Procédures lentes, élites protégées : La justice s’arrête aux frontières - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Eva | Publié le 02/10/2025 08:10:00

Procédures lentes, élites protégées : La justice s’arrête aux frontières

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Un article récent révèle une réalité amère : les magistrats sénégalais chargés de la reddition des comptes se heurtent à un obstacle de taille, la fuite à l’étranger de plusieurs dignitaires de l’ancien régime. Amadou Sall, Mamadou Guèye, Mamour Diallo, Doudou Ka, Mame Mbaye Niang, Me Moussa Bocar Thiam… Tous sont visés par des enquêtes, mais tous ont choisi l’exil, entre la France, le Maroc, les États-Unis et le Canada.

Si les autorités sénégalaises assurent que les procédures ne sont pas bloquées, la réalité est bien plus cruelle : ces départs illustrent l’échec de la justice à sanctionner les puissants, révélant un système judiciaire impuissant face aux réseaux internationaux et aux protections diplomatiques.

Au Sénégal, comme dans de nombreux pays africains, la justice semble fonctionner selon un principe simple : rapide et implacable pour les citoyens ordinaires, lente et complaisante pour les élites. Les accords d’extradition, souvent brandis comme des solutions miracles, se révèlent en pratique des coquilles vides. Malgré la signature de conventions avec la France en 2021, approuvées en 2023, leur mise en œuvre reste un parcours du combattant, où chaque demande doit être « appréciée » par le pays hôte, une formule polie pour dire que tout dépend du bon vouloir des capitales étrangères. Pendant ce temps, les citoyens lambda, eux, sont jugés sans délai, souvent dans des conditions bien moins favorables.

Les conventions d’entraide judiciaire et d’extradition entre le Sénégal et la France, présentées comme des modèles de coopération, peinent à produire des résultats concrets. Les procédures sont longues, complexes, et surtout soumises aux aléas de la diplomatie. En l’absence des prévenus, les juges sénégalais n’ont d’autre choix que de recourir à des procès par contumace, où la défense est réduite au silence et où les condamnations, si elles tombent, restent lettre morte.

Cette situation n’est pas isolée. En Afrique, de nombreux exemples montrent que les dignitaires en fuite bénéficient d’une impunité de fait. Que ce soit en Côte d’Ivoire, où d’anciens ministres proches de Macky Sall ont trouvé refuge après la levée de leur immunité, ou au Soudan, où des responsables politiques traînés devant la Cour pénale internationale restent intouchables, le constat est le même : les puissants savent qu’ils peuvent échapper à la justice en franchissant une frontière. La France, souvent pointée du doigt, est régulièrement accusée de protéger les biens et les personnes des élites africaines, sous couvert de « coopération judiciaire » ou de « risque politique ».

Premièrement, l’inégalité devant la justice est flagrante. Alors qu’un simple citoyen sénégalais peut être incarcéré en quelques jours pour un délit mineur, les anciens ministres et hauts fonctionnaires profitent de procédures interminables, voire d’une absence totale de poursuites. Deuxièmement, les accords d’extradition, bien que signés, sont rarement appliqués avec rigueur.

Les pays hôtes, comme la France, invoquent des motifs juridiques ou humanitaires pour refuser les extraditions, transformant leurs territoires en refuges sûrs pour les fugitifs. Enfin, les procès par contumace, présentés comme une alternative, sont en réalité une mascarade : sans la présence de l’accusé, sans possibilité pour sa défense de s’exprimer, la justice devient une parodie, où les apparences sont sauves, mais où l’équité est bafouée.

La fuite des dignitaires sénégalais à l’étranger n’est pas une fatalité, mais le symptôme d’un système judiciaire affaibli par des années de complaisance et de dépendance vis-à-vis des puissances étrangères. Il faut que le Sénégal, et l’Afrique dans son ensemble, exige une véritable réciprocité dans les accords judiciaires. Les pays hôtes doivent cesser de servir de planques aux corrompus et aux criminels. La justice doit cesser d’être un privilège réservé aux plus humbles.

La crédibilité de l’État de droit se mesure à sa capacité à sanctionner tous les coupables, quels que soient leur statut ou leur lieu de résidence. Tant que les puissants pourront fuir et échapper à leurs responsabilités, la confiance des citoyens dans la justice restera ébranlée. Le Sénégal doit donc durcir sa position : gel des avoirs à l’étranger, pression diplomatique accrue, et refus de toute coopération avec les pays qui protègent les fugitifs. Sans cela, la reddition des comptes ne sera qu’un leurre, et l’impunité, une règle.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Khadim L.
Mis en ligne : 02/10/2025

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