Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
L’affaire Waly Seck, star du mbalax inculpée pour blanchiment d’argent et association de malfaiteurs, puis placée en liberté provisoire après avoir versé une caution de 210 millions de francs CFA, est révélatrice d’un système judiciaire sénégalais où tout se négocie, où les privilèges priment sur l’égalité, et où le changement promis n’est qu’un leurre. Libéré sous caution, alors même que d’autres prévenus dans la même affaire croupissent en prison, confirme une triste réalité : au Sénégal, la justice n’est ni indépendante ni impartiale. Cette décision est une nouvelle preuve que le pays reste prisonnier d’une logique de privilèges et de compromis politiques, loin de la rupture annoncée.
Waly Seck a été inculpé pour avoir vendu une Rolls-Royce à Amadou Sall, fils de l’ancien président Macky Sall, dans un contexte d’enquêtes pour flux financiers suspects et blanchiment d’argent. Pourtant, contrairement à d’autres mis en cause dans la même affaire, il a bénéficié d’une liberté provisoire, sans contrôle judiciaire, après avoir versé une caution correspondant exactement au montant de la transaction litigieuse. Cette décision intervient dans un pays où, depuis des années, les affaires de corruption et de blanchiment sont souvent résolues par des arrangements entre élites, et où les promesses de réforme judiciaire restent lettres mortes.
Le Sénégal sort à peine d’une crise politique marquée par des violences étatiques, des arrestations arbitraires et une loi d’amnistie controversée qui a permis la libération d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye, aujourd’hui aux commandes de l’État. Leur accession au pouvoir avait soulevé l’espoir d’une justice enfin indépendante et d’une reddition des comptes pour tous. Pourtant, les faits montrent que la logique de la négociation et de la réconciliation nationale prime sur l’exigence de transparence et d’égalité devant la loi.
La libération de Waly Seck soulève plusieurs questions. D’abord, comment expliquer qu’un homme inculpé pour blanchiment d’argent, un délit pour lequel la caution est normalement exclue, puisse retrouver sa liberté aussi facilement ? Ensuite, pourquoi cette clémence alors que d’autres prévenus dans la même affaire, comme Ibrahima Bâ ou Saliou Sylla, restent incarcérés sans possibilité de caution ? La réponse est simple : au Sénégal, la justice s’adapte au statut social et à l’influence des justiciables. Comme l’a souligné un observateur, « il ne s’agit pas d’un changement systémique, mais d’un simple remplacement de privilégiés ».
Cette affaire rappelle les cas de Karim Wade ou Khalifa Sall, dont les libérations avaient également été négociées, souvent au mépris des règles juridiques les plus élémentaires. Aujourd’hui, c’est au tour de Waly Seck de bénéficier de ce traitement de faveur, confirmant que la justice sénégalaise reste un instrument au service des puissants.
À l’inverse, en France, l’ancien président Nicolas Sarkozy a été condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen de sa campagne, malgré son statut et son réseau. La justice française a montré qu’elle pouvait sanctionner les plus hauts responsables, sans distinction. Au Sénégal, le Pool judiciaire financier (PJF) semble appliquer des critères opaques, où la notoriété et les connexions politiques pèsent plus lourd que les textes de loi.
Le président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont fait de la réconciliation nationale un pilier de leur gouvernance. Pourtant, cette politique cache mal une réalité plus sombre : celle d’un pouvoir qui préfère les arrangements aux réformes structurelles. Le récent remaniement ministériel, présenté comme un acte de rupture, n’a été qu’un réaménagement cosmétique, où Sonko a imposé ses choix à Diomaye, réduisant ce dernier à un rôle de figurant. Les libérations négociées, comme celle de Waly Seck, s’inscrivent dans cette logique : apaiser les tensions sans toucher aux fondements d’un système corrompu.
Les Sénégalais attendaient une justice exemplaire, capable de sanctionner les abus de pouvoir et la corruption endémique. À la place, ils assistent à un spectacle où les mêmes méthodes perdurent, où les élites continuent de s’arranger entre elles, et où les promesses de changement ne sont que des mots. La justice, au lieu d’être un rempart contre l’impunité, devient un outil de gestion politique, où les décisions sont prises en fonction des personnes plutôt que des faits.
La comparaison avec la France est édifiante. Nicolas Sarkozy, ancien président, a été condamné et incarcéré pour des faits de corruption et de financement illégal. En Espagne, en Italie, ou dans d’autres démocraties, les responsables politiques et les personnalités publiques sont régulièrement traduits en justice et sanctionnés lorsqu’ils enfreignent la loi. Au Sénégal, la justice hésite, tergiverse, et finit par céder aux pressions et aux négociations.
Cette différence de traitement n’est pas anodine : elle explique en partie pourquoi les pays africains peinent à sortir du cercle vicieux de la corruption et de l’impunité. Tant que la justice ne sera pas indépendante et impartiale, tant qu’elle continuera à protéger les privilégiés, le Sénégal restera prisonnier de ses démons.
L’affaire Waly Seck est un symbole. Elle montre que, malgré les alternances politiques, rien n’a vraiment changé au Sénégal. La justice reste sélective, les élites continuent de négocier leur impunité, et les promesses de réforme s’évaporent dans les coulisses du pouvoir.
Pour que le Sénégal avance, il faut une justice indépendante, capable de sanctionner sans distinction de statut ou de notoriété. Il faut des institutions fortes, protégées des pressions politiques, et une volonté politique réelle de rompre avec les pratiques du passé. Tant que cela ne sera pas le cas, les Sénégalais continueront de douter de leur système judiciaire, et le pays restera prisonnier d’une logique où tout se négocie, où rien ne change vraiment.
La libération de Waly Seck n’est pas une victoire pour la justice, mais une nouvelle preuve de son dysfonctionnement. Il faut que les dirigeants sénégalais comprennent que la réconciliation ne peut pas se construire sur l’impunité, et que la confiance des citoyens ne se regagne pas par des arrangements, mais par des actes forts et transparents. Sinon, le Sénégal restera à jamais le pays où la justice est une comédie, et où les privilégiés dictent les règles.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Antoine Sarr.
Mis en ligne : 30/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





