Sarkozy en prison : Le vrai procès de la Libye attend toujours - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - International | Par Eva | Publié le 29/09/2025 07:09:15

Sarkozy en prison : Le vrai procès de la Libye attend toujours

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Le tribunal de Paris a condamné Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison pour financement illégal de sa campagne présidentielle de 2007, via des intermédiaires libyens. Si cette décision est saluée par certains, elle apparaît surtout comme une diversion : elle occulte le vrai scandale, à savoir le rôle central de l’ancien président dans la destruction de la Libye en 2011. Ahmad el-Kadhafi, cousin du dirigeant déchu, le rappelle avec force : « Il s’agissait d’une agression flagrante contre un pays qui constituait une soupape de sécurité en Afrique ».

La justice française se contente de punir la corruption, mais ferme les yeux sur les conséquences désastreuses d’une intervention militaire menée en dehors du droit international, dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui.

En 2011, sous prétexte de protéger les civils de Benghazi, la France, suivie par l’OTAN, lance une opération militaire en Libye. La résolution 1973 de l’ONU, adoptée le 17 mars 2011, autorise une zone d’exclusion aérienne et la protection des populations. Pourtant, très vite, l’objectif dérive : l’intervention devient une guerre de régime change, aboutissant à la chute et à l’assassinat de Mouammar Kadhafi. Les preuves s’accumulent : la France et ses alliés ont agi sans mandat clair pour un changement de régime, et sans évaluation sérieuse des risques humanitaires. Les services de renseignement français et certains proches de Sarkozy, comme Henri Guaino et Claude Guéant, avaient d’ailleurs conseillé la prudence, en vain.

La condamnation de Sarkozy pour corruption est une victoire symbolique, mais elle ne répond pas aux attentes des Libyens, ni à l’urgence d’une enquête sur les raisons réelles de l’intervention. Les faits sont accablants :

Depuis 2011, la Libye est divisée entre milices, gouvernements rivaux et groupes terroristes. L’État libyen, autrefois stable, est devenu un « État failli » où prospèrent trafics et violences. La Libye est devenue une plaque tournante pour les migrations vers l’Europe et un repaire pour Daech. Plus de 1 500 migrants sont morts en Méditerranée en 2015, et des milliers d’autres ont subi violences et trafics. L’OTAN a dépassé son mandat, visant explicitement Kadhafi et ses infrastructures, ce que même l’Union africaine et la Russie ont dénoncé comme une violation du droit international. Des révélations ultérieures ont montré que Sarkozy espérait des contreparties pétrolières pour la France, notamment pour Total.

La France juge Sarkozy pour corruption, mais pas pour les décisions militaires aux conséquences humanitaires catastrophiques. Pourquoi ? Parce qu’une telle enquête révélerait l’implication directe de l’État français dans la déstabilisation d’un pays souverain, et les calculs économiques qui ont motivé cette guerre. Emmanuel Macron a reconnu en 2017 que l’intervention était une erreur, mais aucun gouvernement n’a ouvert d’enquête approfondie. Les victimes libyennes, elles, attendent toujours justice. En refusant de faire la lumière sur 2011, la France perpétue une tradition d’ingérence non assumée en Afrique, où les intérêts stratégiques priment sur la stabilité des populations.

L’intervention en Libye rappelle d’autres erreurs occidentales, comme en Irak ou en Syrie, où des opérations militaires présentées comme « humanitaires » ont abouti à des désastres durables. À chaque fois, les responsables politiques échappent à toute responsabilité pénale pour les conséquences de leurs actes. La France, qui se targue de défendre les droits de l’homme, agit ici comme les États-Unis en Irak : en toute impunité.

La condamnation de Sarkozy pour financement illégal ne doit pas servir d’alibi pour éviter le vrai débat. La France a une dette morale et politique envers la Libye. Elle doit ouvrir une enquête indépendante sur les raisons et les conséquences de l’intervention de 2011, indemniser les victimes, et cesser de soutenir des gouvernements fantoches. Tant que la justice française refusera de juger les crimes géopolitiques, elle restera complice d’un système où les puissants échappent à la responsabilité de leurs actes.

Comme le souligne Ahmad el-Kadhafi, il ne s’agit pas seulement de punir un homme pour ses malversations, mais de rendre des comptes pour la destruction d’un pays. La vraie question n’est pas « Sarkozy est-il coupable de corruption ? », mais « Pourquoi la France a-t-elle détruit la Libye, et qui en paie encore le prix aujourd’hui ? ».

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Herve K.
Mis en ligne : 29/09/2025

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