Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
L’actualité nous rappelle, une fois de plus, à quel point la gestion des deniers publics peut déraper. Une vaste affaire de détournement présumé secoue le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique : un marché public de plusieurs milliards de francs CFA, destiné au Parc des Technologies Numériques (PTN) de Diamniadio, aurait été intégralement payé par l’État… sans jamais être exécuté.
Les interpellations se multiplient, les responsabilités se diluent, et pendant ce temps, c’est tout un pan de l’avenir économique et technologique du Sénégal qui est hypothéqué. Face à ce scandale, il est temps de dire haut et clair : ces fonds volés, c’est l’emploi des jeunes, la crédibilité du pays et la confiance des investisseurs que l’on sacrifie sur l’autel de l’impunité.
Le numérique est souvent présenté comme le levier du développement africain, un secteur porteur d’emplois, d’innovation et de croissance. Au Sénégal, le PTN de Diamniadio devait incarner cette ambition : un hub technologique moderne, un pôle d’attraction pour les talents et les investisseurs. Pourtant, à en croire les révélations de L’Observateur, les milliards destinés à ce projet ont disparu dans les méandres de l’administration, sans laisser de trace tangible.
Pire, cette affaire n’est pas un cas isolé. Selon le dernier Indice de perception de la corruption de Transparency International, l’Afrique subsaharienne reste marquée par une stagnation alarmante dans la lutte contre la corruption, avec des ressources publiques détournées au détriment des services essentiels et des infrastructures d’avenir. Quand l’argent du numérique est détourné, c’est toute une génération qui paie le prix fort.
Le secteur numérique est l’un des rares à offrir des perspectives aux jeunes Sénégalais, dans un pays où le chômage des moins de 30 ans frôle les 20 %. Chaque milliard détourné, c’est des centaines d’emplois directs et indirects qui ne verront jamais le jour : développeurs, ingénieurs, entrepreneurs, formateurs. Le PTN devait être un vivier d’opportunités ; il est devenu le symbole d’un gâchis collectif. Comment expliquer à un jeune diplômé en informatique que les fonds destinés à créer son emploi ont servi à enrichir une poignée de responsables ?
Aucun investisseur sérieux ne s’engage dans un pays où les règles du jeu sont bafouées. Les marchés publics truqués, les fonds publics volatilisés et l’impunité des élites envoient un message clair : au Sénégal, les contrats ne sont pas sacrés, et l’État lui-même ne respecte pas ses engagements. Dans un contexte où la concurrence est féroce entre les pays africains pour attirer les capitaux étrangers, surtout dans les secteurs high-tech, une telle réputation est une condamnation à moyen terme. Les entreprises internationales, déjà méfiantes, préféreront se tourner vers des destinations plus sûres, là où la transparence et l’État de droit sont garantis.
Le numérique n’est pas un luxe : c’est un accélérateur de productivité pour tous les secteurs, de l’agriculture à la santé. Quand les infrastructures technologiques ne se réalisent pas, c’est toute l’économie qui en pâtit. Les start-up locales manquent de soutien, les PME peinent à se digitaliser, et le pays reste à la traîne dans la révolution industrielle du XXIe siècle. À force de détournements, le Sénégal risque de rater le coche de la transformation numérique, alors que des pays comme le Rwanda ou le Kenya misent tout sur ce secteur pour leur décollage économique.
Les interpellations d’Amy Samaké et d’Hélène Ndoukité Diouf sont une première étape, mais insuffisante. Si les enquêteurs confirment que ces actes ont été commis « sur instructions », la justice doit remonter jusqu’aux véritables décideurs, qu’ils soient ministres, maires ou hauts fonctionnaires. Les Sénégalais n’accepteront plus que les « petits » paient pour les « gros ». Il est temps que les responsables politiques assument leurs actes devant les tribunaux, sans échappatoire.
Comment éviter que de tels scandales ne se reproduisent ? En instaurant des mécanismes de contrôle indépendants, en publiant systématiquement les rapports d’audit, et en protégeant les lanceurs d’alerte. Les marchés publics doivent être ouverts à la lumière du jour, avec des appels d’offres truly concurrents et des sanctions exemplaires en cas de fraude.
Les nouvelles autorités ont lancé l’enquête, c’est une bonne chose. Mais il ne suffit pas de communiquer sur la « tolérance zéro » : il faut des résultats. Que les noms des responsables soient rendus publics, que les fonds détournés soient récupérés, et que des garanties soient données pour que l’argent du PTN serve enfin à ce pour quoi il était destiné. Sinon, la défiance des citoyens et des investisseurs ne fera que grandir.
Cette affaire est bien plus qu’un simple scandale : c’est un test pour l’avenir du Sénégal. Soit le pays tourne la page de l’impunité et se donne les moyens de devenir une véritable nation numérique, soit il s’enlise dans les vieilles habitudes, au risque de voir ses jeunes talents partir et ses investisseurs fuir.
Aux autorités, nous disons : montrez que cette fois, ça change. Aux citoyens, nous rappelons : la vigilance est notre meilleure arme. Le numérique est une chance historique pour le Sénégal. Ne laissons pas une poignée d’irresponsables en décider autrement.
Il faut exiger des comptes. Signons des pétitions, soutenons les médias indépendants, faisons pression pour que la justice aille jusqu’au bout. L’avenir numérique du Sénégal ne se jouera pas dans les bureaux climatisés des corrompus, mais dans les laboratoires, les écoles et les entreprises. À nous de choisir quel Sénégal nous voulons laisser aux générations futures : celui des détournements… ou celui de l’innovation.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Khadim Dia.
Mis en ligne : 21/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





