Après Khalifa Sall, Barthélémy Dias : Une démocratie fragilisée ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Eva | Publié le 25/09/2025 08:09:00

Après Khalifa Sall, Barthélémy Dias : Une démocratie fragilisée ?

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La Cour suprême du Sénégal a récemment confirmé la révocation de Barthélémy Dias de son poste de maire de Dakar, mettant ainsi un terme à un long feuilleton judiciaire et politique. Cette décision, qui consacre définitivement l’installation d’Abass Fall à la tête de la mairie, soulève des questions fondamentales sur la gouvernance locale, l’éthique politique et la séparation des pouvoirs. Si la justice a tranché, l’affaire Dias reste emblématique des tensions qui traversent la vie politique sénégalaise, où les condamnations judiciaires et les ambitions politiques s’entremêlent souvent de manière controversée.

Barthélémy Dias, figure politique majeure et souvent clivante, a été révoqué suite à une condamnation pour homicide volontaire remontant à 2011, confirmée en appel en 2022 et définitivement validée par la Cour suprême en 2023. Cette condamnation a entraîné sa destitution en tant que député, puis sa révocation de la mairie de Dakar en décembre 2024, après qu’un arrêté préfectoral l’ait déclaré démissionnaire de son mandat de conseiller municipal.

Dias a toujours contesté la légalité de cette procédure, dénonçant une manœuvre politique visant à l’écarter de la scène publique. Ses partisans y voient une instrumentalisation de la justice, rappelant les cas similaires de Khalifa Sall ou d’Ousmane Sonko, dont les carrières ont également été freinées par des condamnations judiciaires controversées.

La Cour suprême a rejeté le recours de Dias, estimant que l’arrêté préfectoral respectait les conditions légales. Pourtant, l’ancien maire a toujours affirmé que la perte de son mandat nécessitait un décret présidentiel, conformément à l’article 135 du Code général des collectivités locales. La rapidité avec laquelle la justice a statué, ainsi que le contexte politique tendu, alimentent les doutes sur l’impartialité de la procédure. La révocation de Dias s’inscrit dans une série de décisions judiciaires et administratives qui ont visé des opposants politiques, suscitant des interrogations sur l’équité et la proportionnalité des sanctions.

La révocation de Dias, comme celle d’autres figures de l’opposition, suggère une tendance inquiétante à utiliser l’appareil judiciaire pour écarter des adversaires politiques. Cette pratique, si elle se confirme, porte atteinte à la démocratie et à la confiance des citoyens dans les institutions.

La procédure a été menée dans un délai exceptionnellement court, sans que toutes les voies de recours aient été épuisées de manière équitable. Cela renforce l’idée d’une justice aux ordres, plutôt que d’une justice indépendante et impartiale.

En Afrique comme en Europe, des élus condamnés ou poursuivis ont parfois pu conserver leurs mandats, notamment lorsque les condamnations étaient contestées ou en appel. Au Maroc, en France ou en RDC, des débats similaires ont montré que la question de l’éligibilité des élus condamnés reste complexe et souvent sujette à interprétation politique.

La destitution d’un maire élu, surtout dans un contexte de tensions politiques, risque de fragiliser la légitimité des institutions locales et de décourager la participation citoyenne.

Au Maroc, des députés et maires condamnés ou poursuivis continuent d’exercer leurs fonctions en attendant un verdict définitif, illustrant une approche plus nuancée de l’inéligibilité. En France, des maires mis en examen ou condamnés en première instance ont pu se représenter, laissant aux électeurs le soin de trancher. Ces exemples montrent que la rigueur judiciaire peut coexister avec le respect du suffrage universel, à condition que les procédures soient transparentes et équitables.

La révocation de Barthélémy Dias, bien que légalement validée, laisse un goût amer. Elle interroge sur la place de la justice dans le jeu politique et sur les risques d’une instrumentalisation des institutions au service du pouvoir. Si la loi doit être respectée, elle doit l’être avec équité et sans précipitation, afin de préserver la confiance dans les institutions et la vitalité de la démocratie. En 2029, Dias pourra-t-il se présenter à nouveau ?

La réponse dépendra moins de la justice que de la capacité du Sénégal à garantir des élections libres et transparentes, où chaque citoyen, y compris les opposants, puisse exercer ses droits sans crainte de représailles. Pour l’heure, cette affaire rappelle que la démocratie ne se résume pas à des décisions judiciaires, mais aussi à la manière dont elles sont perçues et acceptées par la population.

La question reste entière : comment concilier la rigueur de la loi et la légitimité politique, sans tomber dans l’arbitraire ou la vengeance politique ? Le cas Dias, loin d’être isolé, doit servir de leçon pour l’avenir.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ibrahima Diedhiou.
Mis en ligne : 25/09/2025

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