeria, faisant plus de 140 morts, après que des habitants eurent tenté de récupérer du carburant fuyant. En Afrique du Sud, un accident similaire avait causé 34 morts en 2023, révélant les mêmes lacunes en matière de prévention et de gestion des risques.
Au Sénégal, la réglementation existe sur le papier, le Code pétrolier et les lois sur les hydrocarbures encadrent en théorie le transport et le stockage des produits inflammables. Pourtant, leur application laisse à désirer. Les contrôles routiers sont insuffisants, les sanctions inexistantes, et les acteurs du secteur (distributeurs, transporteurs, commerçants) agissent souvent en toute impunité. Les bouteilles sont entassées dans des fourgonnettes sans protection, transportées à l’horizontale, et circulent dans des quartiers où écoles, centres de santé et habitations se côtoient. À Grand-Yoff, l’incendie s’est produit à proximité d’un centre pour enfants handicapés et d’un hôpital, illustrant l’absurdité d’une telle négligence.
L’accident de Grand-Yoff n’est pas un cas isolé, mais le symptôme d’un système défaillant. Plusieurs éléments expliquent cette situation. L’absence de contrôles rigoureux : les véhicules transportant du gaz ne sont pas systématiquement inspectés, et les infractions (surcharge, mauvais arrimage, absence de séparation entre l’habitacle et les bouteilles) restent sans conséquence. En France, par exemple, la réglementation impose des normes strictes pour le transport de matières dangereuses, incluant des systèmes de fixation adaptés et des limites de quantité. Au Sénégal, ces règles sont soit inconnues, soit ignorées.
L’improvisation des services d’urgence : les sapeurs-pompiers, malgré leur réactivité, manquent souvent de matériel adapté pour intervenir sur des incendies impliquant du gaz. À HLM Grand-Yoff, il a fallu plus d’une heure et l’intervention d’une deuxième équipe pour maîtriser les flammes, un délai inacceptable dans un quartier aussi peuplé.
La banalisation du risque : les citoyens, les transporteurs et même les autorités semblent avoir intégré l’idée que ces accidents sont inévitables. Pourtant, des solutions existent : formation des chauffeurs, campagnes de sensibilisation, et surtout, application stricte des lois. En Europe, le transport de bouteilles de gaz est soumis à des protocoles précis (position verticale, quantité limitée, véhicule aménagé), réduisant considérablement les risques.
L’inaction des pouvoirs publics : malgré les drames répétés, aucune campagne nationale de contrôle ou de prévention n’a été lancée. Les projets d’arrêtés ministériels, comme celui sur l’interchangeabilité des bouteilles, traînent depuis des années, bloqués par des intérêts économiques ou des lenteurs administratives.
Un danger permanent pour les populations : les explosions de gaz ne font pas seulement des blessés – elles détruisent des vies, des biens, et créent un climat d’insécurité. À HLM Grand-Yoff, la chance a voulu qu’il n’y ait pas de victimes graves. Mais jusqu’à quand ?
Un manque de responsabilité collective : les transporteurs, les distributeurs et les autorités partagent une responsabilité dans ce laxisme. Les premiers prennent des risques inutiles, les seconds ferment les yeux, et les troisièmes ne sanctionnent pas.
Des solutions simples et connues : renforcer les contrôles routiers, interdire le transport de gaz dans des véhicules non adaptés, et sanctionner les contrevenants coûteraient bien moins cher que de gérer les conséquences d’un drame.
Chaque accident évité est une vie sauvée. Les exemples du Nigeria, de l’Afrique du Sud ou de la France montrent que les pays qui prennent le problème au sérieux réduisent significativement le nombre de victimes.
L’incendie de Grand-Yoff doit servir de déclic. Le Sénégal ne peut plus se permettre de tolérer des pratiques qui mettent en danger ses citoyens. Il est urgent de : appliquer strictement la réglementation existante et sanctionner les contrevenants, former et équiper les services d’urgence pour qu’ils puissent intervenir rapidement et efficacement, sensibiliser le public aux dangers du gaz et aux gestes de sécurité, et investir dans des infrastructures de transport sûres et moderniser le parc de bouteilles.
Les autorités ont le devoir de protéger les citoyens. Combien de fois faudra-t-il que des bouteilles explosent, que des quartiers soient évacués, que des vies soient brisées, pour que des mesures soient enfin prises ? Le temps des excuses est révolu : il faut agir, avant que le prochain accident ne soit bien plus grave.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Diarra Bousso.
Mis en ligne : 18/09/2025
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