Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Une vingtaine de travailleurs sénégalais, employés par une entreprise chinoise dans le nord du pays, ont récemment été licenciés pour avoir simplement réclamé des contrats de travail en règle. Après quatre mois de travail sans protection légale, leur revendication légitime s’est soldée par un renvoi collectif, dans un silence complice des autorités locales. Ce cas n’est pas un incident isolé, mais illustre un système où certaines entreprises étrangères exploitent impunément une main-d’œuvre vulnérable, protégées par l’inaction des institutions.
Il est urgent de dénoncer ce mépris flagrant pour les droits fondamentaux des travailleurs sénégalais et d’exiger des comptes.
Au Sénégal, comme dans de nombreux pays africains, les grands projets d’infrastructures, routes, ponts, barrages, sont souvent confiés à des entreprises étrangères, notamment chinoises. Présentés comme des vecteurs de développement, ces chantiers cachent souvent une réalité moins reluisante : des conditions de travail précaires, des contrats bafoués, et une main-d’œuvre locale traitée comme quantité négligeable. Dans la région du Walo, près de Saint-Louis, des ouvriers ont travaillé pendant quatre mois sans contrat écrit, en violation flagrante du code du travail sénégalais. Leur seule faute ? Avoir demandé à être traités selon la loi. Leur récompense ? Un licenciement collectif, sans recours, sans indemnité, et sans réaction des autorités censées les protéger.
Ce scénario s’inscrit dans une dynamique bien connue : celle où les investisseurs étrangers, forts de leur poids économique et de la complaisance de l’État, imposent leurs règles, piétinant souvent les droits les plus élémentaires. Pourtant, le Sénégal dispose d’un arsenal juridique pour protéger ses travailleurs. Le code du travail est clair : tout employé a droit à un contrat écrit, à une rémunération juste, et à des conditions de travail décentes. Mais à quoi servent ces lois si elles ne sont pas appliquées ?
Le licenciement de ces travailleurs pour avoir réclamé leurs droits révèle un rapport de force inégal. Une entreprise étrangère, protégée par son statut et ses appuis politiques, se permet de sanctionner des employés qui exigent le respect de la loi. Pire, elle agit en toute impunité, sachant que des institutions comme l’Inspection du travail de Saint-Louis fermeront les yeux. Pour certaines entreprises, le Sénégal semble un terrain de jeu où les règles ne s’appliquent qu’aux locaux, jamais aux investisseurs.
Au Sénégal, le problème est aggravé par un système où les grands projets priment sur les droits humains. Les contrats sont signés, les financements débloqués, et les travailleurs deviennent des variables d’ajustement. Pourtant, sans eux, aucun chantier n’avancerait. Leur labeur construit les routes, ponts et bâtiments qui servent de vitrine à la « coopération » sino-sénégalaise. Mais lorsqu’il s’agit de leur accorder les droits les plus basiques, les portes se ferment.
Comment une entreprise peut-elle licencier des employés pour avoir réclamé ce que la loi leur garantit ? Parce qu’elle sait qu’elle ne sera pas sanctionnée. L’Inspection du travail, chargée de veiller au respect des droits des salariés, brille par son absence. Les autorités gouvernementales, soucieuses de ne pas froisser un partenaire économique puissant comme la Chine, préfèrent le silence à la justice. Résultat : les travailleurs sont livrés à eux-mêmes et les entreprises étrangères agissent en maîtres absolus.
Ce mépris est d’autant plus choquant qu’il s’inscrit dans un contexte de précarité généralisée. Dans un pays où le chômage frappe durement les jeunes, un emploi, même précaire, est souvent perçu comme une aubaine. Les entreprises étrangères en profitent pour imposer des conditions inacceptables, sachant que les travailleurs, par peur de perdre leur revenu, accepteront tout. C’est un cercle vicieux : plus les abus sont tolérés, plus ils deviennent la norme.
Le Sénégal n’est pas un cas isolé. Partout en Afrique, les entreprises étrangères exploitent les failles des systèmes locaux pour maximiser leurs profits au détriment des travailleurs. En RDC, les mineurs de cobalt travaillent dans des conditions dignes du XIXe siècle. Au Kenya, des ouvriers agricoles sont payés une misère pour produire des fleurs destinées aux marchés occidentaux. En Côte d’Ivoire, des planteurs de cacao vivent dans une pauvreté extrême, tandis que les multinationales réalisent d’énormes profits.
Ces exemples montrent que le problème dépasse les frontières. Il s’agit d’un système économique global où les pays riches et les grandes entreprises dictent leurs conditions, tandis que les travailleurs africains paient le prix fort. Le Sénégal, avec son ambition de devenir une économie émergente, ne peut se permettre de perpétuer ce modèle. Un développement durable ne peut se construire sur l’exploitation et l’injustice.
Le licenciement des travailleurs du Walo est un symbole de ce que devient un pays qui sacrifie ses citoyens aux intérêts étrangers. Le Sénégal mérite mieux que des emplois précaires et des droits bafoués. Il mérite des partenariats équitables, où les entreprises étrangères respectent les lois et où les institutions protègent les travailleurs, quels que soient leur employeur ou leur nationalité.
Les autorités doivent prendre leurs responsabilités : l’Inspection du travail doit sanctionner les entreprises qui violent le code du travail, le gouvernement doit exiger des clauses sociales strictes dans tous les contrats avec des investisseurs étrangers, et la société civile doit soutenir les travailleurs dans leur combat pour la dignité.
Aux entreprises étrangères qui pensent pouvoir agir en toute impunité, il faut rappeler une évidence : le Sénégal n’est pas une colonie, et ses travailleurs ne sont pas des esclaves. Ils méritent respect, justice et protection. Tant que ces principes ne seront pas respectés, aucun chantier, aussi ambitieux soit-il, ne pourra être considéré comme une réussite. Car un développement bâti sur l’injustice n’est qu’une illusion, et ses fondations finissent tôt ou tard par se lézarder.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mariama Faye.
Mis en ligne : 28/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





