Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Récemment, Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center, a tiré la sonnette d’alarme sur la situation de Dakar, qu’il qualifie d’ »invivable », proposant une solution radicale : créer « d’autres Dakar » au Sénégal pour soulager la capitale. Si son diagnostic reflète une réelle préoccupation, son analyse pèche par excès et minimise les efforts déjà engagés. Plutôt qu’un constat catastrophiste, une lecture plus nuancée s’impose : Dakar, comme toute grande métropole en développement, concentre des défis majeurs, mais aussi des dynamiques positives souvent ignorées.
Dakar n’est pas une exception. Avec une population estimée à plus de 5 millions d’habitants en 2025 et une densité frôlant les 9 000 habitants/km², la capitale sénégalaise partage les mêmes maux que Lagos, Abidjan ou Nairobi : embouteillages, pression foncière, pollution, et étalement urbain. Ces problèmes sont ceux de toute grande ville africaine en pleine croissance, où l’afflux rural et la concentration des opportunités économiques transforment le paysage urbain à un rythme effréné.
La région de Dakar, qui abrite 90 % des industries et 80 % des infrastructures du pays, joue un rôle moteur incontestable : elle contribue à plus de 55 % du PIB national et concentre l’essentiel des emplois formels. Vouloir la « démanteler » reviendrait à nier cette réalité économique et sociale.
Alioune Tine dénonce l’échec des politiques de décentralisation et des déguerpissements. Pourtant, ces dernières années, des progrès significatifs ont été réalisés. Le Plan directeur d’urbanisme de Dakar à l’horizon 2035, adopté en 2016, vise à faire de la capitale une ville « inclusive, durable, compétitive et solidaire ».
Par ailleurs, le Conseil Exécutif des Transports Urbains Durables (CETUD) a lancé un Plan de Mobilité Urbaine Durable (PMUD) pour 2025-2050, incluant des projets structurants comme le Bus Rapid Transit (BRT), prévu pour transporter 300 000 passagers par jour, ou encore le développement de pôles territoriaux à Kaolack, Mbour, Saint-Louis, Thiès, Touba-Diourbel et Ziguinchor. Ces initiatives, bien que perfectibles, montrent une volonté de repenser la mobilité et l’aménagement du territoire.
Le programme « Zéro Bidonville », initié en 2019, et les ateliers réguliers d’évaluation des projets urbains témoignent aussi d’une prise de conscience des autorités. Certes, les résultats sont lents et inégaux, mais réduire ces efforts à un « échec total » est excessif.
La décentralisation, souvent critiquée pour ses limites, a tout de même permis des avancées, comme la communalisation universelle et la création de pôles territoriaux dans le cadre de l’Acte III de la décentralisation. Ces réformes, bien que complexes, visent à rapprocher les services publics des citoyens et à renforcer la gouvernance locale.
Dakar reste indispensable, la capitale concentre les emplois, les services, les infrastructures et les investissements. La proposer comme « problème » à éliminer, c’est ignorer son rôle central dans l’économie nationale. Les métropoles africaines, malgré leurs dysfonctionnements, sont des leviers de développement irremplaçables.
Les progrès existent, le BRT, les projets d’assainissement, la ville nouvelle de Diamniadio (destinée à accueillir l’équivalent de la moitié des habitants de Dakar), ou encore le projet « Dakar Métropole 2050 » lancé en 2025, sont autant d’exemples de tentatives pour moderniser la ville et améliorer le cadre de vie.
La décentralisation n’est pas un échec absolu, Si elle bute sur des obstacles (manque de moyens, résistance des élites locales, corruption), elle a aussi permis des avancées, comme la régulation des prix des loyers ou la couverture médicale universelle. Plutôt que de vouloir créer artificiellement de nouvelles capitales, il serait plus réaliste de renforcer les régions existantes et d’améliorer la coordination entre les acteurs.
Les comparaisons internationales le confirment, Abidjan, Lagos ou Nairobi font face aux mêmes défis, sans pour autant envisager de se « multiplier ». Ces villes misent sur des solutions intégrées (transports, logement, assainissement) et une meilleure gouvernance, plutôt que sur des ruptures radicales.
Alioune Tine a raison de pointer les limites de la gestion urbaine actuelle, mais sa proposition de « créer d’autres Dakar » est irréaliste et contre-productive. Plutôt que de fantasmer une refonte totale, il faut consolider les réformes en cours, renforcer les capacités des collectivités locales, et investir dans des solutions durables pour Dakar et les autres villes du Sénégal.
La capitale n’est pas le problème, mais la clé d’un développement équilibré. Plutôt que de la « démanteler », il faut la transformer, en s’inspirant des bonnes pratiques africaines et internationales, et en impliquant davantage les citoyens dans la gestion urbaine.
Il faut cesser les discours alarmistes et de se concentrer sur des solutions pragmatiques : améliorer la planification urbaine, accélérer les projets d’infrastructures, et renforcer la décentralisation par des moyens concrets. Dakar a besoin d’évoluer, pas de disparaître. C’est en travaillant ensemble, avec lucidité et détermination, que le Sénégal pourra relever les défis de son urbanisation.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Khalifa F.
Mis en ligne : 03/10/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





