Pourquoi Pape Mahawa Diouf, et pas les autres ? : Justice sélective de l’ASER - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Société | Par Eva | Publié le 22/09/2025 09:09:15

Pourquoi Pape Mahawa Diouf, et pas les autres ? : Justice sélective de l’ASER

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L’Agence Sénégalaise d’Électrification Rurale (ASER) a récemment déposé une plainte pour diffamation contre Pape Mahawa Diouf, après ses déclarations sur un prétendu détournement de 37 milliards de francs CFA lors de l’émission Faram Facce. Si l’institution se défend en invoquant la gravité des accusations, une question persiste : pourquoi Pape Mahawa Diouf, et pas les autres ? En effet, les critiques envers l’ASER ne datent pas d’hier, et d’autres voix se sont élevées sans déclencher de réaction judiciaire aussi promptement.

Cette affaire révèle une stratégie sélective, où la justice semble moins servir la vérité que la gestion de l’image publique.

L’ASER, chargée de l’électrification rurale, est régulièrement pointée du doigt pour sa gestion des fonds publics. En 2025, des médias et des personnalités ont déjà soulevé des doutes sur ses contrats, ses partenariats controversés avec des entreprises étrangères, ou encore ses retards dans l’atteinte des objectifs fixés. Pourtant, aucune plainte n’avait été déposée contre ces critiques, parfois tout aussi virulentes. La presse sénégalaise a même relayé des enquêtes sur des manquements contractuels ou des surfacturations, sans que l’ASER ne saisisse systématiquement la justice.

Pape Mahawa Diouf, ancien directeur de l’ASPT et figure médiatique influente, n’est donc pas le premier à interroger la transparence de l’agence. Son cas se distingue par sa notoriété et l’audience de l’émission dans laquelle il s’est exprimé. L’ASER, en ciblant spécifiquement Diouf, semble moins chercher à défendre son honneur qu’à envoyer un message clair : certaines critiques seront tolérées, d’autres punies.

L’ASER justifie sa démarche par la gravité des accusations. Pourtant, d’autres allégations, tout aussi graves, n’ont pas donné lieu à des poursuites. Par exemple, des articles de presse ont évoqué des contentieux financiers impliquant l’ASER et des entreprises privées, ou des soupçons de favoritisme dans l’attribution de marchés. Pourquoi ces cas n’ont-ils pas mérité une réponse judiciaire ?

La réponse tient peut-être à l’impact médiatique de Diouf. Ancien porte-parole de la majorité présidentielle et personnalité publique reconnue, ses propos ont une résonance particulière. En attaquant Diouf, l’ASER ne vise pas seulement un individu, mais cherche à décourager d’autres voix critiques de s’exprimer publiquement. Cette stratégie n’est pas nouvelle : au Sénégal, les plaintes pour diffamation sont parfois utilisées pour intimider les détracteurs, surtout quand ils bénéficient d’une tribune médiatique importante.

L’affaire d’Ardo Gningue et de l’ASER illustre bien la situation. L’activiste a été poursuivi pour avoir « réclamé des comptes » concernant le même montant, mais sa parole n’a pas eu la même résonance médiatique que celle d’un responsable politique.

De plus, l’ASER a souvent privilégié la communication et les bilans auto-satisfaits plutôt que la transparence proactive. Plutôt que de publier des audits indépendants ou de répondre point par point aux accusations, elle préfère recourir à la justice, transformant un débat public en affaire judiciaire. Cette approche, loin de rassurer, renforce les soupçons d’opacité.

L’ASER ne réagit pas à toutes les critiques, mais choisit ses cibles en fonction de leur visibilité. Diouf, par son statut et son audience, représente une menace plus grande pour l’image de l’agence que des articles de presse ou des rapports techniques.

En déposant plainte, l’ASER détourne l’attention du fond (la gestion des fonds publics) vers la forme (la diffamation). Cela permet d’éviter un débat sur les 37 milliards évoqués, ou sur les dysfonctionnements réels du secteur.

Cette plainte envoie un signal aux médias et aux citoyens : critiquer l’ASER peut coûter cher. Dans un contexte où la liberté d’expression est déjà fragilisée, cette stratégie risque de refroidir les lanceurs d’alerte et les journalistes.

Si l’ASER était vraiment soucieuse de clarté, elle publierait ses comptes, organiserait des audits indépendants, et répondrait publiquement aux questions. À la place, elle préfère le silence judiciaire, moins risqué mais bien moins convaincant.

L’affaire Diouf n’est pas qu’un simple contentieux judiciaire. Elle illustre une tendance inquiétante : l’utilisation de la justice comme outil de communication, pour museler les critiques et éviter un vrai débat sur la gestion des fonds publics. En choisissant de poursuivre Diouf plutôt que de s’expliquer, l’ASER confirme ce que beaucoup suspectent : elle a quelque chose à cacher.

Il est temps que les institutions publiques, surtout celles gérant l’argent des contribuables, acceptent d’être interrogées sans recourir systématiquement à la justice. La transparence ne se décrète pas par communiqué, elle se prouve par des actes. L’ASER doit publier ses comptes, accepter des audits indépendants, et répondre aux questions des citoyens. Sinon, chaque plainte pour diffamation ne fera que renforcer la défiance et donner raison à ceux qui doutent.

La justice ne doit pas servir à protéger les institutions des critiques, mais à garantir que la vérité éclate. En cela, l’ASER a raté une occasion de prouver sa bonne foi. À elle maintenant de choisir : la transparence ou la censure déguisée.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Saliou Mbaye.
Mis en ligne : 22/09/2025

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