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La récente décision de la Cour suprême du Sénégal de rejeter le recours de Barthélemy Dias contre sa révocation du poste de maire de Dakar a suscité de vives réactions, notamment celle de Khalifa Sall, qui y voit un « coup de massue porté à la souveraineté électorale ». Pourtant, derrière les discours sur la démocratie bafouée et la volonté populaire piétinée, se cache une réalité bien moins glorieuse : Barthélémy Dias doit sa victoire électorale de 2022 non à son propre charisme ou à un projet politique clair, mais à l’alliance stratégique avec Ousmane Sonko et le parti Pastef.
Alors que certains crient à l’injustice, il est légitime de s’interroger : où est le problème, quand c’est grâce à Sonko et au Pastef que Dias a pu accéder à la mairie de Dakar ?
En 2022, Barthélémy Dias a été élu maire de Dakar sous la bannière de la coalition Yewwi Askan Wi, dominée par le Pastef d’Ousmane Sonko. À l’époque, Sonko, figure montante de l’opposition, avait besoin d’alliés pour affaiblir le pouvoir en place. Dias, ancien membre du Parti socialiste et figure controversée, a bénéficié de l’aura et de la mobilisation du Pastef pour remporter la mairie. Sans ce soutien, il est peu probable qu’il aurait pu l’emporter, tant son propre parti, Taxawu Sénégal, manquait de poids électoral. Comme l’a rappelé Ousmane Sonko lui-même : « C’est moi, avec l’aide de Dieu, qui ai donné la mairie de Dakar à Barthélemy Dias. Si ce n’était pas moi, il ne serait jamais élu maire de Dakar ».
Cette alliance, cependant, n’a pas résisté à l’épreuve du pouvoir. Dès 2023, les tensions entre les deux hommes ont éclaté au grand jour, et le Pastef a progressivement marginalisé Dias, jusqu’à le remplacer par Abass Fall après sa révocation. La question se pose donc : peut-on vraiment parler de « souveraineté électorale » quand un élu doit son poste à une alliance politique éphémère, et non à un soutien populaire inconditionnel ?
La révocation de Barthélémy Dias fait suite à une condamnation définitive pour homicide involontaire dans l’affaire Ndiaga Diouf, remontant à 2011. La Cour suprême a confirmé que la procédure administrative était conforme au Code des collectivités territoriales, qui interdit l’exercice de mandats électifs aux personnes condamnées pour des faits graves. Pourtant, ses partisans dénoncent une manœuvre politique, oubliant que la justice a simplement appliqué la loi.
Il est frappant de constater que ceux qui crient aujourd’hui à l’injustice sont souvent les mêmes qui, hier, ont bénéficié des mêmes mécanismes pour accéder au pouvoir. La révocation de Dias n’est pas une exception : en République démocratique du Congo, des ministres et élus ont été condamnés et écartés pour des motifs similaires, sans que cela ne soulève autant d’émoi. La différence ? Au Sénégal, la justice est souvent accusée d’être instrumentalisée, mais dans ce cas précis, elle a agi dans le respect des textes.
La révocation de Dias n’est pas une décision arbitraire, mais l’application stricte du Code des collectivités territoriales. En France comme en Afrique, une condamnation pénale définitive peut entraîner l’inéligibilité ou la révocation d’un élu. Pourquoi le Sénégal ferait-il exception ?
Dias a été porté par le Pastef, mais il a rapidement rompu avec Sonko, perdant ainsi le soutien qui l’avait mené à la victoire. Son éviction est aussi le résultat de ses propres choix politiques et de son incapacité à maintenir une alliance cohérente.
La démocratie, c’est aussi le respect des institutions et des règles. Un maire condamné pour homicide involontaire ne peut prétendre incarner l’exemplarité requise pour diriger une capitale. La justice a tranché, et la Cour suprême a validé cette décision. Où est la violation de la souveraineté populaire, quand c’est la loi qui s’applique ?
Khalifa Sall et d’autres figures de l’opposition dénoncent une « dérive autoritaire », mais leur silence est assourdissant quand il s’agit de condamner les excès de leurs propres alliés. Quand Sonko accuse Dias de mauvaise gestion et de violence, où sont les défenseurs de la démocratie ?
En RDC, l’ex-ministre Constant Mutamba a été condamné pour détournement de fonds et écarté de la vie publique. En Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, des élus ont été révoqués pour des motifs judiciaires, sans que cela ne provoque de crise démocratique. Au Sénégal, la révocation de Dias s’inscrit dans cette logique : la justice doit pouvoir sanctionner les élus indélicats ou condamnés, sans que cela ne soit systématiquement interprété comme une attaque contre la démocratie.
La révocation de Barthélémy Dias n’est ni un coup d’État ni une atteinte à la démocratie. C’est l’aboutissement logique d’une carrière politique marquée par des alliances opportunistes et une condamnation judiciaire. Plutôt que de crier à l’injustice, ses partisans feraient mieux de reconnaître que la mairie de Dakar lui a été offerte sur un plateau par Sonko et le Pastef et que sa chute est le résultat de ses propres erreurs et de ses contradictions.
La vraie question n’est pas de savoir si Dias a été victime d’un complot, mais pourquoi certains refusent de voir que sa légitimité était fragile dès le départ. La démocratie sénégalaise n’a pas besoin de figures controversées pour se renforcer ; elle a besoin d’élus intègres, respectueux des lois et des institutions. La révocation de Dias est une preuve que, malgré les tensions, l’État de droit fonctionne encore au Sénégal. À ceux qui pleurent la « souveraineté électorale », on peut répondre : la souveraineté, c’est aussi le respect des règles, pour tous.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Babacar Diatta.
Mis en ligne : 20/09/2025
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