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L’actualité récente nous rappelle, une fois de plus, le cas emblématique de Farba Ngom, maire de Agnam, dont le nom est désormais indissociable des scandales financiers et des passe-droits judiciaires. Dans la nuit de mercredi à jeudi, un nouveau malaise a plongé l’opinion dans l’embarras : évacué en urgence du Pavillon spécial vers l’Hôpital Principal de Dakar, son état de santé, jugé critique, a relancé le débat sur les conditions de détention des personnalités politiques inculpées pour des faits graves.
Si l’on peut compatir à la souffrance humaine, il est urgent de rappeler que Farba Ngom n’est pas un simple détenu malade, mais un symbole criant de l’impunité et de la manipulation du système judiciaire sénégalais. Derrière les alertes médicales et les transferts en urgence se cache une stratégie bien rodée pour échapper à la justice. PASTEF et ses sympathisants, en soutenant sans réserve la libération de Farba Ngom, jouent avec le feu et risquent de brûler les fondements mêmes de l’État de droit.
Farba Ngom est inculpé pour escroquerie sur deniers publics, blanchiment de capitaux et association de malfaiteurs, dans une affaire portant sur des sommes colossales : 31 milliards de FCFA selon les dernières inculpations, voire 125 milliards selon les rapports de la CENTIF. Depuis février 2025, il est détenu, mais son séjour au Pavillon spécial une aile médicale de la prison soulève des questions légitimes. Pourquoi un tel traitement de faveur pour un homme accusé d’avoir pillé les ressources publiques, alors que des milliers de Sénégalais peinent à accéder à des soins de base ?
Les avocats de Ngom brandissent des rapports médicaux alarmants, évoquant un « risque de mort subite nocturne ». Pourtant, ces mêmes rapports n’ont pas empêché les juges de confirmer, à plusieurs reprises, son maintien en détention, estimant que sa libération représenterait un danger pour la société et pour la préservation des preuves. La justice a même ordonné son transfert au Pavillon spécial, un compromis censé concilier suivi médical et détention. Mais à y regarder de plus près, ce pavillon, en pleine réhabilitation, est loin d’offrir les conditions optimales pour une prise en charge digne de ce nom. Alors, pourquoi insister pour le maintenir dans un lieu inadapté, si ce n’est pour alimenter la polémique et forcer une libération sous pression ?
L’épisode du malaise nocturne et de l’évacuation en urgence n’est pas un hasard. Il s’inscrit dans une logique de victimisation, savamment orchestrée pour émouvoir l’opinion et discréditer la justice. Chaque alerte médicale est médiatisée, chaque transfert devient un symbole de « l’acharnement » judiciaire. Pourtant, les faits sont têtus : Farba Ngom n’est pas un prisonnier politique, mais un homme accusé d’avoir détourné des fonds publics, avec la complicité présumée de ses proches. Ses avocats, ses partisans et même certaines organisations de défense des droits de l’homme semblent oublier que la justice doit être égale pour tous. Pourquoi Farba Ngom mériterait-il une libération que l’on refuse à d’autres détenus malades, moins médiatisés et tout aussi vulnérables ?
Le Pavillon spécial, censé accueillir les détenus nécessitant des soins, est aujourd’hui au cœur d’une polémique légitime. Les conditions y sont précaires, les infrastructures insuffisantes, et les transferts en urgence vers d’autres hôpitaux se multiplient. Mais plutôt que de réclamer une amélioration globale des conditions de détention pour tous, certains ne voient que le cas Ngom. Cette sélectivité indigne est révélatrice d’un deux poids, deux mesures qui mine la crédibilité de nos institutions.
PASTEF, en s’engageant sans nuance dans ce combat, prend le risque de se discréditer. En faisant de Farba Ngom un martyr, le mouvement oublie les victimes réelles de ses agissements : les Sénégalais spoliés, les services publics asphyxiés, les familles endeuillées par les violences post-électorales dont il est aussi accusé d’être complice. La justice n’est pas un jeu, et la santé d’un détenu, aussi grave soit-elle, ne peut effacer des années de malversations.
Si l’état de santé de Farba Ngom est incompatible avec la détention, alors celui de tous les détenus malades l’est aussi. Pourquoi ne pas exiger une réforme globale du système pénitentiaire, plutôt que de réclamer des passe-droits pour un seul homme ? La justice ne peut se laisser dicter ses décisions par des campagnes médiatiques ou des pressions politiques.
Libérer Farba Ngom sous prétexte de sa santé reviendrait à envoyer un message désastreux : au Sénégal, quand on a les moyens et les réseaux, on peut échapper à la justice. Cela ouvrirait la voie à d’autres demandes de libération pour raisons médicales, souvent difficiles à vérifier, et affaiblirait la lutte contre la corruption.
Les alertes médicales répétées, les transferts spectaculaires, les silences éloquents de ses avocats – tout cela participe d’une stratégie visant à créer un climat de compassion, voire de révolte. Mais la compassion ne doit pas aveugler. La santé de Farba Ngom doit être prise en charge, mais dans le respect des procédures et sans privilégier son cas au détriment de celui des autres détenus.
Dans d’autres pays africains, des personnalités inculpées pour des faits similaires ont utilisé leur état de santé pour échapper à la prison. Au Zimbabwe, au Congo, ou encore en Guinée, des dirigeants ou hommes d’affaires accusés de corruption ont obtenu des libérations ou des exils « médicaux », laissant derrière eux des systèmes judiciaires discrédités et des populations exsangues. Le Sénégal doit éviter ce piège.
L’histoire récente de l’Afrique regorge d’exemples où des personnalités politiques ou économiques ont utilisé leur santé pour échapper à la justice. En Guinée, en RDC, ou au Zimbabwe, des figures controversées ont bénéficié de « libérations médicales » qui n’ont jamais été accordées à des citoyens ordinaires. Ces précédents ont systématiquement affaibli la confiance dans la justice et encouragé la corruption. PASTEF ferait bien de méditer ces leçons : en soutenant Farba Ngom sans réserve, le mouvement risque de contribuer à un système où les puissants sont au-dessus des lois, et où la justice devient un instrument de pouvoir.
Au Sénégal, des milliers de détenus souffrent dans l’ombre, sans accès à des soins décents. Pourquoi Farba Ngom mérite-t-il une attention particulière ? Parce qu’il a les moyens de se payer les meilleurs avocats, les meilleurs médecins, et les meilleures campagnes médiatiques. Mais la justice ne doit pas être une question de moyens, encore moins de notoriété.
PASTEF a le droit de défendre ses convictions, mais en soutenant Farba Ngom sans distance critique, le mouvement prend le risque de trahir ses propres idéaux. La justice doit rester impartiale, et la santé d’un détenu, aussi préoccupante soit-elle, ne peut justifier l’impunité. Le Pavillon spécial n’est pas une prison cinq étoiles, mais il n’est pas non plus un mouroir. Si les conditions y sont inadéquates, c’est l’ensemble du système qu’il faut réformer, pas accorder des faveurs à un seul homme.
Farba Ngom doit répondre de ses actes devant la justice, comme tout autre citoyen. Sa santé doit être préservée, mais pas au prix de l’équité et de la crédibilité de nos institutions. PASTEF, en jouant la carte de la victimisation, joue avec le feu. Et quand on joue avec le feu, on finit par se brûler et par brûler avec soi les espoirs de justice et d’égalité que porte le peuple sénégalais.
La vraie question n’est pas : « Faut-il libérer Farba Ngom ? » Mais bien : « Sommes-nous prêts à accepter que la justice soit à géométrie variable ? » La réponse doit être claire et sans ambiguïté : non. Pour le bien de tous, et pour l’avenir du Sénégal.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ousmane Bodian.
Mis en ligne : 22/09/2025
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