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L’actualité sénégalaise est, une fois de plus, marquée par un scandale financier d’ampleur : la découverte de Certificats nominatifs d’obligation (CNO) d’une valeur de 16,57 milliards de francs CFA, émis au nom de Lansar Auto et payés seulement cinq jours après la fin du mandat de Macky Sall, en mars 2024. Cette affaire, révélée par la Centif et relayée par L’Observateur, s’ajoute à une longue liste de détournements et de malversations qui minent le pays depuis des décennies.
Le patron de Lansar Auto, Mahmadane Sarr, est au cœur d’une enquête pour détournement de deniers publics et blanchiment de capitaux, dans un dossier qui implique directement Amadou Macky Sall, fils de l’ancien président. Ces révélations, loin d’être isolées, s’inscrivent dans une logique de prédation systématique des ressources publiques, où chaque régime semble rivaliser d’ingéniosité pour spolier le peuple sénégalais.
Depuis des années, le Sénégal est le théâtre d’affaires de corruption à répétition, impliquant les plus hautes sphères de l’État. Sous Abdoulaye Wade, son fils Karim a été condamné pour avoir amassé des centaines de millions de dollars de manière illicite, avant d’être gracié par Macky Sall lui-même. Ce dernier, arrivé au pouvoir en promettant de rompre avec les pratiques du passé, a finalement reproduit les mêmes schémas : son frère Aliou Sall a été impliqué dans des contrats pétroliers opaques, tandis que son fils Amadou est aujourd’hui au centre d’un réseau de transactions suspectes, incluant des factures de location de voitures de luxe pour plus de 13 milliards de francs CFA et des CNO émis dans des conditions pour le moins troublantes.
Les noms de Mansour Faye, Adama Sall et d’autres proches du pouvoir reviennent régulièrement dans des dossiers de détournement, de surfacturation ou de gestion frauduleuse des fonds publics. La Cour des comptes, la Centif et la justice financière multiplient les rapports accablants, mais les sanctions peinent à suivre, et les sommes détournées restent rarement récupérées.
L’affaire Lansar Auto est emblématique de la manière dont les élites sénégalaises instrumentalisent les institutions pour leur profit personnel. Les CNO, émis en toute fin de mandat et sans suivi rigoureux, illustrent une gestion des finances publiques marquée par l’opacité et l’irresponsabilité. Comment expliquer que des titres d’une telle valeur puissent être payés à une entreprise privée, alors que l’administration était censée se limiter à la gestion des affaires courantes ?
Comment justifier que des contrats signés en 2023 soient réglés plus d’un an après, en pleine transition politique, sans que personne ne s’en émeuve ? Ces questions, posées par la Cour des comptes et la presse, restent sans réponse satisfaisante. Pire, elles révèlent une complicité passive, voire active, des services de l’État, qui ferment les yeux sur des pratiques pourtant illégales.
En Chine, par exemple, les biens des corrompus sont confisqués et les responsables sévèrement punis. Au Sénégal, les affaires s’enchaînent, les noms changent, mais le système reste le même : des fortunes se bâtissent sur le dos des contribuables, tandis que les hôpitaux manquent de médicaments, les écoles de matériel, et les routes de bitume. Les promesses de reddition des comptes, brandies à chaque alternance, se heurtent à une réalité implacable : l’impunité est la règle, et la justice, quand elle s’éveille, est souvent instrumentalisée pour régler des comptes politiques plutôt que pour rétablir l’équité.
Les arguments en faveur d’un constat sévère sont nombreux. D’abord, la répétition des scandales : Abdoulaye Wade, Karim Wade, Macky Sall, Mansour Faye, Amadou Sall… la liste est longue, et chaque affaire est plus sordide que la précédente. Ensuite, l’ampleur des sommes en jeu : 16,57 milliards ici, 13 milliards là, des centaines de millions ailleurs… des montants qui, cumulés, pourraient transformer le quotidien des Sénégalais, financer des infrastructures, créer des emplois, ou réduire la dette publique, qui ne cesse de croître. Enfin, l’absence de volonté politique réelle pour enrayer ce phénomène. Les enquêtes traînent, les procédures s’enlisent, et les principaux responsables, quand ils sont inquiétés, bénéficient souvent de protections ou de grâces présidentielles.
La dette publique du Sénégal, qui a explosé ces dernières années, est en partie le résultat de ces malversations. Chaque franc détourné est un franc qui manque à l’investissement public, un franc qui alourdit le fardeau des générations futures. Pourtant, malgré les mobilisations citoyennes et les appels à la transparence, rien ne semble pouvoir arrêter cette machine à piller. Les Sénégalais, las de ces promesses non tenues, expriment leur colère sur les réseaux sociaux et dans la rue, mais leur voix peine à se faire entendre face à une classe dirigeante sourde et indifférente.
Le Sénégal a besoin d’une rupture radicale avec ces pratiques. Il ne s’agit pas seulement de sanctionner les coupables, mais de réformer en profondeur les institutions, de renforcer les mécanismes de contrôle et de garantir l’indépendance de la justice. Tant que les responsables politiques et économiques pourront agir en toute impunité, le pays restera prisonnier de ce cycle infernal de corruption et de gaspillage.
La question posée en introduction reste donc entière : allons-nous un jour réussir à nous en sortir, collectivement et individuellement ? La réponse dépendra de la capacité des Sénégalais à exiger des comptes, à refuser la résignation, et à construire une gouvernance fondée sur l’intégrité et le respect du bien commun. En attendant, chaque nouveau scandale est un rappel cruel de l’urgence d’agir. Le pillage organisé n’est pas une fatalité, mais un choix. Il est temps d’en changer.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Boubacar Tall.
Mis en ligne : 26/09/2025
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