9 ans d’attente pour une justice trop légère : Scandale du crash Sénégal Air - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Eva | Publié le 19/09/2025 08:09:00

9 ans d’attente pour une justice trop légère : Scandale du crash Sénégal Air

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Neuf ans. Neuf longues années après la disparition tragique d’un avion sanitaire de Sénégal Air, sept vies brisées, des familles en deuil, et enfin… un procès. Les Échos nous apprennent que quatre cadres de l’aviation civile ont comparu en juillet dernier, après des renvois à répétition. Résultat ? Un seul relaxé, les autres risquent deux ans de prison ferme et une amende de 12 millions de FCFA. Le procureur a parlé de « laxisme coupable », de signaux d’alerte ignorés, d’une compagnie sans locaux fonctionnels au moment du drame. Mais où est la justice ? Où est la fermeté ? Quand on lit ces lignes, une colère sourde monte : ce verdict est une insulte à la mémoire des victimes et une preuve de plus que, tant qu’on ne mettra pas fin à l’impunité et au laxisme, ce genre de drame pourra se reproduire. C’est ça, la vraie peur.

Le 5 septembre 2015, un Hawker Siddeley HS-125 de Sénégal Air, en provenance de Ouagadougou, entre en collision avec un Boeing 737 de la compagnie équato-guinéenne Ceiba Intercontinental. Bilan : sept morts, aucun survivant. L’enquête révèle des failles techniques et administratives abyssales : un avion dont les altimètres défaillants avaient déjà déclenché des alarmes, une compagnie en faillite économique, des procédures de maintenance bafouées, et des autorités de régulation sourdes aux alertes. Pire, le rapport du Bureau d’enquête et d’analyse (BEA) souligne que l’équipage n’a pas respecté le niveau de vol assigné, et que des anomalies majeures étaient connues bien avant le crash. Des audits avaient même recommandé une inspection technique urgente… neuf jours avant l’accident. Mais rien. Silence radio. Comme d’habitude.

Et Ceiba Intercontinental dans tout ça ? Le Boeing 737, légèrement endommagé, a pu atterrir sans encombre. La compagnie a réparé, remis en service, et continué ses vols comme si de rien n’était. Aucune sanction internationale, aucune poursuite en Guinée équatoriale. Juste un nouveau crash, en 2024, où un de ses appareils a encore frôlé la catastrophe à Malabo. L’impunité, décidemment, n’a pas de frontières.

Le procureur a raison : il ne s’agit pas de chercher des boucs émissaires, mais de pointer un système pourri jusqu’à la moelle. Les quatre prévenus, anciens hauts responsables de l’Anacim (l’Autorité de l’aviation civile), se renvoient la balle : c’est la faute à Sénégal Air, c’est la faute à l’Asecna (l’agence régionale de sécurité aérienne), c’est la faute à tout le monde sauf à eux. Pourtant, les faits sont têtus :

La compagnie volait avec des appareils défectueux, des licences obtenues dans l’urgence, et des équipes sous-qualifiées. Les inspecteurs savaient. Les auditeurs savaient. Les pilotes savaient. Personne n’a agi.

Le plus scandaleux ? Le verdict requis : deux ans de prison ferme. Deux ans pour sept vies, pour des années de négligence, pour un accident qui aurait pu être évité. En Europe ou aux États-Unis, des peines bien plus lourdes seraient tombées. Mais au Sénégal, on tergiverse, on renvoie, on minimise. Et quand enfin la justice se décide à parler, c’est pour murmurer.

En Afrique, les accidents aériens se répètent, souvent pour les mêmes raisons : manque de moyens, corruption, absence de contrôles indépendants. La République démocratique du Congo, championne triste des crashs, en est un exemple frappant. Entre 2014 et 2024, plus de 1 600 accidents aériens ont été recensés sur le continent. Plus de la moitié des compagnies interdites de voler en Europe sont africaines. Et pour cause : les normes de sécurité y sont trop souvent des coquilles vides, les régulations des leurres, et les responsables des fantômes.

Prenez Air Algérie, Swiftair, ou encore les multiples compagnies nigérianes ou congolaises : mêmes schémas, mêmes drames. Des avions cloués au sol en Europe volent encore en Afrique. Des pilotes non formés, des maintenance bâclées, des contrôles truqués. Et quand un accident survient, on pleure, on promet des réformes, puis on oublie. Jusqu’au prochain crash.

Le Sénégal, pourtant souvent cité en exemple pour sa stabilité, n’échappe pas à la règle. Son Plan national pour la sécurité de l’aviation (PNSA) 2024-2026 existe, mais à quoi sert un plan si les responsables ne sont jamais tenus pour responsables ?

Ce verdict est un aveu d’échec. Il montre que, malgré les drames, rien ne change. Les familles des victimes de Sénégal Air attendront encore. Les passagers des compagnies africaines continueront de monter à bord en priant. Et les responsables, eux, dormiront sur leurs deux oreilles.

La vraie question n’est pas de savoir qui est coupable. Elle est de savoir quand, enfin, l’Afrique mettra un terme à cette culture de l’impunité. Quand les peines seront à la hauteur des crimes. Quand les contrôles seront réels, les sanctions exemplaires, et la sécurité une priorité absolue.

En attendant, une certitude : tant que le laxisme et l’impunité régneront, le prochain crash n’est qu’une question de temps. Et cette fois, ce pourraient être vos proches à bord. Alors oui, ayons peur. Mais transformons cette peur en colère, et cette colère en action. Car sept vies valent bien plus que deux ans de prison et 12 millions de FCFA.

La vraie peur, ce n’est pas de voler. C’est de savoir que personne ne fera rien pour éviter le prochain drame.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Fall.
Mis en ligne : 19/09/2025

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