La SN HLM exclut les plus pauvres : Logements sociaux hors de portée - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 20/09/2025 02:09:15

La SN HLM exclut les plus pauvres : Logements sociaux hors de portée

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La Société nationale des Habitations à Loyer Modéré (SN HLM) a récemment annoncé une série de mesures visant à rendre l’accès au logement plus abordable pour les Sénégalais. Parmi celles-ci, le programme des 400 logements de Bambilor, proposés à partir de 22 millions de FCFA pour des F3, avec des mensualités comprises entre 70 000 et 90 000 FCFA, et une éligibilité ouverte aux ménages percevant un salaire mensuel de 400 000 FCFA.

Si ces annonces peuvent sembler encourageantes, une analyse plus approfondie révèle qu’elles ciblent en réalité une classe moyenne supérieure, excluant de fait les populations les plus défavorisées. Ce programme, loin de résoudre la crise du logement, risque d’aggraver les inégalités et de créer des ghettos de « pauvres solvables ».

Le Sénégal fait face à un déficit criant en logements abordables, avec une demande toujours croissante, notamment dans les zones urbaines comme Dakar. Le salaire moyen au Sénégal s’élève à environ 100 000 FCFA par mois, et le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est fixé à 58 900 FCFA. Dans ce contexte, un seuil d’éligibilité fixé à 400 000 FCFA mensuels est clairement hors de portée pour la majorité des Sénégalais. Les travailleurs informels, les petits commerçants et les employés précaires, qui forment l’écrasante majorité de la population active, sont ainsi exclus d’office de ce programme.

Les annonces de la SN HLM s’inscrivent dans une longue série de promesses gouvernementales en matière de logement social, souvent restées lettre morte. Par le passé, des programmes similaires ont échoué à atteindre leurs objectifs, en raison de coûts trop élevés, de critères d’éligibilité restrictifs ou de problèmes de gestion. Le programme actuel ne semble pas échapper à cette logique.

Le programme de Bambilor, présenté comme une avancée majeure, repose sur des mensualités de 70 000 à 90 000 FCFA, soit près de la moitié du salaire moyen des ménages éligibles. Pour les familles gagnant 100 000 ou 150 000 FCFA par mois, ces mensualités représentent un effort financier insoutenable, les condamnant à rester locataires ou à vivre dans des habitats précaires. Pire encore, ces logements risquent d’être accaparés par des fonctionnaires ou des investisseurs, plutôt que par les populations vraiment dans le besoin.

De plus, la localisation de ces logements, souvent en périphérie des grandes villes, pose la question de l’accès aux services publics et aux infrastructures de base. Sans transports en commun efficaces, sans écoles ni centres de santé à proximité, ces nouveaux quartiers pourraient rapidement se transformer en ghettos, coupés du reste de la ville et dépourvus de mixité sociale. Cette situation rappelle celle observée dans certaines banlieues de grandes métropoles françaises, où des programmes de logements sociaux concentrés ont créé des quartiers isolés, sans véritable intégration urbaine.

Enfin, l’accent mis sur les « innovations » de construction (maisons préfabriquées, production de masse) soulève des interrogations sur la qualité et la durabilité des logements proposés. Si ces méthodes permettent de réduire les coûts, elles ne garantissent pas un cadre de vie décent pour les acquéreurs, ni une intégration harmonieuse dans le tissu urbain.

Contrairement au programme de la SN HLM, certains pays ont réussi à concevoir des politiques de logement social réellement inclusives. Par exemple, au Brésil, le programme « Minha Casa Minha Vida » a été pensé pour les familles à très faibles revenus, avec des critères d’éligibilité adaptés, des subventions étatiques et des financements modulés selon le revenu. Les logements sont intégrés dans des quartiers avec écoles, transports et infrastructures de base, favorisant la mixité sociale et l’accès équitable aux services. Cette expérience démontre qu’il est possible de proposer un logement abordable aux populations les plus défavorisées tout en garantissant la qualité de vie et l’intégration urbaine.

Avec un salaire moyen de 100 000 FCFA et un SMIG à 58 900 FCFA, le critère de 400 000 FCFA mensuels exclut d’emblée la grande majorité des Sénégalais. Les ménages les plus modestes, qui sont pourtant les plus touchés par la crise du logement, sont une fois de plus laissés pour compte.

Les logements sociaux, censés profiter aux populations défavorisées, sont souvent détournés au profit de catégories plus aisées. En Afrique subsaharienne, les politiques de logement social ont presque toujours bénéficié aux classes moyennes et supérieures, au détriment des plus pauvres. Rien ne garantit que le programme de la SN HLM échappera à cette tendance.

En ciblant uniquement les ménages « solvables », ce programme risque de créer des quartiers homogènes, sans diversité sociale ni économique. Or, une ville équilibrée a besoin de mixité pour éviter la marginalisation et l’exclusion.

Des alternatives ignorées : Plutôt que de miser sur des logements standardisés et coûteux, pourquoi ne pas soutenir les coopératives d’habitants, l’autoconstruction encadrée ou les microcrédits pour les populations les plus pauvres ? Ces solutions, plus adaptées aux réalités locales, permettraient de toucher un public bien plus large.

Le programme de la SN HLM, tel qu’il est conçu, ne répond pas aux besoins réels des Sénégalais. Il s’agit davantage d’une opération de communication que d’une véritable solution à la crise du logement. Pour être efficace, une politique du logement social doit être inclusive, accessible et adaptée aux réalités économiques de la population.

Il est urgent de repenser cette approche : baisser les seuils d’éligibilité, favoriser les solutions participatives et communautaires, et garantir un accès équitable aux services publics. Sans cela, le Sénégal risque de reproduire les erreurs du passé, en laissant les plus pauvres sur le bord du chemin.

Il est temps d’exiger une politique du logement qui place les plus défavorisés au cœur de ses priorités. Les pouvoirs publics doivent revoir leurs critères, impliquer les communautés locales dans la conception des projets, et garantir que chaque Sénégalais, quel que soit son revenu, ait accès à un logement décent. Le droit au logement ne doit pas être un privilège, mais une réalité pour tous.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Souleymane Guissé.
Mis en ligne : 19/09/2025

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