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L’ouverture d’une information judiciaire contre Aliou Sall, frère de l’ancien président Macky Sall, a fait grand bruit. Selon le journal Libération, cette procédure fait suite à une enquête de la Centif (Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières), liée à des dossiers impliquant le vendeur de véhicules Mahmadane Sarr, déjà incarcéré pour des contrats de location de voitures de luxe à l’État sénégalais estimés à plus de 14 milliards de FCFA entre 2020 et 2023.
Si l’ouverture d’une telle enquête peut sembler une avancée pour la transparence, l’histoire judiciaire récente du Sénégal invite à la prudence : et si cette information judiciaire n’était qu’un procès pour rien, condamné à se solder par un non-lieu, comme tant d’autres affaires sensibles avant elle ?
L’affaire Aliou Sall s’inscrit dans un contexte de suspicion généralisée envers les proches des anciens dirigeants. Mahmadane Sarr, dont le nom est associé à celui d’Aliou Sall, a été placé sous mandat de dépôt pour avoir perçu des sommes colossales de l’État, sans que les justificatifs fournis n’aient convaincu les enquêteurs. Les contrats en question, impliquant des véhicules haut de gamme loués à des institutions publiques, soulèvent des questions sur l’opacité des procédures et l’absence de contrôles rigoureux sous le régime de Macky Sall. Pourtant, malgré la gravité des faits reprochés à Mahmadane Sarr, la justice sénégalaise peine à aboutir dans des dossiers similaires, souvent en raison de preuves insuffisantes ou de stratégies dilatoires.
L’information judiciaire contre Aliou Sall, confiée au juge du 3e cabinet financier, reste floue : quels sont exactement les faits qui lui sont reprochés ? Les sources disponibles ne précisent pas les charges retenues, mais évoquent une possible implication dans des transactions suspectes. Or, comme le souligne un observateur, « en jugement, ils seront relaxés faute de preuve ». Cette remarque résume le scepticisme ambiant : la Centif et le parquet financier risquent-ils d’être instrumentalisés à des fins politiques, sans garantie de résultats concrets ?
Les exemples ne manquent pas. L’affaire Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, accusé d’enrichissement illicite pour un patrimoine estimé à plus de 694 milliards de FCFA, s’est soldée par une condamnation en 2015, suivie d’une grâce présidentielle en 2016. Malgré des années d’enquête et des promesses de récupération des biens mal acquis, le bilan reste mitigé : seulement 50 milliards de FCFA auraient été recouvrés, selon les autorités. Pire, l’affaire des « 94 milliards », impliquant d’anciens dignitaires, traîne sans conclusion claire, illustrant la difficulté à faire aboutir les procédures contre les personnalités influentes.
Plusieurs éléments laissent craindre un classement sans suite. D’abord, les stratégies de défense d’Aliou Sall ne manqueront pas : influence politique, pression sur les témoins, procédures dilatoires. Ensuite, l’expérience montre que les affaires judiciaires sensibles au Sénégal sont souvent étouffées ou classées sans suite, faute de preuves solides ou sous l’effet de compromis politiques. Enfin, la justice sénégalaise, bien que parfois volontaire, se heurte à des obstacles structurels : manque de moyens, pression des élites, et parfois, une volonté politique fluctuante.
La situation rappelle celle d’autres pays africains, où les informations judiciaires contre des proches du pouvoir se terminent souvent par des non-lieux ou des relaxes. Au Mali, un militant innocenté par la justice reste incarcéré, montrant comment les procédures peuvent être détournées. En Guinée équatoriale, la justice française a rejeté une requête dans l’affaire des « biens mal acquis », soulignant la difficulté à faire triompher l’État de droit face aux puissants.
L’affaire Aliou Sall, à l’image de tant d’autres, semble condamnée à l’échec dès le départ. Sans preuves irréfutables et sans volonté politique constante, la justice sénégalaise risque de s’enliser dans un nouveau feuilleton judiciaire, alimentant la défiance des citoyens. Si l’ouverture d’une information judiciaire est un signal fort, elle ne suffira pas à rétablir la confiance : il faut des actes, des condamnations exemplaires, et une transparence totale. Sinon, cette procédure ne sera qu’un procès pour rien, de plus.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Idy Sall.
Mis en ligne : 19/09/2025
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